La livr?e du crime (Преступная ливрея)
Шрифт:
— Crois-tu que ce n’est pas incompr'ehensible cette affaire-l`a ? Mon loyer n’est pas pay'e et ceux des locataires non plus, et pourtant, on a toutes donn'e un acompte `a la dame de l’OEuvre qui vient tous les trois mois, `a Mme Gauthier. Le proprio a fait savoir que du moment que l’OEuvre n’avait pas raqu'e, c’'etait nous autres qu’on devait le faire, ou bien alors qu’on serait vendus.
— Cela m’'etonne beaucoup, d'eclara-t-elle, puisque Mme Gauthier a touch'e l’argent, elle a d^u payer, elle a pay'e.
Mais, `a ce moment m^eme, un groupe de femmes et d’enfants s’ameutaient au coin du passage de la Renaissance sous l’inspiration du chemineau Bouzille :
— La voleuse, la voleuse, criait-on sur l’air des lampions, cependant que la voix du chemineau, dominant le tumulte, hurlait :
— Je connais son adresse, c’est rue des Mathurins. Allons-y les aminches, et comment qu’on va lui faire un chahut `a celle qui vole l’argent du prol'etaire.
La petite troupe tapageuse s’'eloignant du terrain vague parvint au carrefour de la place du Danube, m'editant de p'en'etrer dans le m'etro. La police veillait, son attention avait 'et'e attir'ee par les clameurs. Et, en d'epit des protestations, des explications confuses qu’elles donn`erent, les braves m'enag`eres furent dispers'ees, tandis que Bouzille, la forte t^ete de la bande, l’homme qui dirigeait l’exp'edition, 'etait, malgr'e ses protestations et ses discours, conduit au poste.
La Gu^epe savait maintenant `a quoi s’en tenir.
Et la jolie fleuriste consid'erait d’un air d'esol'e la pauvre m`ere de famille qui pleurait toutes les larmes de son corps `a l’id'ee qu’elle allait peut-^etre ^etre expuls'ee le lendemain. La Gu^epe, lentement, fouilla dans sa poche, en sortit une poign'ee de monnaie qu’elle d'eposa dans la main de son amie :
— Prends, dit-elle, et ne dis rien.
— Mais, s’'ecria Marie Bernard, c’est de l’or, rien que des pi`eces d’or. Tu me donnes trop, la Gu^epe, et puis, d’o`u vient cette fortune ?
— Prends, cet argent est pour toi.
Puis, la fleuriste, craignant sans doute d’en avoir trop dit, s’'eloigna `a grands pas, laissant Marie Bernard interdite derri`ere elle.
La Gu^epe, toutefois, s’en allait le coeur plus l'eger ; l’or qu’elle venait de donner charitablement `a l’infortun'ee m`ere de famille lui avait br^ul'e les doigts jusqu’alors, car il provenait du partage, et le Bedeau, tr'esorier de Fant^omas s’'etait charg'e de le lui remettre. La Gu^epe y avait droit. N’avait-elle pas appartenu aux T'en'ebreux, nagu`ere ? Elle n’avait pas os'e refuser.
6 – UNE FILATURE
— Ouf, fit Juve.
Le policier, an'eanti, se laissa tomber sur le grand fauteuil de cuir, seul meuble confortable qui se trouv^at dans son bureau de travail. Il venait de remonter les quatre 'etages de son appartement de la rue Bonaparte et il s’appr^etait `a go^uter, avec une 'evidente satisfaction, le charme de quelques heures de repos.
Il 'etait deux heures de l’apr`es-midi. Depuis plusieurs jours, l’inspecteur de la S^uret'e n’avait pas arr^et'e, multipliant ses enqu^etes, organisant ses filatures, allant, venant interrogeant, s’efforcant de faire la lumi`ere sur le myst'erieux drame qui avait 'emu non seulement les habitants de la villa Sa"id, mais encore tout l’'el'egant quartier de l’avenue du Bois-de-Boulogne et de l’'Etoile.
La veille, alors qu’il 'etait en pleine enqu^ete, Juve avait 'et'e soudain appel'e au dehors de l’h^otel habit'e par Rita d’Anr'emont et l’infortun'e S'ebastien. Un de ses agents lui apportait une carte sous enveloppe ferm'ee et Juve s’'etait pr'ecipit'e hors de l’h^otel, puis de la villa, pour se rendre au coin de la rue Pergol`ese.
L`a, un homme l’attendait `a qui le policier serra chaleureusement la main :
— Fandor, mon bon Fandor, s’'etait 'ecri'e Juve, que deviens-tu ? que se passe-t-il ? As-tu donc quelque chose d’urgent `a me dire ? Tu connais l’affaire dont je m’occupe ?
— Naturellement, r'epliqua le journaliste, et c’est pour cela que je viens, ou plut^ot pour autre chose. Mais j’ai comme une vague id'ee qu’il y a un lien… Juve, je viens de voir lady Beltham et je sais o`u elle demeure.
— Lady Beltham, eh bien, en voil`a une affaire.
Le journaliste, `a mots rapides, lui dit la rencontre qu’il venait de faire, le matin m^eme, la d'ecouverte que la tr'esori`ere de l’OEuvre des Loyers, la pieuse Mme Gauthier, de la rue des Mathurins, n’'etait autre que lady Beltham.
Juve et Fandor en 'etaient arriv'es `a cette conclusion le soir m^eme : sit^ot que Juve aurait termin'e ses interrogatoires `a la villa Sa"id, ils s’en iraient tous deux rue des Mathurins, se feraient recevoir de gr'e ou de force par la grande dame, et, tablant sur ce fait qu’elle devait ^etre repentante et pr^ete `a s’amender, ils obtiendraient d’elle une alliance qui leur permettrait de rattraper plus facilement l’insaisissable Fant^omas.
Quelques heures plus tard, Juve et Fandor s’'etaient rendus rue des Mathurins. Mais lorsqu’ils parvinrent `a l’appartement de Mme Gauthier, encore une fois, il 'etait trop tard.
Que s’'etait-il pass'e ? Oh, la chose 'etait simple. On la racontait dans le quartier avec des commentaires peu flatteurs pour la locataire du 149. Mme Gauthier 'etait partie avec l’argent de l’OEuvre des Loyers.
La pr'esidente, Mme Marquet-Monnier, s’en 'etait apercue `a cinq heures du soir. En vain 'etait-elle all'ee porter plainte au commissariat de police, la tr'esori`ere avait disparu.
— Que veux-tu, s’'etait 'ecri'e Juve, nous ne sommes pas plus avanc'es d'esormais que nous ne l’'etions hier. Retourne surveiller les apaches. Moi je suis oblig'e de parer au plus press'e, il faut d’ailleurs que je retourne imm'ediatement `a la villa Sa"id o`u il va se passer quelque chose d’important.
Juve, en effet, savait qu’`a dix heures du soir le fr`ere de l’infortun'e S'ebastien, M. Nathaniel Marquet-Monnier, allait venir voir le jeune homme aupr`es duquel il avait rempli jusqu’`a ces derni`eres ann'ees le r^ole d’un p`ere.
M. Nathaniel Marquet-Monnier, certes, depuis la liaison de S'ebastien, 'etait en termes plut^ot froids avec son fr`ere cadet. Mais le drame qui 'etait survenu, le malheur qui s’appesantissait sur le jeune homme avaient d'ecid'e l’a^in'e `a se pr'ecipiter chez lui, `a oublier tous les froissements de ces derniers mois.