La livr?e du crime (Преступная ливрея)
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Une petite porte, `a c^ot'e de la grande grille, 'etait entreb^aill'ee. Juve la franchit et s’engagea dans le parc. Il avait `a peine fait quelques pas qu’'eclataient les aboiements de gros chiens. Mais alors qu’il h'esitait `a s’avancer, le policier entendit une voix d’homme qui calmait les b^etes, puis, sur le perron du ch^ateau apparut un domestique.
Juve s’approcha :
— Je voudrais, dit-il, parler `a M. Marquet-Monnier.
D'edaigneusement, le valet de chambre consid'erait Juve des pieds `a la t^ete et son regard s’arr^eta sur les chaussures blanches de poussi`ere du policier.
Le serviteur, visiblement, n’avait pas l’habitude de voir les relations de son ma^itre arriver `a pied.
— Je ne sais pas si monsieur est l`a. D’ailleurs, monsieur ne recoit jamais ici sans rendez-vous. Avez-vous un rendez-vous ?
— Non, fit Juve, mais voici ma carte. Faites-la passer, je vous prie.
— Voulez-vous attendre quelques instants, monsieur ?
Juve, laiss'e seul, remarqua machinalement une superbe et puissante automobile que le m'ecanicien achevait de pr'eparer.
— Je suis arriv'e `a temps, pensa-t-il, dix minutes de plus et j’aurais manqu'e Marquet-Monnier.
Cependant, le valet de chambre revenait. Obs'equieux, `a pr'esent, il annonca :
— Monsieur attend monsieur. Si monsieur veut me suivre, je vais le conduire `a monsieur.
Juve ne r'epondit pas, il embo^ita le pas.
Les deux hommes travers`erent d’abord un vaste hall orn'e de plantes vertes, puis le valet de chambre souleva une porti`ere et s’effaca pour laisser p'en'etrer Juve dans un vaste cabinet de travail o`u se trouvait un bureau-ministre devant lequel 'etait assis M. Marquet-Monnier. Le banquier examinait rapidement toute une s'erie de documents, de dossiers, que faisait d'efiler sous ses yeux un jeune secr'etaire debout `a c^ot'e de lui.
M. Marquet-Monnier, dont le monocle demeurait invariablement fix'e dans l’arcade sourcili`ere, se retourna `a peine du c^ot'e de Juve et, tout en continuant de signer des lettres, il d'eclara de sa voix s`eche et hautaine :
— Qu’y a-t-il pour votre service, monsieur ? Veuillez vous asseoir. Je vous 'ecoute.
« Oh, oh, pensa Juve, voil`a un ton que je n’aime pas beaucoup.
— Monsieur, fit Juve, si vous ^etes occup'e, je reviendrai ou alors je vous prierai de passer me voir. Je me suis d'erang'e de Paris pour vous rendre service et vous apporter des nouvelles importantes, et m^eme graves. Si vos affaires ne vous permettent pas de m’entendre, et de m’entendre seul…
Juve s’interrompit, car le banquier venait de se lever et, affectant d'esormais une attitude plus cordiale, sans toutefois se d'emunir de son flegme, il s’approcha du policier :
— Je vous prie bien sinc`erement de m’excuser, dit-il, si mon attitude vous a surpris. Je suis homme d’affaires, par cons'equent tr`es occup'e et je n’ai pas l’habitude des formalit'es. Veuillez m’excuser encore une fois, je vous assure qu’il n’y a pas de mauvaise intention de ma part.
— Aucune importance.
M. Marquet-Monnier cong'edia d’un geste son secr'etaire qu’il rappela aussit^ot pour lui dire :
— Veuillez demander `a mon m'ecanicien de se tenir pr^et. D`es que j’aurai termin'e avec monsieur, je partirai.
Le banquier se tourna vers Juve :
— Un correspondant d’Am'erique qui doit m’attendre au Havre cet apr`es-midi. Je suis oblig'e de m’y rendre par la route, n’ayant pas de train commode. Mais ceci ne vous int'eresse pas, monsieur. `A quoi dois-je l’honneur de votre visite ?
— Monsieur, commenca Juve, c’est au sujet de votre fr`ere.
— Je n’ai plus rien de commun…
— Ne dites pas cela, monsieur. Vous savez que j’ai 'et'e le premier `a vouloir 'eviter entre vous et votre fr`ere cadet une rencontre qui aurait pu d'eterminer une rupture. Non seulement, je ne vous ai pas aid'e `a p'en'etrer aupr`es de lui, mais pour un peu, lorsque vous ^etes venu villa Sa"id, je me serais employ'e `a l’inverse. La situation, toutefois, a chang'e. Votre malheureux fr`ere, monsieur, car il est tr`es malheureux…
— Son 'etat de sant'e peut-^etre ?
— Son 'etat de sant'e, monsieur est grave, tr`es grave…
— Mon fr`ere est-il plus gri`evement atteint ? Serait-il mort ?
— Non, monsieur, mais les m'edecins se sont prononc'es, hier soir, `a son sujet.
— Et alors, monsieur ?
— Votre fr`ere est aveugle d'esormais, irr'em'ediablement aveugle.
— Que la volont'e de Dieu soit faite, murmura Marquet-Monnier. C’est une bien dure 'epreuve que nous envoie le ciel.
— Ce n’est pas tout, Monsieur, il y a autre chose. Votre fr`ere est en danger.
— Que voulez-vous dire ?
La sonnerie du t'el'ephone retentit. M. Marquet-Monnier se pr'ecipita `a l’appareil et, en l’espace d’une seconde, sa physionomie, grave jusqu’alors, s’'eclaira, devint aimable. Sa voix changea :
— C’est vous, baron ? Merci. Tr`es bien. Quoi de neuf ? Oh, pas grand chose. Tr`es occup'e. Comme toujours. Pars pour le Havre dans un instant. Vingt-quatre heures. Apr`es-demain, `a la Banque alors ? Oui, mon cher baron, je vais donner des instructions tout de suite. `A bient^ot. Oui, ces dames se sont vues l’autre soir `a l’Op'era. Au revoir, mon cher.
— Je voulais vous dire, commenca Juve, que votre fr`ere court, `a mon avis, de graves dangers. J’ai proc'ed'e `a une enqu^ete minutieuse sur son entourage direct, intime, et…
Juve s’interrompit encore.
Marquet-Monnier qui, sit^ot apr`es sa conversation t'el'ephonique, avait repris l’air grave qui convenait, l’air de circonstance, avait n'eanmoins appuy'e sur un timbre et son secr'etaire se pr'esentait :
— Je vous demande pardon, monsieur, d'eclara Marquet-Monnier, un ordre `a donner et je vous 'ecoute.