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La mort de Juve (Смерть Жюва)
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Il fallait prendre un parti, cependant. Il 'etait huit heures du soir et la petite gare d'eserte, mal 'eclair'ee par les lumi`eres clignotantes de quelques becs de gaz, 'etait peu hospitali`ere. Nalorgne et P'erouzin 'echangeaient des regards navr'es :

— C’est tr`es ennuyeux, reprenait P'erouzin, tr`es ennuyeux que la voiture ne soit pas l`a.

— Avancons, nous trouverons peut-^etre dans le pays un v'ehicule qui voudra bien nous conduire o`u nous allons.

— Oui, mais le cocher ?

— Taisez-vous donc, P'erouzin.

— Bien, songeait le journaliste, si P'erouzin estime que le cocher, le cocher d’un v'ehicule quelconque, peut ^etre g^enant, c’est 'evidemment que le cocher qui devait nous conduire, n’'etait pas un cocher ordinaire.

Fandor cependant 'etait pris par les deux agents, qui sans c'er'emonie, le tenaient chacun par un bras.

— Avancez, ordonnait Nalorgne.

— Marchez, r'ep'etait P'erouzin.

— Apr`es vous, messeigneurs, r'epondait Fandor. Il faut ^etre logique tout de m^eme, vous m’avez dit de ne pas m’'ecarter d’un pas, emmenez-moi o`u vous voudrez, je suis.

Fandor, `a ce moment, se sciait litt'eralement les deux mains `a vouloir les arracher de l’'etreinte des menottes.

— Quel imb'ecile d’instrument, se d'eclarait-il `a lui-m^eme en constatant l’inutilit'e de ses efforts. Quand je pense qu’`a la f^ete de Montmartre, trois fois par an, il y a des individus qui, pour deux sous, se d'ebarrassent des cordes les plus savamment nou'ees, des menottes les plus perfectionn'ees, et que moi, je ne suis pas fichu d’en faire autant. Je me rends compte que mon 'education a 'et'e bien n'eglig'ee.

— Ah, tout de m^eme, voil`a la voiture.

Ils 'etaient sortis tous les trois de la cour de la gare, et ils apercevaient, rang'e contre le trottoir, `a quelque distance, le long d’un terrain vague un taxi-auto qui leur tournait le dos :

Les deux agents h^ataient le pas, entra^inaient Fandor jusqu’`a la hauteur du taxi-auto. Il avait le drapeau lev'e la voiture 'etait libre, mais on ne voyait pas le chauffeur.

Pour le coup, Nalorgne s’emporta.

— Je parie qu’il a 'et'e boire. Ah sapristi !

P'erouzin cependant appelait `a tous les 'echos :

— M'ecano, m'ecano, le m'ecanicien du taxi-auto !

— Eh ben, quoi, me voil`a, c’est pas la peine de faire tant de potin, les bourgeois, montez dans la bagnole, j’en ai pour deux minutes de r'eparation.

Le conducteur du taxi-auto 'etait tout bonnement 'etendu sous sa voiture, invisible. Nalorgne se pencha :

— Ah vous ^etes l`a ? C’est vous, Pros…

Mais le nom qu’il allait dire, le nom que Fandor guettait, Nalorgne ne le prononca pas.

Il se redressa rapidement, il ouvrit la porti`ere du v'ehicule, y poussa Fandor :

— Embarquez et rapidement, ou sans ca…

La gueule d’un revolver brilla dans l’obscurit'e, Fandor haussa les 'epaules, monta.

— C’'etait Prosper qu’ils attendaient, se disait Fandor et ce n’est pas Prosper qui est l`a. Est-ce un complice ou un honn^ete conducteur de taxi-auto ?

Fandor n’eut gu`ere le temps de r'efl'echir plus avant. Nalorgne venait de souffler quelque chose `a l’oreille de P'erouzin, et celui-ci apr`es avoir grimp'e `a son tour dans le fiacre, s’asseyait `a c^ot'e de Fandor, refermait la porti`ere.

Nalorgne disait tranquillement au chauffeur :

— D'ep^echez-vous, mon ami, nous sommes des agents de la S^uret'e, et vous avez pu voir que l’individu que nous emmenons porte des menottes. C’est un criminel dangereux. Il s’agit de ne pas perdre de temps. Je vais monter `a c^ot'e de vous sur le si`ege. Je vous indique le chemin.

Tandis que Fandor, tout yeux et tout oreilles, s’efforcait de saisir les moindres indices susceptibles de le renseigner sur la destination du taxim`etre, qui venait de d'emarrer, tandis qu’il se faisait cette r'eflexion que Nalorgne guidait le taxi-auto, non point dans la direction de Paris, mais vers les terrains d'eserts du Petit-Bic^etre, P'erouzin, `a l’improviste, tirait son revolver et le braquait sur le jeune homme :

— Maintenant, avait-il dit, t^achez de comprendre, Fandor, si vous vous permettez de faire un geste, de dire un mot, d’essayer d’attirer l’attention, je vous br^ule la cervelle. C’est l’ordre de Fant^omas. Si au contraire vous ^etes sage, et vous laissez mener l`a o`u nous vous conduisons, il ne vous sera fait aucun mal. Pour l’instant du moins.

P'erouzin, sans doute, s’attendait `a quelque geste apeur'e du journaliste, `a ce que le prisonnier, au moins, manifest^at une surprise. Ce fut lui, en r'ealit'e, qui demeura stupide sous le coup d’une stup'efaction sans bornes. En r'eponse `a sa menace, Fandor avait 'eclat'e de rire. Et Fandor riait, riait si fort, semblait s’amuser `a un tel point qu’une peur subite s’emparait de P'erouzin.

— Mais que diable avez-vous ? demandait l’agent, qui pour mieux le regarder dans les yeux, s’avancait sur sa banquette, tournait le dos au si`ege sur lequel 'etait assis Nalorgne et le conducteur.

Et alors dans la voiture il se d'eroula une sc`ene 'etrange. `A peine P'erouzin avait-il menac'e Fandor de son revolver que, brusquement, le journaliste levait ses deux mains attach'ees par les menottes aux poignets, les passait avec une rapidit'e folle derri`ere la t^ete de P'erouzin pris ainsi dans une sorte de collier, et Fandor attirait l’agent sur sa poitrine, lui serrait la t^ete sur ses v^etements avec une force que d'ecuplait la rage, il l’'etouffait `a moiti'e. P'erouzin, pris `a l’improviste, laissait 'echapper son revolver sur lequel Fandor s’empressait de mettre le pied, puis le journaliste hurlait :

— C’est fait, Juve, vous pouvez arr^eter.

Qu’est-ce que tout cela voulait donc dire ? Pourquoi avec une brusquerie soudaine le taxi-auto stoppait-il ? Pourquoi le conducteur sautait-il `a bas de son si`ege cependant que Nalorgne demeurait lui, immobile sur ce m^eme si`ege ? Le conducteur apr`es avoir immobilis'e son v'ehicule, avoir arr^et'e le moteur, – c’'etait visiblement un homme pr'ecautionneux —, courait `a la porti`ere voisine de Fandor. Il ouvrait cette porti`ere, il avait dans ses mains, de longues courroies, en une seconde, il avait li'e, de main de ma^itre, les pieds de P'erouzin, en une seconde, il lui avait ligot'e les bras :

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