La gu?pe rouge (Красная оса)
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Le clich'e qu’ils venaient de d'evelopper si soigneusement, repr'esentait bien, en effet, un homme occup'e `a briser le tiroir du bureau ministre.
Mais cet homme, cet homme dont les traits 'etaient nettement reproduits, ne pouvait, pourtant, ^etre le cambrioleur. Car cet homme, Fandor l’avait nomm'e tout de suite :
— Juve, hurla le journaliste, c’est vous, Juve, qui ^etes photographi'e !
Il n’y avait pas, en effet, `a s’y tromper. La plaque, soigneusement fix'ee, lav'ee `a grande eau, expos'ee `a la lumi`ere, ni Juve, ni Fandor ne purent garder la moindre illusion. C’'etaient bien les traits de Juve qu’elle repr'esentait, c’'etait bien le visage du c'el`ebre policier qui s’'etait imprim'e sur la plaque.
Par quel myst`ere l’homme qui avait cambriol'e le bureau, tandis que Juve et Fandor 'etaient `a Ville-d’Avray, poss'edait-il si exactement, si parfaitement, le visage du policier ?
Aucun grimage n’'etait possible. Les fards, les perruques, les moustaches postiches, tous les accessoires qu’emploient les com'ediens et les bandits pour changer leur figure, peuvent bien, en effet, modifier l’expression d’une physionomie, mais ils sont impuissants `a donner r'eellement, surtout en photographie, le dessin de certains visages.
C’'etait bien les yeux de Juve, c’'etait bien les oreilles de Juve, bien son front bomb'e, son nez un peu busqu'e, son menton volontaire, ses m^achoires tenaces. C’'etait bien Juve qui avait 'et'e photographi'e l`a. Pourtant Juve, `a l’heure o`u le magn'esium flambait dans son bureau, n’y 'etait point : il se trouvait `a Ville-d’Avray.
— Je ne comprends pas. Ce qui s’est pass'e ici tient de la sorcellerie.
Mais au m^eme instant, Fandor 'eclata de rire :
— Que nous sommes b^etes ! dit le jeune homme qui, tout comme Juve quelques minutes avant, riait nerveusement sans 'eprouver cependant le moindre sentiment de gaiet'e. Ah, que nous sommes b^etes, Juve ! Je sais bien comment et pourquoi le visage de votre voleur est votre propre visage.
Juve leva la t^ete, consid'era son ami, et ironiquement, lui demanda :
— Ah tu sais cela ? Eh bien, vas-y de ton explication.
— Elle est simple, Juve. Ce bonhomme avait un masque, un masque moul'e sur vos traits.
Aux paroles de Fandor, Juve haussa les 'epaules.
— Un masque ? fit-il, parbleu oui, j’y ai d'ej`a pens'e, mais tu le dis toi-m^eme, un masque suppose un moulage, or, on ne m’a pas moul'e la figure sans que je m’en sois apercu.
Pourtant, Fandor ne paraissait point renoncer `a son id'ee :
— Voil`a ce que c’est, Juve, que de vous ^etre conduit comme un poseur. Est-ce que votre buste n’a pas figur'e au Salon ? Est-ce que le marbre n’a pas admirablement reproduit vos traits ? Tenez, Juve, je mettrais ma main au feu que c’est sur votre buste qu’a 'et'e moul'e le masque qui nous a tant stup'efi'es par la photographie que nous venons d’en faire.
L’explication 'etait plausible, simple, irr'efutable. Mais elle ne fit pas plaisir `a Juve.
— Tu as raison, confessa le policier, hochant la t^ete, je suis puni par o`u j’ai p'ech'e. Un masque, oui, un masque moul'e sur mon buste, je suis roul'e `a plate couture. Mais j’aurai ma revanche, cr'edibis`eque, j’aurai ma revanche ! Cette affaire-l`a, il y a quelque chose qui me dit qu’il faut la joindre `a l’affaire de Ville-d’Avray et l’affaire de Ville-d’Avray, je ne serais pas 'etonn'e qu’il faille l’imputer aux chineurs, ces gens qui, en somme, ont attir'e ce malheureux Faramont `a la villa myst'erieuse.
10 – H'EL`ENE ET SES MYST`ERES
Au coin de la rue Saint-Vincent, tout en haut de Montmartre, trois personnages 'etaient r'eunis : l’Italien Isolino, Nadia sa ma^itresse, et la fille de Fant^omas.
Isolino et Nadia ne comprenaient pas tr`es bien ce que pouvait avoir `a leur communiquer la fille du bandit et pourquoi H'el`ene, quelques minutes plus t^ot, avait sembl'e si press'ee de les voir en particulier.
Isolino et Nadia, depuis l’affaire de Ville-d’Avray, 'etaient peu rassur'es. Ils vivaient dans une crainte perp'etuelle, une frayeur continuelle de la police et des agents de la S^uret'e.
Les deux amants ignoraient qui les avait attaqu'es lors de l’agression de Ville-d’Avray. Aveugl'es par le poivre, ils n’avaient song'e qu’`a fuir sans tenter la moindre r'esistance. Cela 'etait fort heureux pour H'el`ene.
H'el`ene, en effet, s’'etait rendue `a Ville-d’Avray le soir m^eme de l’agression. Elle 'etait renseign'ee sur le lieu exact de l’attaque, Mario Isolino ayant eu l’imprudence de parler trop haut au Cabaret des Raccourcis.
« Je sauverai le d'efenseur de mon p`ere », s’'etait dit H'el`ene.
La vaillante jeune fille avait tenu parole. `A pr'esent, la fille de Fant^omas, d’un air `a la fois autoritaire et engageant, s’adressait aux amants :
— Et puis quoi, disait-elle, au moment o`u Isolino et Nadia se d'ecidaient `a la rejoindre, et puis quoi, des fois ? Est-ce que vous vous imaginez que je vais rester longtemps `a poireauter pour vous esp'erer ? Non mais, vous ne compreniez pas, peut-^etre ? quand je vous faisais signe de radiner par ici ? En voil`a des flemmards. C’est-y que vous avez h'erit'e ?
Mario Isolino prit un sourire aimable :
— Tou es une gentille enfant, commenca-t-il, mais tou nous fais peur oune peu, et qu’est-ce que tou nous veux ?
Quant `a Nadia, elle campait ses deux petits poings serr'es sur ses hanches, et, jetant `a la fille de Fant^omas un regard de d'efi, elle l’interrogeait :
— Qu’est-ce que tu as `a nous dire ? Allez, jaspine, et ne fais pas de magnes.
H'el`ene, `a ce moment, fr'emit sous le vent du soir. Une horreur, un d'ego^ut secret lui venait `a la pens'ee qu’elle s’entretenait ainsi, en pleine nuit, dans les ruelles d'esertes de Montmartre, avec les deux mis'erables qu’elle avait devant elle, avec ce Mario Isolino, qui, simple escroc d’abord, 'etait devenu, au moins par intention, un assassin, avec cette Nadia, jadis encore petite femme de chambre, fine et d'elicate, au service de la grande dame qu’'etait Sonia Danidoff, et qui, par le fait des circonstances, s’'etait ainsi m'etamorphos'ee en une pierreuse au parler canaille, aux attitudes grossi`eres.
H'el`ene se m'eprisait d’^etre oblig'ee de parler comme une fille.
— Jaspine, r'ep'etait Nadia, conte-nous voir tes balivernes, de quoi qu’il s’agit ?
— Il s’agit de travail.
Or, cette annonce 'etonnait `a coup s^ur Isolino et Nadia. Dans la langue de la p`egre,