La gu?pe rouge (Красная оса)
Шрифт:
— Tou vas nous proposer une affaire ?
— Oui.
— Un vol ou un crime ?
— Oh pas un crime. Un vol !
Et, en m^eme temps, elle reculait, effray'ee malgr'e elle de la lueur cruelle qui venait de s’allumer au fond des prunelles de Nadia.
— 'Ecoutez-moi bien, reprenait-elle pourtant, en tapant du pied et en faisant signe `a Isolino de ne point l’interrompre, je sais que vous ^etes tous les deux capables de me seconder et que vous n’avez pas peur.
— Peur ? Je ne sais pas ce que c’est, interrompit Nadia qui, depuis l’affaire de Ville-d’Avray, 'etait devenue audacieuse, terrible presque.
— Donc, continuait H'el`ene, voici ce que j’ai `a vous proposer : je connais un certain bonhomme, un nomm'e Dick, qui a sur lui, ce soir m^eme, une tr`es grosse somme d’argent enferm'ee dans son portefeuille, deux cent mille francs peut-^etre. Voil`a. Il faut aller les lui prendre.
— Sainte Madone, c’est une somme ce que tou dis l`a, et vraiment tou crois qu’il a cet argent dans son portefeuille ?
— Mais tu crois que le vol est facile ? demandait Nadia. Allons, quoi, fais pas des magnes, je te dis, raconte voir un peu la manigance ?
— Voici, expliqua-t-elle. Dick, l’acteur Dick, l’homme pr'ecis'ement qui a 'et'e m^el'e aux derni`eres aventures d’Enghien et du th'e^atre de la rue Clignancourt, Dick, enfin, a touch'e pas mal d’argent, il est en ce moment, je le sais, chez sa ma^itresse, une certaine dame qui s’appelle Sarah et qui habite Enghien, dans un h^otel que je connais. Il en repartira vers minuit, je le sais aussi.
— Comment ?
— Cela ne te regarde pas. Bref, il s’en ira `a minuit. Si vous voulez que nous tentions le coup, nous n’avons qu’`a aller l’attendre. Isolino se jettera sur lui, toi, Nadia, tu le b^aillonneras et tu le ficelleras, moi je me charge de le d'epouiller, nous nous partagerons ensuite le p`eze par parts 'egales. Ca colle-t-y ?
— Es-tou s^ure au moins qu’il ne se m'efie de rien ? Sais-tou s’il est arm'e ou non ? demandait Isolino.
— Je sais qu’il y a pr`es de deux cent mille francs `a se partager et que ca vaut de risquer un peu.
— Il est dix heures, dit Isolino en regardant sa montre, on a juste le temps d’arriver l`a-bas. Par o`u qu’on se cavale ?
— Par le tramway.
H'el`ene guidait en effet ses deux complices vers le tramway d’Enghien. Sur son ordre, Nadia grimpa dans la baladeuse, Isolino de son c^ot'e, montait dans la premi`ere voiture, mais restait sur la plate-forme, cependant qu’elle-m^eme allait prendre place `a l’int'erieur, contre la vitre qui la s'eparait du machiniste. Dans la nuit, le tramway fila vers Enghien.
Mais quels 'etaient donc `a ce moment les pens'ees et les projets d’H'el`ene ? Pourquoi la jeune fille qui, quelque temps plus t^ot, avait essay'e de paralyser les criminels desseins de Mario Isolino et de Nadia, en les mettant `a Ville-d’Avray dans l’impossibilit'e de r'ealiser leur crime, les servait-elle aujourd’hui ?
'Etait-ce bien vers le vol que la fille de Fant^omas conduisait Isolino et Nadia ?
`A vrai dire, il e^ut fallu peu conna^itre H'el`ene pour la croire capable d’une pareille chose. Il ne fallait pas songer davantage qu’elle conduisait ses mis'erables compagnons `a une sourici`ere, qu’elle se pr'eparait `a livrer `a la police les coupables de la tentative de Ville-d’Avray.
