La gu?pe rouge (Красная оса)
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Le b^atonnier 'echangea son chapeau haut de forme contre un chapeau de paille, puis, confiant sa serviette bourr'ee de documents `a son fils, il prit sa canne au vestibule, et descendit d’un pas tout guilleret `a la gare Saint-Lazare.
Le train qui devait le conduire `a Ville-d’Avray 'etait d'ej`a bond'e de voyageurs, c’'etait l’heure o`u les banlieusards, travaillant `a Paris, regagnent leurs habitations `a la campagne.
Le b^atonnier finissait cependant par trouver en premi`ere classe une place disponible, et, posant son journal sur le coussin, il resta sur le trottoir, d'evisageant les retardataires qui arrivaient en courant pour ne pas manquer le d'epart.
Le b^atonnier s’'etonnait de ne pas voir Sunds. Il s’en consola cependant.
— Il y a tant de monde dans ce train, qu’il est fort possible que j’aie pass'e devant son wagon sans m’en apercevoir. Nous nous retrouverons `a Ville-d’Avray.
Le moment du d'epart devenait imminent, des employ'es aux allures affair'ees couraient le long du train.
— En voiture, en voiture !
On entendit le claquement sec des porti`eres. Le b^atonnier regagna son compartiment qui se trouvait au complet.
Au moment o`u le train s’'ebranlait, Henri Faramont se plongea dans son journal, cependant qu’il songeait une derni`ere fois :
— Sunds doit ^etre dans quelque autre voiture. Ou alors, il a pris un autre train. Ou encore, il a compl`etement oubli'e notre rendez-vous, mais cela m’'etonnerait.
Cependant, `a peine le train partait-il, qu’un homme essouffl'e, haletant, courait `a toute vitesse par derri`ere, pour s’efforcer de le rattraper, et il geignait et maugr'eait :
— Ah sapristi, pourvu que j’arrive !
Mais c’'etait en vain. Le convoi gagnait de vitesse sur le retardataire, et celui-ci voyait sans cesse s’augmenter la distance le s'eparant du dernier wagon qui disparut sous le pont de l’Europe.
Le voyageur arriv'e en retard demeura immobile et penaud sur le trottoir quelques instants, il s’'epongea le front.
— Dieu que c’est b^ete, grommela-t-il, de manquer un train.
Mais il n’y avait rien `a faire, et haussant les 'epaules, furieux contre lui-m^eme, le personnage interrogea un employ'e :
— `A quelle heure le prochain d'epart pour Ville-d’Avray ?
— `A huit heures deux, monsieur, dans une heure.
— Bon Dieu, s’'ecria le voyageur dont le visage prit un air d'esesp'er'e, ce n’est pas possible, il doit y en avoir un auparavant.
Mais, impassible, son interlocuteur lui r'epondait :
— Non, monsieur, le prochain c’est `a huit heures deux.
— Eh bien, je suis frais ! grommela l’homme, qui, prenant d`es lors une r'esolution, quitta la gare et descendit cour de Rome.
Il avisa un taxi-auto :
— Dites donc vous, demanda-t-il, en s’adressant au m'ecanicien, ^etes-vous le type qui va me conduire rapidement et pour pas trop cher jusqu’`a Ville-d’Avray ?
Le conducteur du taxi h'esita un instant, il expliqua :
— C’est rapport `a mes pneus qui ne sont pas bien solides, mais enfin, ca n’est pas trop loin, montez.
Le voyageur qui avait manqu'e le train `a la gare Saint-Lazare s’installa dans l’automobile, qui partit en direction de la porte Maillot.
Ce voyageur, ce retardataire, c’'etait 'Erick Sunds, le Danois qui, `a toute force 'evidemment, voulait rattraper son client, le b^atonnier Henri Faramont.
***
Le train qui emmenait celui-ci venait de d'epasser Asni`eres.
Il 'etait bond'e de voyageurs, mais les banquettes de l’imp'eriale 'etaient `a peu pr`es d'esertes. On n’aime gu`ere `a s’y installer, eu 'egard `a la poussi`ere et aux escarbilles qui viennent att'enuer consid'erablement le charme que pourrait procurer le plein air.
Au d'epart de la gare Saint-Lazare, un couple qui semblait rechercher la solitude, s’'etait pourtant install'e sur l’une des imp'eriales de seconde classe.
'Etaient-ce des amoureux ? Ils en avaient l’air. L’homme, petit, trapu, tr`es brun, s’'etait assis en effet tout `a c^ot'e de sa compagne, une femme jeune, au visage 'energique, aux traits accentu'es, mais jolis. Elle 'etait brune elle aussi, tous deux s’exprimaient dans un francais assez incorrect, teint'e d’accent 'etranger.
Avant le d'epart du train, qu’ils 'etaient venus prendre de fort bonne heure, ils avaient, du haut de leur observatoire, minutieusement d'evisag'e tous les voyageurs.
Et il faut croire que cet examen leur avait donn'e satisfaction, car, d'esormais, la physionomie de l’un d’eux, tout au moins, celle du jeune homme, exprimait une parfaite satisfaction :
— Yo souis s^ur, murmura-t-il, que le b^atonnier est mont'e dans le train. L’affaire s’annonce de facon souperbe, nous allons r'eoussir !
L’homme qui s’exprimait ainsi, c’'etait Mario Isolino, le suspect italien, h'eros de plusieurs aventures assez peu `a son avantage, qui, depuis quelque temps, avait 'etabli son quartier g'en'eral sur les hauteurs de Montmartre.
Depuis une semaine environ, l’Italien Mario Isolino vivait maritalement avec Nadia la Circassienne, qui 'etait devenue sa ma^itresse le lendemain m^eme du jour o`u elle avait abandonn'e 'Erick Sunds, le Danois, ce qui, d’ailleurs, n’avait gu`ere d'eplu `a ce dernier.
Sur l’imp'eriale du train, Mario Isolino exaltait sa satisfaction en m^eme temps que sa tendresse.
Il attira Nadia aupr`es de lui, l’embrassa dans le cou.
— Io vous adore, ma toute belle, murmura-t-il.
Et il ne cessait de la serrer sur son coeur.