La gu?pe rouge (Красная оса)
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— Voil`a ce que je cherchais, murmura l’homme.
Il eut un 'eclat de rire, puis, d'edaignant d'esormais de remettre quoi que ce f^ut en ordre, il reprit sa course, se rhabilla, et, 'eteignant sa lampe 'electrique, se glissa dans l’ombre vers la porte de l’appartement, puis l’ouvrit et referma sans bruit.
Au bas de l’escalier, en passant devant la loge de la concierge, l’inconnu cria :
— Cordon, s’il vous pla^it !
Mais au m^eme moment, il r'eprimait mal un sursaut de frayeur. La porte de la loge 'etait vitr'ee, en effet, et `a travers cette vitre, un rayon de lumi`ere venait d’^etre projet'e, cependant que la concierge demandait :
— Qui va l`a ?
Il h'esitait `a r'epondre, lorsque d’une voix ensommeill'ee, la concierge ajoutait :
— Ah c’est vous, monsieur Juve ! Vous ne voulez pas votre courrier ? J’ai justement une lettre pour vous.
Il h'esita une seconde, mais `a ce moment la porti`ere tirait le cordon. Sous la vo^ute proche de l’immeuble, la porte r'esonnait en s’ouvrant. L’homme n’en demanda pas davantage. Sans r'epondre `a l’invitation qui lui 'etait faite, il s’'elanca sous la vo^ute. Derri`ere lui, le lourd grillage de la porte coch`ere gronda en se fermant.
Or, il y avait `a peine cinq minutes, il y avait moins peut-^etre que l’inconnu 'etait sorti du 1 ter de la rue Tardieu, lorsque Juve et Fandor, sautant d’un taxi-auto qu’ils avaient arr^et'e `a la gare, sonnaient `a leur tour `a cette porte. Juve 'etait triste, Fandor tr`es pr'eoccup'e.
Le policier songeait que les affaires de Ville-d’Avray, auxquelles il venait d’^etre m^el'e, 'etaient des plus inqui'etantes. Fandor oubliait les affaires, pour ne penser qu’`a H'el`ene, et il se demandait si la jeune fille qu’il aimait n’avait pas couru, dans la myst'erieuse maison, quelque grave danger, si elle 'etait `a l’heure actuelle saine et sauve.
Il 'etait tard. Il importait avant tout que les deux hommes prissent du repos. Dans l’existence aventureuse qu’ils menaient, les jours se succ'edaient, perp'etuellement dramatiques, et ils devaient savoir, par moments, tenir bon pour pouvoir lutter encore, faire taire leurs pr'eoccupations morales, accorder quelques instants de tranquillit'e `a leur corps harass'e.
— Viens coucher chez moi, avait dit Juve.
Fandor n’avait pas refus'e. Le wattman du taxi-auto pay'e, Juve fit passer Fandor sous la porte coch`ere de l’immeuble. Le journaliste et lui avancaient dans le noir jusqu’au pied de l’escalier. Juve en passant devant la loge de la concierge cria son nom, en locataire bien tranquille, et respectueux des r`eglements.
— Ne vous d'erangez pas, criait-il, c’est moi Juve.
La voix de la porti`ere, au m^eme instant, s’informa :
— Ah c’est encore vous, monsieur Juve ? Eh bien vous voulez-t’y vot’ lettre ?
Juve 'etait d'ej`a `a moiti'e du premier 'etage, il s’arr^eta interrogeant :
— Vous avez une lettre pour moi ?
— Mais oui, bien s^ur, vous n’avez pas entendu que je vous le disais tout `a l’heure ?
— Quand m’avez-vous pr'evenu ? demanda-t-il.
— Dame, il y a cinq minutes, quand vous ^etes sorti !
La voix de la concierge, de la complaisante femme qui s’arrachait au sommeil pour donner son courrier `a Juve au milieu de la nuit, un locataire qui faisait son admiration, qu’elle consid'erait comme un v'eritable g'enie, trahissait quelque stup'efaction. Juve, de son c^ot'e, s’'enervait.
Il frotta une allumette-bougie, et redescendit l’'etage, marchant vers la porte de la loge que la concierge entreb^aillait pour passer la lettre.
— Vous m’avez pr'evenu tout `a l’heure ? r'ep'etait-il en insistant sur les mots. Il y a combien de temps ?
— Cinq minutes, peut-^etre.
— Je suis donc sorti il y a cinq minutes ?
La question 'emut d'efinitivement la brave femme. Elle consid'era Juve avec des yeux ronds que l’'etonnement faisait clignoter.
— Mais pourtant je n’ai pas la berlue ! insista-t-elle. Est-ce que vous vous moquez de moi, monsieur Juve ? Il y a cinq minutes, c’est bien vous qui ^etes sorti ? C’est bien vous puisque j’ai reconnu votre figure, quand j’ai allum'e le projecteur.
Juve ne comprenait rien `a ce qu’on lui disait. Pourtant, il ne perdit point son calme :
— En effet, r'epondit-il, c’est bien moi qui suis sorti tout `a l’heure, mais je ne pensais pas que vous aviez eu le temps de me reconna^itre. Mes compliments, madame, vous feriez une excellente polici`ere.
Et comme la concierge se confondait en remerciements pour un compliment qui la touchait au coeur, venant de Juve, le policier recommenca `a monter, rejoignant son ami qui l’attendait au premier 'etage.
— Fandor, interrogeait Juve, tu as entendu ?
— Oui, r'epliquait Fandor, mais je ne comprends rien `a cette histoire. Cette femme a r^ev'e ?
— Peut-^etre, r'epliqua Juve.
Et rien qu’`a la facon dont Juve prononcait ces mots, Fandor se prenait `a tressaillir. Quelques instants plus tard, cependant, les deux amis 'etaient `a la porte de l’appartement de Juve. Le policier prit sa cl'e, l’introduisit dans la serrure, ouvrit. Mais comme tout naturellement Fandor allait passer devant lui, Juve l’empoigna par le bras :
— Reste derri`ere, petit, commanda-t-il.
— Et pourquoi ?
— Ca sent l’ail.
La r'eponse pouvait para^itre incoh'erente, pourtant elle glaca d’effroi Fandor. Juve, original comme toujours, aimait intriguer ses interlocuteurs en les entretenant par phrases 'enigmatiques. Mais il avait cependant un ton de voix qu’il ne savait pas d'eguiser. Ceux qui le connaissaient, comme Fandor, devinaient ais'ement quand il s’agissait de choses s'erieuses, et quand, au contraire, il plaisantait.
Or, Juve, `a ce moment, 'evidemment 'etait s'erieux. De plus, Fandor se rendait compte que le policier n’avait point menti. La porte de l’antichambre ouverte, Fandor en reniflant, en humant l’air, se rendait compte que Juve avait parfaitement raison. L’appartement sentait l’ail. Il y avait une odeur d’ail intol'erable qui flottait dans l’antichambre.
Qu’est-ce que tout cela signifiait ?
Fandor allait interroger Juve, lorsque celui-ci, avisant un commutateur le long de la muraille, le tourna rapidement, faisant la lumi`ere. Et au m^eme instant, Juve jurait :