La main coup?e (Отрезанная рука)
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— » On » ? interrogea malicieusement Paraday-Paradou, voil`a qui est bien vague.
Norbert du Rand, tr`es heureux de retenir sur lui l’attention, regardait subrepticement M lleDenise pour savoir si elle 'ecoutait, puis, il r'epliqua sur un ton myst'erieux :
— La discr'etion la plus 'el'ementaire m’interdit de vous faire savoir d’o`u je tiens ce bijou.
Il s’approchait de Genevi`eve Albertard et lui proposa un match de tennis. La jeune fille accepta.
Norbert se croyait tr`es fort ; il imaginait ainsi provoquer la jalousie de la jolie Denise, sur laquelle il avait – en principe – jet'e son d'evolu.
Mais de deux choses l’une.
Ou M lleDenise dissimulait `a merveille ses sentiments, ou bien les attitudes de Norbert du Rand lui 'etaient parfaitement indiff'erentes, car la jeune fille ne parut point s’apercevoir de tout ce man`ege.
Le comte de Massepiau, qu’intriguaient ces petites aventures, voulut pousser les choses encore plus loin et, avec d’ailleurs une absence de tact absolu, il expliqua au vieux Paraday-Paradou, assez haut pour ^etre entendu :
— La bague de notre ami Norbert du Rand est fort jolie, mon cher, vous en connaissez s^urement l’histoire ?
— Non, fit l’ex-diplomate, je l’ignore absolument.
— La voici donc, reprit le comte qui ajoutait aussit^ot : Une de nos plus charmantes – comment dirai-je pour gazer ?… une de nos plus charmantes… quart de mondaines de la C^ote d’Azur, qui est d’ailleurs accueillante pour tous venants – M lleIsabelle de Guerray – tr`es connue chez Maxim’s, `a Paris, tr`es connue au Casino de Monte-Carlo, a pour sp'ecialit'e d’offrir un bijou… une bague, aux hommes distingu'es et g'en'ereux qu’elle honore de ses faveurs. C’est comme qui dirait une marque de fabrique, une prime donn'ee au client.
Le vieux diplomate s’esclaffa :
— Les bagues d’Isabelle de Guerray, c’est vrai. J’ai d'ej`a entendu parler de cela.
M lleDenise se prit `a sourire.
Mais l’attention du petit groupe qui prenait le th'e fut peu `a peu d'etourn'ee de Norbert du Rand par de nouveaux incidents.
La fen^etre de la villa d’en face venait de s’ouvrir et, au balcon de la v'eranda, apparaissait l’'el'egante et fine silhouette de la danseuse espagnole, Conchita Conchas.
D’un geste nonchalant et las, l’Espagnole approcha ses l`evres une cigarette dont elle tira de lentes bouff'ees.
De temps `a autre elle jetait un long regard incendiaire vers la fen^etre du premier 'etage de la maison des H'eberlauf, puis souriait ostensiblement d’un sourire qui d'ecouvrait ses dents blanches, r'eguli`eres et nacr'ees comme un rang de perles.
Aucun doute, cette Conchita Conchas en voulait `a la vertu de l’aust`ere M. H'eberlauf, ex-pasteur protestant, ancien directeur de la S^uret'e g'en'erale du royaume de Hesse-Weimar et pour le moment propri'etaire d’une pension de famille.
— Ce que femme veut, insinua finement le comte de Massepiau.
— Soit, dit Denise, c’est entendu. Mais elles sont deux. La danseuse espagnole d’une part et, de l’autre, M meH'eberlauf qui compte pour quelque chose.
Norbert du Rand haussa les 'epaules :
— Entre une jolie femme, fit-il, et cette vieille bourgeoise, nul n’h'esiterait.
— La bourgeoisie a du bon, r'epliqua le vieux Paraday-Paradou… Voyez plut^ot, ajouta-t-il, cette accueillante personne qui a nom Isabelle de Guerray. Elle est courtis'ee par toute la jeunesse dor'ee de la C^ote. On dit pourtant que ses amours secr`etes vont `a un brave homme sans doute, mais `a un modeste employ'e du casino, un nomm'e Louis Meynan, attach'e `a la caisse du Cercle.
— Parbleu, interrompit le comte de Massepiau. Isabelle de Guerray veut faire une fin ; c’est un mari qu’elle cherche, un mari qui fermerait les yeux sur son pass'e. Voil`a qui ne se trouve pas dans tous les mondes.
Ces propos, tenus devant Norbert du Rand dans le but de l’agacer, y r'eussissaient fort bien.
Encore qu’il voul^ut le dissimuler, le jeune homme 'eprouvait un vif d'epit d’entendre parler de la sorte d’une femme qui, croyait-il, dans sa suffisance juv'enile, lui faisait une cour assidue, ce dont il pr'etendait tout au moins tirer parti pour susciter la jalousie de la belle Denise dont il se croyait sinc`erement amoureux.
Mais Denise, ce soir-l`a, 'etait distraite.
Soudain, alors que Norbert lui posait une question, la jeune fille se leva sans r'epondre, laissant son interlocuteur compl`etement abasourdi.
La jeune fille avait distingu'e `a travers les bosquets de verdure quelqu’un qui s’introduisait dans le parc.
— Comment allez-vous, mon cher Commandant ?
Le personnage qui se trouvait en face de la jeune fille n’'etait autre qu’Ivan Ivanovitch, l’officier russe commandant du superbe cuirass'e Skobeleff, qui, depuis plusieurs jours d'ej`a, stationnait en rade devant Monaco.
Ivan Ivanovitch r'epondit par une affectueuse poign'ee de main au salut cordial de la jeune fille. Il s’enquit aussit^ot de la sant'e de cette derni`ere, avec cette galanterie et cette 'education parfaite qui sont le propre des officiers de marine de tous les pays.
— Venez, disait Denise famili`erement, en tirant `a l’'ecart Ivan Ivanovitch, en l’obligeant `a un d'etour, en l’emp^echant d’aller serrer la main aux premiers arriv'es.
— Qu’y a-t-il, mademoiselle ? interrogea le Russe, tournant vers la charmante personne ses yeux `a la fois inquiets et 'etonn'es…
— Il faut que je vous confesse, dit-elle, et que je vous gronde. Car vous n’avez rien `a m’avouer puisque je sais ce qui se passe.
— Ai-je donc, `a votre connaissance, commis un bien grand crime, mademoiselle, pour que je m'erite votre r'eprimande ? Il est vrai que celle-ci me vaut le plaisir d’un t^ete `a t^ete avec vous et rien que cette esp'erance rendrait criminels les saints du paradis.
— Vous ^etes bien galant, observa nerveusement Denise, pour un homme qui ne courtise que la dame de pique.