Certes, H'el`ene 'etait honn^ete. Certes la pure jeune fille avait horreur de ceux qui l’accompagnaient, mais elle 'etait cependant trop loyale pour jamais trahir ceux qui se confiaient `a elle, pour jamais les livrer `a la police.
H'el`ene avait de tout autres desseins.
La jeune fille avait appris, en effet, le vol dont Juve avait 'et'e victime. De plus, elle connaissait le coupable. Elle savait que Dick 'etait l’auteur de ce vol. Elle savait que ses papiers, ces fameux papiers qui jadis avaient fait couler tant de sang au Transvaal, se trouvaient entre les mains du terrible acteur, et c’'etait cela, maintenant, qu’elle voulait aller reprendre de force `a Dick.
Or, tandis que le tramway filait sur Enghien, tandis qu’H'el`ene r'efl'echissait `a la tentative d'esesp'er'ee qu’elle allait entreprendre, Dick et Sarah se promenaient lentement, amoureusement enlac'es dans le grand jardin de l’h^otel o`u, sur l’ordre de Juve, Sarah Gordon continuait d’habiter.
Dick 'etait en train de faire `a la jeune femme une br^ulante d'eclaration d’amour :
— Ma ch`ere, affirmait l’acteur d’une voix prenante, sa voix des sc`enes de tendresse, ma ch`ere, vous avez dout'e de moi et c’est de l`a que viennent tous nos malheurs, il fallait ^etre plus confiante, il fallait savoir que je n’'etais pas l’homme `a vous d'eclarer un amour que je n’aurais pas 'eprouv'e. Il fallait comprendre aussi que si je vous suppliais de demeurer en France, c’est qu’en r'ealit'e, je ne pouvais pas m’en aller au moment o`u vous le d'esiriez.
— Taisez-vous, dit la jeune femme. Vous me parlez de confiance, et vous devriez pourtant savoir que la confiance est impossible d'esormais entre nous.
— Impossible, pourquoi ?
— Parce que je sais assez de choses pour me rendre compte que je suis folle de vous aimer. Parce que je n’ai plus de doute, vous vous moquez de moi, vous avez une ma^itresse, vous aimez une autre femme.
Or, `a ces mots, Dick 'eclatait de rire :
— Sarah, ma bonne Sarah, r'epondait-il, en prenant de force le bras de la jeune femme et en le serrant amoureusement, je vous jure que vous d'eraisonnez ! J’ai peut-^etre eu besoin d’'eprouver votre amour, peut-^etre ai-je voulu savoir si vous m’aimiez assez pour ^etre jalouse de moi. Peut-^etre m^eme, ai-je simplement voulu jouer un peu avec votre coeur. Mais de gr^ace, n’imaginez point qu’il soit une autre femme au monde que j’aime autant que vous.
— Vous mentez. J’ai vu cette H'el`ene. Je sais qu’elle est votre ma^itresse. Elle me l’a dit.
— Sottise !
— Non, v'erit'e, Dick. Oh n’essayez pas de m’abuser. J’ai bien compris qu’elle vous aimait et que vous l’aimiez !
— Sarah, j’ai un moyen pour vous convaincre. Si vous voulez ne pas douter de mon amour, acceptez ce que je vais vous proposer.
— Quoi donc ?
— Voulez-vous que nous partions en Am'erique ?
— Quand ?
— Demain, ce soir, si vous voulez ?
— Je voudrais vous croire. Je voudrais oser accepter votre offre. Mais elle me semble trop belle.
Elle se taisait, elle r'efl'echissait, puis soudain, elle frissonna.
Le grand parc de l’h^otel dans lequel Sarah et Dick se promenaient ainsi, 'etait plant'e d’'epais massifs que l’ombre de la nuit faisait encore plus touffus et plus myst'erieux. Les deux jeunes gens s’'etaient 'eloign'es des b^atiments, ils se trouvaient au bout du jardin et le silence de la nuit semblait peser de tout son poids.