La mort de Juve (Смерть Жюва)
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Fant^omas, cependant, de son regard f'eroce, fixait le sergent de ville. Il reprit encore :
— Tu avais pourtant le revolver `a la main.
— Oui, prof'era enfin l’agent d’un ton 'enigmatique…
Fant^omas poursuivit :
— Et ce revolver 'etait charg'e, il l’est encore.
— Oui.
— Eh bien ? eh bien ? continua Fant^omas, dont la fureur augmentait sans cesse. Ne pouvais-tu pas tirer ? Il fallait le tuer quand il s’en allait, le tuer comme un chien. N’y as-tu point song'e ?
L’agent eut un geste vague :
— Sans doute, fit-il, j’y ai bien song'e, mais…
— Mais quoi ? grommela encore le captif…
L’agent, lentement, s’expliquait :
— Mais d’abord, j’aurais pu le manquer, et puis un coup de revolver, ca fait du bruit. On aurait pu l’entendre, quelqu’un peut-^etre serait venu.
— Mais peu importait, hurla Fant^omas, puisque nous 'etions l`a tous les deux.
Cependant, peu `a peu, l’agent reprenait de l’assurance et semblait s’accoutumer `a Fant^omas, bien convaincu d'esormais que le terrible bandit ne pouvait plus faire un mouvement. Le repr'esentant de l’autorit'e reprenait :
— Eh bien, pour tout dire, si je n’ai pas tir'e, c’est parce que je n’ai pas voulu. Apr`es tout, Fant^omas, ce n’'etait plus nos conventions. C’est lui, Juve, qui devait ^etre pris, ligot'e, immobilis'e.
— Et alors ? fit Fant^omas.
— Alors, poursuivit l’'etrange sergent de ville, car une telle conversation 'etait en effet 'etrange du moment qu’elle s’'echangeait entre un repr'esentant de l’autorit'e et le G'enie du Crime, eh bien, voil`a que c’est toi qui es immobilis'e, ligot'e `a la place de Juve et prisonnier.
— Non, grogna Fant^omas.
— Comment, interrogea l’agent, vous n’^etes pas captif ?
— Je suis libre, assura Fant^omas, puisque tu es l`a.
L’agent se prit `a sourire :
— Oh, oh, fit-il, ca, c’est pas dit que je te l^acherai.
Fant^omas, `a ces mots, grinca des dents :
— Es-tu donc un tra^itre ?
— Non, r'epliqua simplement le gardien de la paix, homme qui v'eritablement avait des allures myst'erieuses, non, je ne suis pas un tra^itre, et si je le suis, peu importe. Je tiens surtout, dans la circonstance actuelle, `a proc'eder d’une facon prudente et pratique.
Les deux hommes se tois`erent du regard. Des 'eclairs de menace brillaient dans leurs yeux.
Le gardien de la paix que Juve venait de poster `a c^ot'e de Fant^omas n’'etait autre que le cocher Prosper, merveilleusement grim'e et que le policier n’avait pu reconna^itre sous ce travestissement, 'etant `a cent lieues de s’y attendre, de le soupconner et surtout parce que Juve n’avait que tr`es rarement entrevu le cocher Prosper.
Pourquoi ce dernier portait-il d'esormais l’uniforme de sergent de ville et s’'etait-il trouv'e pr'ecis'ement dans la rue Bonaparte au moment o`u Juve avait 'eprouv'e le besoin de requ'erir un repr'esentant de l’autorit'e ?
Cela tenait `a ce que Fant^omas avait tout pr'evu. Non seulement le bandit, profitant des circonstances qui semblaient s’annoncer le mieux du monde pour lui, avait au dernier moment 'eloign'e la concierge de l’immeuble en l’envoyant payer l’abonnement du t'el'ephone, formalit'e n'eglig'ee par le policier, mais encore il avait post'e son complice dans les environs de la maison, se disant que la pr'esence d’un faux gardien de la paix `a proximit'e du th'e^atre de ses exploits pouvait avoir une utilit'e, quelle que f^ut l’issue de la bataille.
Fant^omas, en effet, savait qu’il est pr'ef'erable de laisser le moins possible de choses au hasard, et dans son id'ee, apr`es s’^etre rendu ma^itre de Juve, il aurait fort bien pu le faire emmener sans 'eveiller de soupcons, que Juve f^ut vivant ou mort, par son complice et subordonn'e dont l’uniforme n’aurait pas manqu'e d’inspirer confiance et de faire taire tous les soupcons qui auraient pu na^itre le cas 'ech'eant.
En faisant la lecon `a Prosper, quelques heures auparavant, Fant^omas lui avait dit :
— Tu te tiendras dans la rue `a ma disposition et, au premier signe que l’on te fera du quatri`eme 'etage, ou m^eme d’un autre appartement, tu monteras l’escalier et tu accourras. D’apr`es ce que tu verras, il faudra agir, il est vraisemblable que tu trouveras Juve `a mon enti`ere discr'etion, mort ou vivant.
La premi`ere partie du programme s’'etait remplie comme l’avait annonc'e Fant^omas. Toutefois, Prosper 'etait demeur'e abasourdi lorsque, p'en'etrant dans l’appartement du policier, il avait trouv'e ce dernier debout, parfaitement libre, en excellente sant'e, tandis que Fant^omas 'etait 'etendu, immobile, sur le plancher, non seulement ligot'e de telle sorte qu’il ne pouvait faire un mouvement, mais encore clou'e sur le parquet au moyen d’'enormes pointes enfonc'ees par Juve dans ses liens.
D'esormais, en pr'esence de cette situation, Prosper qui n’avait de respect que pour les gens qui r'eussissent, semblait parfaitement d'ecid'e `a ne pas lib'erer Fant^omas et paraissait ne vouloir chercher qu’une solution : se tirer personnellement d’affaire et laisser Fant^omas se d'ebrouiller avec l’inspecteur de la S^uret'e et le renfort qu’'evidemment Juve avait d^u aller chercher.
Cependant, Fant^omas fulminait contre Prosper, sans parvenir `a triompher des h'esitations de l’ancien cocher.
— 'Ecoute, fit Fant^omas, que veux-tu, Prosper, pour me rendre la libert'e ?
— Heu, fit l’ancien cocher, je ne tiens pas plus que ca `a te voir libre, Fant^omas, car s’il n’est gu`ere avantageux d’^etre au nombre de tes ennemis, il n’est pas beaucoup plus rassurant de faire partie de tes complices. Les uns et les autres sont 'egalement expos'es `a p'erir sous les coups de tes effroyables col`eres.
— C’est injuste, ce que tu dis l`a, je n’ai jamais trahi mes amis.