La main coup?e (Отрезанная рука)
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M meH'eberlauf, voyant que la menace avait port'e sur son 'enigmatique et placide mari, persistait dans ses affirmations :
— Oui, monsieur H'eberlauf, si vous voulez vous tra^iner dans la d'ebauche, nous quitterons le pays en d'epit des affaires brillantes que nous sommes sur le point de r'ealiser.
— Oui, madame H'eberlauf, en effet, pour peu que cela continue, nous allons vite nous enrichir. Nous n’avons certes qu’une cliente pour le moment, mais elle paie largement et nous am`enera certainement d’autres pensionnaires. Tenez, madame H'eberlauf, je crois bien que ce jeune homme, si comme il faut, qui vient tous les jours jouer au tennis avec elle, ne tardera pas `a nous demander de lui louer une chambre.
`A cette 'eventualit'e, M meH'eberlauf se rass'er'enait :
— M. Norbert du Rand, disait-elle, je l’esp`ere bien aussi, il ne manque pas une seule des parties de tennis, il doit ^etre amoureux de M lleDenise.
H'eberlauf se frottait les mains.
— S’ils ont envie de se marier, nous n’y verrons pas d’inconv'enients, loin de l`a. Me souvenant de mon ancien minist`ere, j’aurai plaisir `a b'enir leur union.
— H'eberlauf, grommela son 'epouse, vous ne faites pas la moindre attention `a ce que vous dites, vous semblez tout pr^et `a accorder le saint sacrement du mariage `a des gens dont vous ne connaissez rien, si ce n’est qu’ils paient leurs notes chaque semaine r'eguli`erement. Moi je suis plus difficile que vous : assur'ement, cette demoiselle Denise me pla^it beaucoup, mais encore faudrait-il savoir d’o`u elle vient, qui elle est, ce qu’elle veut ?
— Peu importe, M meH'eberlauf, peu importe, notre pensionnaire, M lleDenise, est ce qu’elle veut. Cantonnons-nous dans notre r^ole de
Puis le personnage ajoutait, heureux que sa femme ne lui ait point reparl'e de l’histoire de la fen^etre derri`ere laquelle il paraissait contempler la danseuse espagnole Conchita Conchas :
— Madame H'eberlauf, je descends `a la cave pour compter les bouteilles de vin.
***
Il 'etait trois heures de l’apr`es-midi et le tennis quotidien battait son plein.
M lleDenise, la myst'erieuse jeune fille, unique pensionnaire pour le moment des H'eberlauf et qui venait de d'efrayer les conversations de ce couple, 'etait la reine de la r'eunion et semblait ne se pr'eoccuper en aucune facon de l’opinion que les uns et les autres pouvaient avoir d’elle.
Elle 'etait tr`es simplement v^etue d’un complet de flanelle ray'ee et coiff'ee d’un b'eret blanc que maintenaient, `a sa chevelure d’or, deux grosses 'epingles.
Avec animation, elle achevait une partie, ayant pour partenaire une autre jeune fille qui venait volontiers en voisine faire une heure de sport avec elle.
Cette jeune personne, petite, mi`evre, tr`es brune, M lleGenevi`eve Albertard, 'etait la fille unique d’armateurs marseillais qui, apr`es avoir r'ealis'e une certaine fortune, 'etaient venus s’installer dans ce pays de r^eves que l’on appelle la C^ote d’Azur, choisissant pour 'etape finale de leur existence la c'el`ebre C^ote de la Condamine, sur laquelle ils poss'edaient, non loin du cap d’Aglio, une jolie propri'et'e.
Le cercle des joueurs se compl'etait d’ailleurs par quelques autres personnages appartenant au sexe masculin. Et tandis que les deux jeunes filles achevaient avec un entrain endiabl'e une partie chaudement disput'ee, les hommes devisaient `a l’ombre d’un grand palmier qui s’'elevait `a l’extr'emit'e du court de tennis.
C’'etait le comte de Massepiau, un pauvre d'esoeuvr'e provincial qui poss'edait, assurait-il, une exploitation agricole dans les environs de la Sologne, mais dont la sant'e rendait le Midi n'ecessaire pendant la mauvaise saison.
De fait, ce malheureux, ^ag'e peut-^etre de trente-cinq ans `a peine, portait pr`es du double de son ^age. Les rares cheveux qu’il avait conserv'es sur la nuque et les tempes 'etaient tout blancs, il avait les 'epaules courb'ees, la poitrine 'etroite et il toussotait perp'etuellement.
Le comte de Massepiau avait pour partenaire habituel au tennis de la pension H'eberlauf, un vieux beau d’une 'el'egance raffin'ee, le conseiller Paraday-Paradou, qui avait 'et'e jadis dans la diplomatie, repr'esentant des gouvernements amis de la France en des pays orientaux. Il assurait avoir 'et'e ensuite magistrat aux colonies. Il portait `a la boutonni`ere une rosette multicolore, baragouinait plusieurs langues 'etrang`eres et ne manquait pas d’esprit.
Toutefois, celui qui s’intitulait, non sans une excessive vanit'e : « la coqueluche du tennis » c’'etait un jeune homme p^ale et blond, aux cheveux coll'es sur le front, aux attitudes apprises, mais distingu'ees, un jeune homme, riche assur'ement et sur la client`ele duquel comptait beaucoup M meH'eberlauf.
Il s’agissait, en effet, de M. Norbert du Rand, c'elibataire de vingt-deux ou vingt-trois ans, orphelin `a la t^ete d’une immense fortune et qui fr'equentait assid^ument la pension de famille, moins pour le plaisir d’y jouer au tennis que dans l’intention 'evidente de faire la conqu^ete de la jolie Denise.
Au moment o`u M lleDenise et Genevi`eve Albertard achevaient leur partie, alors qu’elles regagnaient tout essouffl'ees la table `a th'e servie sous une tonnelle et que le comte de Massepiau, ainsi que le vieux Paraday-Paradou, s’empressaient `a leur tendre leurs manteaux pour 'eviter les refroidissements, le jeune Norbert du Rand fit son apparition.
Il avait l’oeil anim'e, les pommettes rouges, un sourire 'enigmatique :
— Par Dieu, mon cher, s’'ecria le comte de Massepiau qui t'emoignait une grande sympathie au jeune homme, vous avez l’air bien joyeux. C’est assur'ement le fait de vous retrouver en pr'esence de ces charmantes jeunes filles qui viennent de se livrer `a une bataille acharn'ee ?
Norbert du Rand fit non de la t^ete, puis avec une galanterie affect'ee, il prit successivement les mains de chacune des jeunes filles et les porta `a ses l`evres, faisant ainsi remarquer l’un de ses doigts qui portait, `a la premi`ere phalange, une grosse bague d’or orn'ee d’une pierre amusante, une aigue-marine.
— Tiens, remarqua Genevi`eve Albertard, voil`a un bijou que je ne vous connaissais pas, monsieur Norbert du Rand.
— En effet, mademoiselle, je le poss`ede depuis ce matin seulement. C’est un cadeau que l’on m’a fait.