La livr?e du crime (Преступная ливрея)
Шрифт:
— Qu’est-ce que tu veux, Francois, ce vol, ce cambriolage, cette agression, produits dans les circonstances que tu sais, sont si extraordinaires !
— Ce n’'etait pas une raison pour me croire capable d’une pareille horreur. Tu ne doutes pas, Rita que je sois un honn^ete homme ?
— Non, bien s^ur…
— Car je suis un honn^ete homme, moi, un travailleur, un laborieux. Je suis un honn^ete homme, Rita, souviens-t’en. C’est un honn^ete homme qui t’aime.
— Je le sais, Francois, je n’ai jamais dout'e de toi, crois-le bien au fond, mais l’autre jour j’'etais affol'ee, juge un peu de ma surprise.
— Je comprends, mais ton soupcon m’a fait mal. Enfin, n’en parlons plus, mais dis-moi, Rita, la police est pr'evenue, elle cherche, elle trouvera peut-^etre les coupables.
— Peut-^etre, oui.
— Et toi, Rita, toi, tu n’as pas la moindre id'ee, tu ne crois pas, par exemple, que ta bonne ?
— Ma bonne, oui, j’y ai song'e. Sur le moment m^eme, Francois, je l’ai chass'ee en l’accusant de complicit'e avec les voleurs. Maintenant, je me demande si je n’ai pas 'et'e trop vive. J’ai caus'e avec l’inspecteur de police, Juve. Il ne croit pas du tout `a la culpabilit'e de cette fille, et pourtant…
J'er^ome Fandor, toujours tapi dans sa chemin'ee, et prenant garde `a ne point respirer trop, `a ne point tousser, encore que la suie qu’il avait aval'ee lui donn^at par moments force envie d’'eternuer, pr^eta encore l’oreille.
Mais il n’entendit plus rien de bien int'eressant. Succ'edant aux paroles 'echang'ees relativement au drame des jours pr'ec'edents, le terrassier, maintenant, parlait d’amour `a Rita d’Anr'emont, et Fandor l’entendit qui suppliait :
— Laisse-moi t’embrasser, Julie. Rien que ta main, dis ?
— Non, tais-toi, pas ici. Plus tard. Quand je serai libre, je te l’ai promis, un jour viendra o`u nous pourrons ^etre l’un `a l’autre compl`etement, sans mensonges, sans hypocrisie. Mais en ce moment toute parole d’affection entre nous est mal. Tu me fais de la peine, Francois, reste tranquille, pense que l`a-haut, S'ebastien est peut-^etre en train de m’appeler pour le soigner.
— S'ebastien ! Rita, tu ne devrais pas me nommer l’homme qui est ton amant quand c’est moi qui t’aime, l’homme qui est riche quand je suis pauvre, l’homme qui est ton ma^itre. Tiens, je le hais. Je voudrais que tu le quittes tout de suite.
— Tais-toi, Francois. En ce moment, je ne peux pas l’abandonner. Sois patient, aie du courage. Le bonheur se gagne.
La voix de Rita se tut quelques secondes, puis, Fandor entendit la jeune femme marcher. Elle avait d^u se lever, s’approcher du terrassier. Elle reprenait :
— Tiens, je veux que tu sois heureux ce soir, embrasse-moi et va-t’en, va-t’en vite. C’est tr`es mal ce que je fais de te donner mes l`evres, mais je n’ai pas le courage de te savoir malheureux.
— H'e, h'e, pensait Fandor, voil`a qui serait bougrement exemplaire pour tous les messieurs, jeunes et vieux, qui entretiennent des ma^itresses `a grands frais. Rita d’Anr'emont me fait l’effet d’avoir conserv'e les go^uts de Julie Person. Elle pr'ef`ere Francois Bernard, terrassier de son m'etier, `a S'ebastien Marquet-Monnier, rentier de son 'etat. C’est son droit, `a cette femme.
***
Deux heures plus tard, il avait eu le courage d’attendre pendant tout ce temps, J'er^ome Fandor quitta son r'eduit avec de grandes pr'ecautions.
