La livr?e du crime (Преступная ливрея)
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Marquet-Monnier griffonna quelques lignes `a l’intention du secr'etaire :
— Cet apr`es-midi, vous direz au fond'e de pouvoirs qu’il se procure les vingt mille francs de Consolid'es Autrichiens, je veux dire les titres nominatifs que nous avons fait mettre au porteur la semaine derni`ere. C’est tout ce que j’ai `a vous dire.
Le secr'etaire s’'eclipsa, Juve reprit :
— J’ai d'ecouvert, monsieur, au cours d’une enqu^ete, que Mme Rita d’Anr'emont, la ma^itresse de votre fr`ere, avait des fr'equentations suspectes.
Juve s’arr^eta encore. Le valet de chambre apportait un t'el'egramme :
— Mon Dieu, murmura M. Marquet-Monnier, comme pour s’excuser aupr`es de Juve, nous ne serons jamais tranquilles. Vous permettez ?
Le banquier lut la d'ep^eche, puis demanda aussit^ot une communication t'el'ephonique :
Pendant une bonne demi-heure, les deux hommes s’entretinrent ainsi.
Lorsque Juve eut termin'e, M. Marquet-Monnier put r'efl'echir un instant, enfin.
— Monsieur, d'eclara-t-il, apr`es les incidents de l’autre jour, je m’'etais bien promis que je n’aurais plus le moindre rapport avec mon malheureux fr`ere. Mme Marquet-Monnier et moi, nous avions d'ecid'e qu’il 'etait d'esormais ray'e de la famille, ray'e du monde et que nous affecterions de ne plus jamais prononcer son nom. Ce que vous me dites modifie compl`etement ma d'ecision. Il est bien 'evident que mon pauvre fr`ere est d'esormais dans une situation 'epouvantable, tant au point de vue physique que moral. Avec l’aide de Dieu, j’essaierai de le reprendre, je ferai mon devoir, quelque p'enible qu’il puisse ^etre, et je le ferai jusqu’au bout. L’essentiel toutefois, n’est-ce pas, c’est que le monde ignore ce qui se passe. Nous occupons dans la soci'et'e protestante parisienne une situation qui, vous le comprenez, ne doit pr^eter `a aucun commentaire et ce que j’exigerai en tout cas de mon fr`ere, c’est qu’il ne fasse plus jamais parler de lui.
— Monsieur, je vous assure que ce que vous me dites l`a n’a qu’une importance tr`es relative pour le moment. Je vous r'ep`ete que votre fr`ere est malade, gravement, il est aveugle. On le lui a dit. On l’a inform'e que son infirmit'e qu’il croyait passag`ere est d'efinitive. Je ne sais pas si vous concevez toute l’horreur de cette situation, mais il me semble qu’`a votre place…
— Monsieur, interrompit le banquier, soyez assur'e que je prends la plus grande part aux souffrances de mon fr`ere. Je suis d’autant plus d'esireux de le voir que j’ai peur qu’il ne se laisse prendre compl`etement par cette fille qui a surpris sa confiance. Voyez-vous qu’il l’'epouse. M^eme qu’il veuille l’'epouser. Ce serait un scandale inou"i dans le monde.
— Il y a plus `a craindre, monsieur, pour votre fr`ere, que le mariage, il y a…
Juve s’interrompait encore, le banquier avait regard'e sa montre, fait un geste de d'esespoir.
— Je vous demande pardon, bien pardon, monsieur, assurait-il, mais je n’ai plus une minute `a perdre. Il faut que je sois au Havre, avant quatre heures, voici qu’il est d'ej`a onze heures vingt.
— Vous allez au Havre ? Vous ne venez pas `a Paris voir votre fr`ere ?
— H'elas, je le voudrais, mais je ne le peux pas. Je vous assure que c’est v'eritablement impossible. Il est indispensable que je recoive au Havre mon correspondant d’Am'erique. De gros int'er^ets financiers sont en jeu.
