Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Monsieur le procureur, balbutia le magistrat, lorsqu’il put enfin dire une parole, qu’est-ce que cela signifie ?
Le procureur se retourna, il apercut le juge :
— Ah vous voil`a, mon cher Morel, dit-il, eh bien, je suis content que vous arriviez. Voil`a une histoire extraordinaire, figurez-vous que…
Le procureur s’arr^eta :
— Mais au fait, reprit-il, il faut d’abord que je fasse les pr'esentations.
Les deux inconnus qui soignaient la femme 'evanouie venaient en effet de se retourner et regardaient le magistrat.
Le procureur les d'esigna et s’adressant au juge :
— Je vous pr'esente, dit-il, M. Juve, inspecteur de la S^uret'e, et son collaborateur. Ces messieurs ont eu l’occasion, cette nuit, de faire connaissance avec la jeune femme que vous voyez 'etendue sur ce canap'e. Ils ont cru devoir vous l’amener, car elle peut ^etre, para^it-il, d’un gros int'er^et pour l’enqu^ete que vous poursuivez en ce moment dans l’affaire Chamb'erieux-Tergall.
— Ah v'eritablement, est-ce possible ? Mais je ne comprends rien du tout.
— Vous allez comprendre, ces messieurs vous expliqueront.
Puis, comme s’il avait h^ate de dispara^itre, le procureur g'en'eral salua le magistrat :
— Votre bureau, monsieur Morel, n’'etait pas ferm'e `a clef, c’est pourquoi nous nous y sommes introduits pour donner les premiers soins `a cette personne, vous nous excuserez de cette violation de domicile.
Le procureur g'en'eral s’'etait `a peine retir'e que la femme 'evanouie reprenait peu `a peu ses sens.
Elle se redressa lentement, comprima ses tempes de ses deux mains, tapota ses cheveux d’un geste naturel et instinctif, puis son regard abasourdi s’arr^eta sur Juve. Il prit une expression de haine.
— Eh bien, nom de Dieu, hurla-t-elle, vous avez une dr^ole de mani`ere de traiter les gens que vous invitez `a souper. Esp`ece de brute, l^ache, cafard. C’est ca que vous appelez inviter les gens `a d'ejeuner `a la campagne. Mais soyez tranquille, ca ne se passera pas comme ca.
Juve, impassible, laissa passer l’orage des propos que tenait `a son 'egard l’irascible Chonchon. Moins pacifique et moins calme, M. Morel sentit soudain une grosse col`ere monter en lui.
— Madame ou mademoiselle, d'eclara-t-il, je vous invite `a mod'erer votre ton.
Chonchon consid'era une seconde le nouveau venu, puis avec la plus parfaite d'esinvolture :
— Toi, fit-elle, je ne sais pas ce que tu viens faire l`a-dedans, mais nous sommes d'ej`a assez sans toi. T^ache de la boucler et d'ebine-toi, si tu n’as rien de mieux `a faire.
— Madame, dit-il, la gorge serr'ee par l’indignation, vous ignorez donc qui je suis : je suis le juge d’instruction.
— Ah, dit Chonchon, calm'ee subitement, je vous demande pardon, je ne vous connaissais pas.
Puis, regardant Juve d’en dessous :
— Racaille de mouchards, cria-t-elle, vous en ^etes, des mufles.
Fandor avait tir'e son compagnon `a l’'ecart :
— Juve, lui demanda-t-il, m’expliquerez-vous enfin pourquoi vous avez amen'e ici cette malheureuse Chonchon ?
— Je t’expliquerai. Ce n’est pas le moment.
Le policier d’ailleurs se rapprochait de Chonchon : La malheureuse chanteuse pleurait `a chaudes larmes, balbutiant des paroles entrecoup'ees :
— C’est d'ego^utant, absolument d'ego^utant de profiter de ce qu’une femme est grise pour la faire causer, pour lui faire raconter des choses. Qu’est-ce que j’ai bien pu leur dire, cette nuit, lorsque j’ai tant parl'e, sans m^eme savoir avec qui j’'etais ?
— Aviez-vous donc, mademoiselle, quelque chose `a cacher que vous redoutiez maintenant d’avoir parl'e d’une facon intempestive ?
Pendant que Juve parlait `a l’oreille du magistrat, Fandor se rapprocha de la chanteuse, qui lui faisait piti'e.
— Ne vous emballez pas comme ca, Chonchon, lui murmura-t-il `a l’oreille, croyez bien que ce n’est pas pour le plaisir de vous emb^eter qu’on vous a amen'ee ici. Tenez, je suis s^ure que Juve, qui n’est pas un m'echant homme, va se contenter de vous demander quelques renseignements, et si vous lui r'epondez gentiment, vous serez libre de vous en aller.
Chonchon redressa la t^ete `a ces derni`eres paroles :
— Libre de m’en aller ? fit-elle, mais ne le suis-je donc pas en ce moment ? Je suis arr^et'ee, n’est-ce pas ? Vous m’avez arr^et'ee tous les deux ? On va me jeter en prison ?
— Mais non, vous n’^etes pas arr^et'ee, pourquoi avez-vous donc si peur ? Auriez-vous par hasard une raison qui vous fasse redouter…
— Rien du tout, mais est-ce qu’on sait jamais avec vous autres, car on la conna^it la police. On sait bien ce qu’elle vaut.
Chonchon s’animait de nouveau. Mais brusquement elle se tut.
M. Morel venait de frapper un coup sec sur l’acajou de son bureau.
— Silence, mademoiselle, je vous ordonne de faire silence. J’ai besoin de vous interroger, en pr'esence de t'emoins. Veuillez vous asseoir et vous taire, sinon je serai oblig'e de s'evir.
M. Morel, apr`es avoir obtenu le silence, appuya sur un timbre, son greffier apparut.
— Faites venir les t'emoins, ordonnait-il, appelez ensemble Chamb'erieux et Tergall. L’autre attendra.
`A ces mots, Chonchon devint toute p^ale. Elle avait compris, on allait la mettre en pr'esence du bijoutier et du marquis. Mais pourquoi ? La chanteuse parut atterr'ee et sans qu’on p^ut comprendre pourquoi, elle murmura :
— La gaffe, ca c’est la plus grosse gaffe qui puisse arriver.