La gu?pe rouge (Красная оса)
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La journ'ee, pourtant, se tra^inait interminable. Elle 'etait semblable `a la journ'ee qui l’avait pr'ec'ed'ee. Elle ressemblerait sans doute au lendemain qui devait la suivre.
Occup'e `a 'etudier le dossier formidable des affaires de Fant^omas, Germain Fuselier ne convoquait pas encore le bandit. Celui-ci demeurait donc isol'e, au secret, au fond de sa cellule, et le temps 'etait plus long pour lui qu’il ne l’e^ut 'et'e pour n’importe qui. Il avait besoin d’action, car, par moments de violentes col`eres faisaient bouillonner le sang dans ses veines.
— Que fait Juve ? murmurait Fant^omas. S’inqui`ete-t-il de lady Beltham ? Va-t-il me venger ? Va-t-il la venger ?
Cet homme, dont le nom seul 'evoquait les pires 'eclats, cet homme qui n’avait recul'e devant aucune horreur, qui avait tout pli'e au gr'e de ses caprices, qui avait aur'eol'e son nom d’une sanglante renomm'ee, qui s’'etait hauss'e `a une quasi-toute-puissance, apparaissait alors de courtes minutes, vaincu, d'echu, incapable de se d'efendre.
Mais ces instants d’abattement ne duraient pas.
Qui l’e^ut observ'e attentivement e^ut devin'e qu’il s’inqui'etait surtout de sa fille disparue, de sa ma^itresse assassin'ee et que son propre sort lui 'etait indiff'erent.
Fant^omas souffrait moralement, connaissait les angoisses n'ees de ses sentiments affectifs ; il n’avait pas l’air de mesurer l’'etendue du danger o`u il se trouvait en ce moment.
Fant^omas pris, Fant^omas incarc'er'e dans l’une des cellules les mieux ferm'ees de la Sant'e avait les m^emes pr'eoccupations qu’il e^ut eues 'etant libre, et il n’en avait point d’autres.
Or, comme le quart venait de sonner `a la grande horloge plac'ee au centre des b^atiments p'enitentiaires, Fant^omas brusquement se redressa ; il pr^eta l’oreille une seconde, il 'ecouta avec attention le bruit de pas qui r'esonnait le long du couloir et paraissait se diriger vers son cachot.
`A peine avait-il pr^et'e l’oreille qu’il sourit et murmura :
— Allons, voici une visite pour moi. C’est mon excellent d'efenseur qui vient me voir.
La porte du cachot s’ouvrit, et peu de temps apr`es, en effet, Me Faramont en personne, l’illustre b^atonnier, 'etait introduit aupr`es de son client.
— Ma^itre, d'eclarait le gardien, puisque vous avez obtenu une permission de communiquer en cellule, et non pas au parloir, je vous rappelle les usages. Quand vous d'esirerez quitter votre client, vous n’aurez qu’`a frapper trois coups `a la porte. On viendra imm'ediatement vous ouvrir et vous reconduire.
— Parfait, mon ami.
Me Faramont remerciait le gardien d’un geste, et se tournait, un sourire cordial 'eclairant son visage, vers le terrible assassin qu’il devait d'efendre.
Me Faramont avait d'ej`a vu Fant^omas.
D'ej`a il s’'etait rendu `a la Sant'e pour lui annoncer qu’il faisait droit `a sa demande, et qu’il acceptait d’assumer sa d'efense aux Assises. Toutefois il n’avait pas encore entretenu le G'enie du Crime de sa cause et c’est pourquoi il 'etait venu ce jour-l`a, causer avec lui, `a la Sant'e, afin d’'etudier le syst`eme le plus favorable `a adopter pour t^acher d’apitoyer le jury lors des assises.
Me Faramont jeta donc sur Fant^omas un coup d’oeil inquiet. Le digne avocat n’'etait pas, en effet, sans une certaine 'emotion `a la pens'ee qu’il se trouvait seul face `a face avec le redoutable bandit.
Trente ans de sa vie il avait plaid'e au Civil et il 'etait tout 'emu `a l’id'ee qu’il aurait `a prendre la parole dans la grande salle des Assises.
— Mon cher client, commenca Me Faramont, en se frottant les mains par contenance, je suis tr`es heureux de vous voir, j’ai vraiment beaucoup de choses `a vous dire.
— Mon cher ma^itre, r'epondit Fant^omas, croyez bien que j’'eprouve aussi un vif plaisir `a me trouver en face de vous. Comme le disait une vieille chanson que j’ai entendue jadis au Crocodile :
On ne s’amuse gu`ere en prison.
Mais les visites sont agr'eables.
Fant^omas quitta le ton badin pour s’empresser aupr`es de l’avocat.
— Mais asseyez-vous, dit-il en d'esignant l’escabeau de bois qui se trouvait le long du mur attach'e `a la muraille par une cha^ine. Asseyez-vous donc, mon cher ma^itre, et donnez-moi votre serviette l`a. Je regrette de ne pouvoir mieux vous installer, mais `a la guerre comme `a la guerre, n’est-ce pas ? Vous aviez beaucoup de choses `a me communiquer, disiez-vous ?
Me Faramont 'etait `a ce moment compl`etement ahuri. Il ne comprenait rien `a l’aisance dont l’assassin faisait preuve et son calme le stup'efiait r'eellement.
— Oui, oui, r'epondait l’avocat, dominant avec peine son trouble, j’ai beaucoup de choses `a vous dire, mais t^achons de proc'eder par ordre. Ah, voici qui est int'eressant, j’ai pu, hier matin, me faire communiquer par M. Fuselier quelques pi`eces 'emanant du Parquet. Il en r'esulte mon cher client…
— Oh ma^itre, faisait-il sur un ton de reproche, vous allez me parler de mon affaire ?
— Dame, sans doute.
— C’est bien ennuyeux, cher ma^itre.
— Ah !
— Oui, c’est bien ennuyeux, reprenait Fant^omas toujours souriant, mais enfin s’il le faut, disons-en quelques mots.
— Quelques mots, protesta encore Me Faramont, mais vous n’y songez pas ! Il faut absolument que nous travaillions toute la journ'ee et tr`es dur. Quelques mots ! Mais sapristi vous ne vous doutez donc pas du nombre de crimes qui vous sont reproch'es ?
— Si, si, affirma Fant^omas toujours souriant, je ne m’illusionne pas l`a-dessus, mais ce sont des affaires si monotones. Et puis, je sais si bien ce que j’ai `a r'epondre. Et puis, c’est si inutile, tout ce que nous allons dire.