Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Le juge d'esigna l’abb'e Jeandron.
— Mais non, fit Chonchon, je le connais bien, monsieur, c’est M. l’abb'e Jeandron, le vicaire de Ponc'e.
— Alors, ce que vous nous avez racont'e est inexact ?
— Pas du tout. C’est d’un autre qu’il s’agit, voil`a tout. Je vous dis que c’'etait un cur'e, ou tout au moins un bonhomme habill'e avec une soutane.
Juve intervint :
— J’attire votre attention, monsieur Morel, sur la r'eticence que vient de formuler mademoiselle. « Ou tout au moins ». Retenez bien cette opinion…
— Je ne comprends pas, fit le magistrat.
— Pour moi, fit Juve, la chose est claire comme de l’eau de roche.
Le magistrat passa dans la pi`ece voisine en compagnie du policier. L’abb'e Jeandron, la chanteuse, et Fandor, restaient `a se regarder dans le blanc des yeux.
— Monsieur, expliqua Juve au magistrat instructeur, la situation s’'eclaircit. Il r'esulte des d'eclarations de Chonchon qu’un homme habill'e en pr^etre a pris le train `a Connerr'e et s’est dirig'e vers Le Mans. Cet homme habill'e en pr^etre est parti de Saint-Calais par le train de onze heures dix. Nous savons qu’un billet lui a 'et'e d'elivr'e. Il para^it ^etre le voleur des bijoux. Le fait qu’il ait offert `a la chanteuse une bague provenant du vol le confirme. La question 'etait de savoir comment notre voleur a pu rev^etir un v^etement d’eccl'esiastique, pourquoi et comment il se l’est procur'e ? Tout s’explique depuis la d'eclaration de l’abb'e Jeandron. J’en conclus donc : l’abb'e Jeandron vous a dit la v'erit'e, monsieur le juge, lorsqu’il a d'eclar'e avoir quitt'e l’ H^otel Europ'eende fort bonne heure le jour du vol ; les t'emoins, qui assurent avoir vu un pr^etre sortir pr'ecipitamment de l’h^otel quelques instants apr`es onze heures n’ont pas menti non plus. Ils ont vu en effet sortir le voleur, et le voleur qui s’'etait affubl'e de la soutane et du chapeau d'erob'es `a M. l’abb'e Jeandron. Reste donc `a d'ecouvrir l’auteur de cette audacieuse supercherie, mais il nous faut le chercher hors d’ici et 'ecarter d'efinitivement tout soupcon au sujet des personnes incrimin'ees jusqu’ici.
Fandor, sans vergogne, s’'etait introduit dans la pi`ece o`u les deux hommes s’entretenaient :
— L’abb'e, interrompit-il, demande s’il peut se retirer ?
— Mais certainement, fit le magistrat, qui abandonna un instant Juve pour aller rendre la libert'e au pr^etre.
— Bravo, mon cher, disait Fandor `a son professeur de police, voil`a qui est bien raisonn'e. Je viens de vous entendre et j’ai admir'e une fois de plus la logique de votre esprit.
— C’'etait simple, fit Juve, voil`a tout.
— Joli tout de m^eme le tour. Bien ex'ecut'e, pas vrai ?
— Pas trop mal, d'eclara Juve, quoique ne cassant rien, `a vrai dire. Mais o`u veux-tu en venir ?
— `A ceci, Fandor : si Fant^omas n’'etait pas en prison, s’il n’'etait pas enferm'e dans une cellule de la maison d’arr^et de Louvain, ca pourrait bien ^etre, j’en mettrais ma main au feu, un coup `a la Fant^omas.
— Et pourquoi est-ce que ce n’en serait pas un ? On pourrait toujours voir.
— Au fait, poursuivit Fandor, on pourrait voir `a t'el'egraphier une insinuation de ce genre `a La Capitale.
— Oui, fais donc un article dans ce sens.
Mais soudain un cri. C’'etait M. Morel qui venait de le pousser. Au moment o`u il rentrait dans la pi`ece, il avait surpris les derni`eres paroles de Juve.
— Un journaliste, hurla le magistrat terrifi'e, monsieur Juve, vous vous ^etes permis d’introduire un journaliste dans mon cabinet ?
— N’ayez aucune crainte, monsieur le magistrat, mon ami J'er^ome Fandor n’est pas un journaliste comme les autres, il ne bavarde pas. D’ailleurs, voyez, il se retire.
— Parbleu, quand tout est termin'e.
Cependant Fandor s’'etait 'eclips'e, riant sous cape des 'emotions du brave magistrat.
Au passage, il prit par le bras la malheureuse Chonchon, abandonn'ee de tous, qui, profitant d’un petit miroir, avait remis son chapeau et r'epar'e le d'esordre de sa toilette.
— Allons, ces 'emotions ont d^u vous creuser. Venez avec moi, je vous invite `a d'ejeuner.
— Ma foi, je veux bien, dit Chonchon, vous ^etes le seul `a peu pr`es propre dans toute cette bande de mufles.
Elle poussa un gros soupir :
— Comment diable est-ce que je vais m’en tirer avec mes deux num'eros ? Qu’est-ce que je vais dire `a Chamb'erieux et `a Tergall ?
10 – PLAN INFERNAL DE JUVE
Il y avait dix minutes `a peine que Juve et Fandor venaient de regagner l’appartement que le policier occupait depuis des ann'ees et des ann'ees rue Bonaparte.
Fandor qui pour une nuit, sur l’invitation de son compagnon, s’appr^etait `a dormir chez Juve, avait en souriant fait le tour de toutes les pi`eces, furet'e un peu partout, regard'e sous les lits, secou'e les tentures, ouvert les placards, cela, disait-il, froidement, afin d’^etre certain qu’il n’y avait pas
Juve ne restait pas inactif. Lui aussi parcourait l’appartement en tous sens, lui aussi cherchait. Mais de son examen ni de celui de Fandor rien ne r'esultait en fin de compte qui f^ut le moins du monde inqui'etant.
— Allons, viens, Fandor, cria Juve, regagnant son cabinet de travail et tirant d’un placard une petite cave `a liqueurs. J’imagine que nous aurons la paix cette nuit et que nous pourrons dormir.
— Mon bon Juve, dit Fandor tout en trinquant d’enthousiasme avec le policier, j’ai pour vous l’affection la plus in'ebranlable, le respect le plus absolu, la sympathie la plus ardente, mais vous vous enfoncez l’ob'elisque dans l’oeil si vous croyez vraiment que vous vous reposerez cette nuit.
— Ah c`a, qu’est-ce que tu me chantes ? Tu pr'etends m’emp^echer de dormir ? Eh l`a, Fandor, si je t’ai invit'e `a venir coucher ici, je te prie de croire que ca n’est pas pour que tu viennes d'eranger mes habitudes de c'elibataire rang'e. Enfin, vas-tu m’expliquer pourquoi je ne me reposerai pas cette nuit ?
— Ah ca, Juve, est-ce que vous vous foutez de moi ? oui ou non ? J’aimerais `a le savoir.
— Et pourquoi veux-tu que je me moque de toi, Fandor ?