J'er^ome Fandor se rendait compte qu’il ne fallait pas songer `a remonter par la chemin'ee.
— Bah, s’'etait dit Fandor, inutile de risquer encore une fois de se rompre les os. Tant pis pour mon veston que je laisserai sur le toit et qui au pis aller intriguera les gens de police, si jamais on le d'ecouvre. Comme Juve sera au courant, c’est sans importance. Pour sortir d’ici je n’ai qu’`a lever la trappe, traverser la pi`ece et sauter par la fen^etre. Je suis bien assez malin pour ne pas faire de bruit et c’est l’essentiel.
J'er^ome Fandor se mit aussit^ot `a l’ouvrage. Il souleva, sans grande difficult'e, la trappe fermant la chemin'ee et il s’appr^etait `a traverser le salon, lorsque soudain une r'eflexion l’arr^eta.
— Ah, bougre de bougre, je n’avais pas pens'e cela, les tapis sont clairs, je risque de les tacher.
— Tant pis, ma foi, j’aurai tout `a fait l’air d’un cambrioleur, mais c’est le moindre de mes soucis.
Sens h'esiter plus longtemps, Fandor, tranquillement, enleva ses chaussettes et traversa le salon pieds nus.
Ouvrir la fen^etre, franchir la grille, sauter dans le jardin, fut pour lui l’affaire de quelques secondes.
— Tout ce qu’on voudra, songeait Fandor, mais maintenant il y a tout de m^eme quelque chose d’'etabli : Rita d’Anr'emont a fait jurer `a Francois Bernard qu’il n’'etait pour rien dans la tentative d’assassinat et dans le cambriolage de sa maison. Donc, elle-m^eme n’est pas coupable, sans quoi elle n’aurait pas pris cette peine.
J'er^ome Fandor, quelques minutes plus tard, h'elait un fiacre et jetait au cocher l’adresse de Juve :
— Je vais pouvoir pr'evenir de la chose mon excellent ami, pensait Fandor, il commet un d'eni de justice en soupconnant Rita et une faute de police en ne soupconnant pas la jeune Ad`ele.
8 – LE FR`ERE ET LE BANQUIER
D`es l’aube, le policier s’'etait rendu `a la gare du Nord, avait pris un billet pour Valmondois o`u il 'etait descendu, et, par une route pittoresque, longeant l’Oise, le policier avancait. Bient^ot, il ralentit son allure, et sans se pr'eoccuper du paysage qu’'eclairait un joyeux soleil de printemps, il avancait t^ete basse, pr'eoccup'e, semblait-il. Arriv'e au carrefour, `a la sortie du village, Juve h'esita quelques secondes puis, avisant un paysan qui menait une charrette, l’interpella :
— Connaissez-vous, demanda-t-il, la maison de M. Marquet-Monnier ?
`A ce nom, le paysan salua son interlocuteur.
— Le ch^ateau de M. Marquet-Monnier, au bout de la route, `a droite. Tenez, vous voyez les grands arbres, eh bien, ils font partie de la propri'et'e. Le ch^ateau est derri`ere.
Juve remercia et s’engagea dans le chemin indiqu'e.
Pourquoi le policier, au lieu de se rendre `a la banque de la rue Laffitte pour y rencontrer le banquier, 'etait-il venu ce matin-l`a `a la propri'et'e priv'ee de ce dernier ? Juve savait cependant qu’on 'etait un jour de semaine et qu’il n’est pas d’usage que les hommes d’affaires soient encore `a dix heures du matin chez eux, `a la campagne, alors que des occupations importantes les appellent `a Paris. Mais le policier s’'etait renseign'e par le t'el'ephone et avait appris, d’une part, que le banquier ne viendrait pas `a Paris ce jour-l`a, de l’autre, qu’on avait de grandes chances de le rencontrer chez lui, `a la condition d’arriver de bonne heure. Et Juve n’avait pas h'esit'e `a partir pour Valmondois.