La gu?pe rouge (Красная оса)
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M. de Keyrolles, toujours pr'ecis, consultait sa montre :
— Neuf heures vingt ; il faut bien, en effet, une demi-heure `a Jacques pour aller et venir au bureau de tabac, il sera donc dix heures moins dix lorsqu’il sera de retour. Vous avez un bon train `a dix heures pour Paris, mais il ne faudra pas tra^iner.
— Parfait, dit Sarah Gordon.
Puis se tournant vers Mme de Keyrolles, elle ajouta :
— Je vous quitterai, ch`ere Madame, `a dix heures moins le quart, j’attendrai M. Jacques `a l’entr'ee de l’avenue, comme cela nous gagnerons quelques minutes.
— Ouf, soupira Jacques une fois dans la rue, j’ai 'echapp'e au crampon, mais sapristi, il va falloir faire vite, puisqu’il faut que je la retrouve `a dix heures moins le quart. Ces femmes seules sont vraiment assommantes. Elles ont toujours besoin d’^etre accompagn'ees.
Au coin de l’avenue, Jacques Faramont apercut Fandor.
Le journaliste avait l’air tout penaud. Il 'etait adoss'e `a la grille du jardin et tenait sur sa poitrine une 'enorme gerbe de fleurs envelopp'ee de papier blanc.
— Ah vous voil`a ! grogna-t-il en apercevant le fils du b^atonnier. J’avais peur d’un malentendu et je commencais `a me sentir stupide avec ce bouquet que je prom`ene depuis Paris. Tenez, je vous le passe.
Et Fandor confia les fleurs `a l’avocat.
— Ne perdons pas une minute, dit le jeune avocat, il faut que je vienne reprendre Sarah Gordon ici m^eme, `a dix heures moins le quart.
— Parfait, d'ep^echons-nous !
Ils franchirent ensemble la grille du parc de la villa abandonn'ee, et, tandis que Jacques Faramont se dirigeait vers la maison, Fandor se dissimulait derri`ere le gros arbre.
Jacques Faramont gravit pos'ement les marches du perron de la maison silencieuse.
Le jeune homme sonna. Nul bruit. Fandor, d'ej`a nerveux, se disait :
« Cette tentative ne sert `a rien, la femme aux cheveux blancs ne se montrera pas. »
Mais la porte s’entreb^aillait doucement, cependant qu’une l'eg`ere lueur p'en'etrait dans le vestibule.
Jacques Faramont p'en'etrait dans ce vestibule.
« Ca y est », pensa Fandor.
Le journaliste s’'etait pench'e pour regarder, il venait d’entrevoir une silhouette, celle d’une femme grande, v^etue de blanc, semblait-il.
Fandor ne voyait pas les traits de la jeune femme.
Qui 'etait la personne myst'erieuse de la villa ? Pourquoi H'el`ene avait-elle fait une apparition dans le jardin, la nuit de l’attentat ? La personne myst'erieuse de la villa n’'etait-elle pas H'el`ene, tout simplement ?
Pas de bruit, pas de lumi`ere. Fandor s’approcha, sonna. Long bruit de la clochette. Rien. Mais la porte 'etait entreb^aill'ee.
« Allons-y », se dit Fandor qui franchit le seuil, mais il h'esitait sur la marche `a suivre quand il entendit des g'emissements, un cri :
— Au secours ! D'elivrez-moi !
C’'etait la voix du jeune Faramont.
Que lui 'etait-il arriv'e ?
Fandor ouvrit la premi`ere porte, craqua une allumette : la pi`ece 'etait vide. La porte du fond 'etait ferm'ee `a cl'e. De derri`ere elle venait, plus nette, la voix de Jacques qui continuait d’appeler.
— Me voil`a, cria Fandor, courage !
Un l'eger bruit surprit le journaliste. Il se retourna : la porte par laquelle il 'etait entr'e venait de se refermer brusquement. Il y courut, la secoua. Trop tard. La cl'e avait tourn'e. Fandor, `a son tour, 'etait prisonnier. Le journaliste n’'etait pas pr`es de se d'ecourager. Il avisa la fen^etre, l’ouvrit. Des volets cadenass'es en interdisaient l’acc`es. Par les jours de ceux-ci, il apercut une forme blanche, cependant qu’un grand cri d’angoisse d'echirait le silence de la nuit.
Soudain, derri`ere la forme blanche avait surgi une autre silhouette, et Fandor frissonna. Une ombre venait de glisser le long de la maison, au ras de la fen^etre, tout contre les volets derri`ere lesquels Fandor 'etait post'e.
Le journaliste poussa un sourd grognement, puis, ayant pris son browning dans sa poche, par les interstices des volets, il tira.
En effet, il avait vu, `a n’en pas douter, la silhouette tragique du Ma^itre de l’Effroi se profiler, noire sur fond de nuit. 'Etait-ce possible, puisque Fant^omas 'etait en prison ?
— Ah par exemple ! s’'ecria le journaliste, c’est plus fort que tout, il faut que je sache, que j’en aie le coeur net !
Et ses doigts impuissants `a ouvrir les volets s’ensanglantaient sur les persiennes qui r'esistaient `a ses efforts. Tout en agissant de la sorte, il regardait par les interstices ce qui se passait dans le jardin. Une nouvelle stupeur le cloua sur place. Une femme passait `a travers le parc. Elle courait, et, comme `a un moment donn'e elle traversait le rayon lumineux d’un r'everb`ere, Fandor la reconnut :
— Sarah Gordon !
C’'etait en effet l’Am'ericaine. Fandor n’eut pas le temps de s’interroger longuement et de se demander par suite de quelles circonstances, curieuses, l’Am'ericaine se trouvait l`a.
Quelqu’un courait apr`es elle, la saisissait par le bras : ce quelqu’un avait la silhouette de Fant^omas que Fandor voyait nettement d'esormais, envelopp'e dans son grand manteau noir.
Sarah Gordon poussa des hurlements de terreur qui, soudain, s’arr^et`erent.
Fandor avait pris son arme, mais n’osait tirer. En visant Fant^omas, il risquait d’atteindre l’Am'ericaine.
Et d`es lors, ses efforts se concentraient sur le volet qu’il s’efforcait d’arracher de ses gonds. `A un moment donn'e, Fandor poussa une exclamation de joie, il lui semblait que le volet c'edait.
« Encore quelques instants, se disait-il, et je serai, moi aussi, dans le jardin. »
Au m^eme moment, un bruit de portes enfonc'ees retentit et quelqu’un surgit dans la pi`ece o`u 'etait Fandor. C’'etait Jacques Faramont qui venait de d'emolir la porte de la pi`ece voisine o`u il 'etait enferm'e.