La gu?pe rouge (Красная оса)
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— Sapristi si vous m’avez pris pour avocat, Fant^omas, c’est j’imagine que vous me chargez du soin de votre d'efense. Or, comment voulez-vous que je vous d'efende si je ne sais pas exactement… ?
— Vous vous trompez, il n’est nullement question de me d'efendre.
— Pourquoi ?
— Mais assur'ement, mon cher ma^itre, il ne s’agit pas de me d'efendre. Voyons, dois-je apprendre `a un grand logicien comme vous qu’il serait pu'eril, de ma part, de vouloir me d'efendre ?
Et comme Me Faramont demeurait muet, Fant^omas achevait :
— Il faut ^etre raisonnable mon Dieu, or voici des choses raisonnables. Je me suis livr'e tout seul, ma^itre Faramont, volontairement, librement, parce que cela me plaisait. Donc, et je vous prie de remarquer ce mot d’une grande importance, donc si je me suis livr'e, je dois supporter les cons'equences de la d'ecision que j’ai prise en me livrant. Si je ne supportais pas ces cons'equences ou plut^ot si je pr'etendais ne pas les supporter, j’agirais comme un imb'ecile. Par cons'equent…
— Mais de ce train-l`a, clama encore Me Faramont, personne n’arrivera `a vous sauver, c’est un verdict certain de culpabilit'e, c’est la peine de mort qui vous attend.
L’avocat s’'etait lev'e, il suait `a grosses gouttes ; il pensa s’'evanouir de stup'efaction en entendant Fant^omas lui r'epondre avec un parfait sang-froid :
— Oh tranquillisez-vous, mon cher ma^itre, je ne laisserai pas les choses aller jusque-l`a.
— Vous dites ?
— Je dis, reprenait Fant^omas, que je n’attendrai point d’^etre condamn'e `a mort, je pr'etends d’ailleurs que j’agis toujours logiquement. Je me suis livr'e tout seul, vous disais-je tout `a l’heure, eh bien, mon cher ma^itre, je m’acquitterai tout seul.
— Vous vous acquitterez ?
— Ou je signerai ma gr^ace.
— Vous signerez votre gr^ace ?
— Enfin, je m’arrangerai pour partir de cette prison et ce sera l`a, vous le reconna^itrez, l’essentiel.
Fant^omas parlait avec un grand calme, il semblait s^ur de ce qu’il annoncait.
Me Faramont, comprenant de moins en moins l’'enigmatique attitude de son client, finit par lui demander :
— Vous semblez bien certain de votre salut et pourtant vous dites des 'enormit'es. Avez-vous donc un moyen indiscutable d’obtenir votre libert'e ?
— Peut-^etre.
— Vous pr'etendez prouver votre innocence ?
— Je pr'etends sortir d’ici. Je partirai d’ailleurs quand il me plaira.
— Voyons, voyons, il n’y aurait pour moi qu’une facon de comprendre ce que vous affirmez, peut-^etre n’^etes-vous pas Fant^omas. Vous ^etes un homme quelconque, cherchant `a dissimuler son identit'e ? Hein, c’est cela ? Vous invoquez une erreur de personne. C’est parce que vous n’^etes pas Fant^omas, que vous pr'etendez sortir d’ici quand bon vous plaira ?
Mais Fant^omas 'eclata de rire.
— Non, mon cher ma^itre, r'epondit-il, c’est au contraire parce que je suis Fant^omas, que j’agis comme je vous le dis ! Laissons cela. Nous ne serons morts, ma^itre Faramont, ni vous, ni moi, il faut l’esp'erer, avant quelque temps, donc nous saurons comment tout cela finira. Il sera temps alors de nous en occuper. D’ailleurs, j’ai bien des choses `a vous dire, ma^itre Faramont. Et tout d’abord, j’ai une petite question `a vous poser. Le groupe en p^ate tendre que vous exposiez r'ecemment aux Arts D'ecoratifs, 'etait-il v'eritable, ou bien 'etait-ce simplement une copie ? J’ai not'e de curieuses diff'erences entre les dessins de l’artiste et son oeuvre.
— Vraiment ? Vous connaissez cet objet et vous savez quelle pol'emique il a occasionn'ee ?
— J’avoue que je ne crois pas `a l’authenticit'e.
Me Faramont leva les bras au ciel :
— Allons dons, mais elle ne fait pas de doute tant elle est certaine, absolue, irr'efutable.
— Vous croyez ?
— J’en suis s^ur. 'Ecoutez-moi bien…
Et, perdant de vue compl`etement la situation o`u il se trouvait, causant avec Fant^omas dans la prison de la Sant'e, Me Faramont entreprit de d'evelopper tous les arguments qu’il avait patiemment recueillis pour prouver l’authenticit'e du groupe en p^ate tendre.
Or, plus Me Faramont s’emballait `a discuter, plus Fant^omas faisait preuve d’une 'erudition `a la fois exacte et pr'ecise.
Si le vieil avocat connaissait fort bien la porcelaine, Fant^omas ne la connaissait pas moins bien que lui. Il la connaissait peut-^etre mieux m^eme, car il finit par d'eclarer :
— Ma^itre Faramont, vous vous trompez, et, d`es que je serai libre, je vous le prouverai de facon indiscutable. J’ai quelque part, dans mes cartons, le dessin du groupe que vous poss'edez. Vous pourrez comparer et vous verrez.
— Vous comptez donc toujours sortir ? demanda l’avocat.
Mais Fant^omas ne lui laissa pas le temps d’achever sa phrase :
— Et qu’exposerez-vous, demandait-il, aux
— C’est exact, c’est tr`es exact. Oh, je vois que j’ai affaire `a un connaisseur. Vous ^etes assur'ement aussi connaisseur que moi, car il n’y a vraiment que les amateurs s'erieux `a suivre les manifestations de Bagatelle.
— En effet, r'ep'etait Fant^omas en souriant, j’aime beaucoup les arts, mais vous ne m’avez pas r'epondu. Qu’exposerez-vous ?
— Un v'eritable chef-d’oeuvre, mon cher ! Le P^echeur `a la ligne, de Rembrandt.
— Fichtre !
Et il 'ecouta Me Faramont se r'epandre en paroles d’admiration :
— C’est un tableau merveilleux, disait l’avocat. Je l’ai eu par une chance inou"ie, `a un prix abordable, mais en ce moment, `a coup s^ur, il vaudrait pour le moins de cinq `a six cent mille francs. Et encore la valeur marchande ne serait pas la valeur artistique. Il y a l`a-dedans une lumi`ere, un model'e… Ah, c’est admirable, en tout point !