— Puis-je vous d'eposer quelque part ? demanda M. Marquet-Monnier, alors qu’il rev^etait une 'epaisse fourrure et s’affublait de lunettes avant de monter en automobile.
— Non merci, monsieur, fit Juve, qui ne tenait aucunement `a prolonger le t^ete `a t^ete avec le banquier.
— Alors, poursuivit ce dernier, en s’adressant au chauffeur, faites vite, il faut que nous allions au Havre le plus t^ot possible.
Cependant que le m'ecanicien mettait son moteur en route, M. Marquet-Monnier murmurait `a l’oreille de Juve :
— Je vous en prie, monsieur, faites l’impossible pour que les journaux ne racontent pas, comme ils ne l’ont que trop fait, les aventures de mon malheureux fr`ere. Le silence, l’oubli, voil`a ce que nous voulons, Mme Marquet-Monnier et moi. `A ce propos j’ai oubli'e de vous remercier, monsieur Juve, de votre intervention au sujet du scandale de l’OEuvre des Loyers. La Presse n’a-t-elle pas enfl'e cette affaire dans laquelle nous avons `a d'eplorer si malheureusement l’inconcevable conduite de Mme Gauthier ? Avez-vous des nouvelles de cette personne ? Sait-on ce qu’elle est devenue ?
— On ne sait rien, monsieur, absolument rien.
L’automobile d'emarra.
— Monsieur Juve, cria encore Marquet-Monnier en saluant de la main le policier, je vous recommande mon fr`ere, je vous en supplie veillez sur lui. Je serai de retour apr`es-demain.
***
Juve, `a la fin de l’apr`es-midi, 'etait rentr'e chez lui. Le policier commencait `a go^uter les charmes du repos, il s’'etait d'ev^etu et s’'etirait sur le canap'e pour y lire les journaux, lorsque son domestique lui apporta une d'ep^eche. Juve d'echira le pointill'e et lut :
« Vous supplie venir urgence me rejoindre au Havre au sujet affaire excessivement grave et totalement incompr'ehensible, suis descendu Grand-H^otel »
C’'etait sign'e : Nathaniel Marquet-Monnier.
— C`a, par exemple, murmura Juve, jamais de la vie. Cet homme-l`a ne m’inspire pas assez de sympathie pour que je me d'erange. Et puis d’ailleurs, il pourrait s’expliquer.
Juve s’'etendit `a nouveau sur son canap'e. Mais il faut croire que le policier n’avait pas exprim'e sa pens'ee d'efinitive puisque, quelques secondes plus tard, il sonnait son valet de chambre.
— L’indicateur ? demanda-t-il.
`A neuf heures, Juve montait dans le rapide du Havre.
9 – LE TRENTE-SIXI`EME M'ETIER
Rue Bonaparte, dans l’escalier conduisant `a l’appartement que Juve occupait depuis des ann'ees et o`u maintes et maintes fois s’'etaient d'eroul'ees des sc`enes tragiques, J'er^ome Fandor demeura stupide, l’air furieux.
Il 'etait `a peu pr`es sept heures du matin et le journaliste avait vainement carillonn'e `a la porte de son ami.
J'er^ome Fandor 'etait furieux :
— O`u diable peut-il ^etre ? murmurait-il, voil`a maintenant que Juve d'ecouche sans pr'evenir. Eh bien, je lui ferai compliment de ses moeurs, `a mon vieil ami. Ah, il peut s’attendre `a une chanson pas ordinaire.
Fandor avait mont'e l’escalier de la rue Bonaparte en sifflotant un air guerrier qu’il trouvait du plus bel effet :
— Juve va faire des gaffes, se disait le journaliste, si je ne le pr'eviens pas. Si je ne lui raconte pas en d'etail tout ce que je viens d’entendre, il est 'evident qu’un jour ou l’autre il va mettre les pieds dans le plat et arr^eter Rita. Or, Rita et Francois Bernard sont innocents.