La mort de Juve (Смерть Жюва)
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— Je ne suis pas de ce nombre, r'epliqua le faux agent de police, tu me traites comme un subordonn'e, un domestique.
— Mais non, fit Fant^omas, tu sais bien que j’ai pour toi de l’affection, de la sympathie, une extr^eme sympathie m^eme.
— Non, non, r'epliqua Prosper, tout cela, c’est du boniment. Mais, ajouta-t-il apr`es un moment de silence, peut-^etre y a-t-il un moyen de s’arranger.
— Parle, r'epondit Fant^omas r'esign'e, je suis pr^et `a t’accorder tout ce que tu voudras.
— Eh bien, sugg'era Prosper en dissimulant mal un sourire ironique, je sais que le seul moyen d’^etre 'epargn'e par toi est de poss'eder une certaine chose `a laquelle tu tiens 'enorm'ement, pour laquelle tu commettrais toutes les imprudences et toutes les platitudes. Il s’agit des papiers de ta fille. Tu es venu les reprendre `a Juve, donne les-moi. Apr`es quoi, nous pourrons causer.
— Ah, s’'ecria Fant^omas, c’est mon coeur que tu veux m’arracher, mais tu sais bien, Prosper, que je ne suis pas dans une situation `a te les refuser. D'efais mes liens, prends-les dans mon v^etement, ils sont l`a, dans une poche, sur ma poitrine.
Prosper posa son arme sur un fauteuil voisin, s’agenouilla sur le plancher, palpa de ses mains noueuses la poitrine du bandit.
Puis lentement il se releva, hocha la t^ete :
— Non, Fant^omas, dit-il, rien `a faire avec moi. Tu cherches `a me monter le coup, mais je ne suis pas si b^ete. Ces papiers, tu ne les as pas, tu as 'et'e roul'e sur toute la ligne, roul'e par Juve auquel, non seulement tu n’as pas repris les papiers de ta fille, mais sous les coups duquel tu as succomb'e, puisqu’il t’a fait prisonnier.
Avec une voix qu’'etranglait l’'emotion, des intonations d’une douceur extr^eme, presque attendrissante, Fant^omas avoua :
— C’est vrai, Prosper, je t’ai menti, je n’ai pas ces papiers, mais j’en souffre, oui, cruellement, plus qu’il n’est possible de souffrir au monde. 'Ecoute, je suis s^ur que Juve ne les a pas emport'es, qu’ils sont ici, cherche-les, suis mes indications, fouille la pi`ece, d'emolis les meubles, force les serrures.
— Ca reconnut Prosper, cela rentre bien dans mes op'erations habituelles. Je ne demande pas mieux que de faire une visite minutieuse de l’appartement, et si je trouve les papiers ?
— Eh bien, si tu les trouves ?
— Eh bien, nous verrons si l’on peut s’entendre, r'epliqua le faux gardien de la paix, et d`es lors, je te lib'ererai peut-^etre.
Prosper lentement se mit au travail. Il tira de sa poche tout un jeu de fausses cl'es, les essaya dans les serrures, r'eussit sans grande difficult'e `a ouvrir des tiroirs dont il vida le contenu au hasard sur le plancher.
Fant^omas suivait des yeux son complice, mais, soudain les deux hommes qui parlaient s’arr^et`erent, pr^et`erent l’oreille :
— Entends-tu ? fit Prosper…
— Non, d'eclara fermement Fant^omas, dissimulant ses appr'ehensions…
Prosper reprit le travail, mais, au bout d’un instant, il s’arr^eta encore.
— Pour s^ur, fit l’ancien cocher, qu’il se passe quelque chose de pas ordinaire, j’ai entendu comme des craquements, des bruits de pas.
— Il n’y a personne qui puisse venir nous d'eranger, te dis-je, affirma Fant^omas. N'eanmoins, par prudence, va fermer `a cl'e la porte d’entr'ee.
— Oui, reconnut Prosper.
Le cocher, quelques instants apr`es, revint.
— C’est 'egal, fit-il, si jamais quelqu’un s’amenait par l’escalier, j’ai eu beau boucler la porte, on ne tarderait pas `a l’enfoncer.
— Cela retiendrait tout de m^eme nos agresseurs pendant quelques instants, on pourrait en profiter alors pour s’en aller par la fen^etre.
— La fen^etre, d'eclara Prosper, elle est ferm'ee, j’ai bien envie de l’ouvrir.
— Pourquoi ?
Depuis quelques instants, Prosper avait cess'e son inventaire et ses recherches dans les tiroirs de Juve, mais il allait et venait dans le cabinet de travail du policier, les bras ballants, tournant la t^ete dans tous les sens, levant le nez, respirant profond'ement.
— Qu’est-ce qu’il y a ? interrogea Fant^omas, inqui'et'e sans doute par l’attitude bizarre de son 'enigmatique complice.
Prosper poussa un long soupir :
— Il y a, fit-il, qu’il fait chaud ici.
— Chaud ?
— Oui, chaud, tr`es chaud.
Fant^omas, impatient'e, gourmandait l’ancien cocher :
— Tu es en train de devenir fou. Allons, d'ep^eche-toi. Fouille encore ces armoires. Il faut faire vite. Tiens, j’ai la conviction que c’est dans ce petit bureau que tu trouveras les papiers qui nous int'eressent tellement.
Prosper ob'eit, d'efonca le meuble et, pendant qu’il proc'edait `a ce travail, il tournait le dos `a Fant^omas.
Cela 'etait fort heureux, 'evidemment, sans quoi l’ancien cocher aurait 'et'e terrifi'e s’il avait pu contempler, ne f^ut-ce qu’un instant, le visage du captif.
Fant^omas, en effet, faisait des grimaces et presque des contractions horribles. Le bandit, depuis quelques instants, paraissait souffrir, souffrir de plus en plus, ses yeux se r'evulsaient, il se mordait les l`evres jusqu’au sang, cependant qu’il faisait des efforts inou"is comme s’il s’efforcait de s’arracher du plancher auquel il 'etait clou'e.
Qu’arrivait-il donc `a Fant^omas, et s’il endurait d'esormais un nouveau supplice, quelle 'etait la nature de ce supplice ?
Mais Prosper, soudain, quitta le meuble qu’il cambriolait, se pencha `a moiti'e sur le sol regarda attentivement.