Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Et Juve achevait avec un sourire :
— Tout ceci, mes chers amis, fait qu’il serait de la derni`ere imprudence et surtout du dernier manque de tact de ne point rassurer Fant^omas, c’est pour cela que je veux lui envoyer une d'ep^eche.
Juve riait en achevant ces mots. L'eon et Michel, eux, avaient beau faire bonne figure et approuver de la t^ete, il n’en reste pas moins que les deux agents de la S^uret'e ne comprenaient rien aux paroles de leur chef.
— R'edigeons notre d'ep^eche, poursuivait cependant le ma^itre policier.
Juve tira de sa poche une feuille de papier sur laquelle il 'ecrivit quelques mots qu’aussit^ot il lut `a haute voix.
— Voici ce que je vais t'el'egraphier :
« Profite demain de tout ce que tu trouveras d’anormal autour de toi, rien `a craindre.
Juve, ayant lu, demandait encore :
— J’esp`ere que vous comprenez ?
Puis, devant la mine surprise de L'eon et de Michel, il consentit `a s’expliquer, cependant qu’il tirait de sa poche une petite glace dont il frotta soigneusement le verre.
— Mon bon L'eon, mon excellent Michel, il est exactement dix heures cinq. Fant^omas se trouve dans le pr'eau que nous avons sous cette fen^etre. Bien, je lui passe ma d'ep^eche.
R'ep'etant la manoeuvre que B'eb'e avait employ'ee quelques jours avant, Juve, avec une rapidit'e qui prouvait qu’il n’en 'etait pas `a son premier essai de correspondance lumineuse, envoya sur le mur de la prison, formant 'ecran, les reflets de soleil qui devaient permettre `a Fant^omas de lire la d'ep^eche. Sa besogne achev'ee, il avait peut-^etre mis vingt minutes en tout `a transmettre son t'el'egramme, Juve se frotta les mains :
— Et maintenant, disait-il, tirant encore de sa poche une extraordinaire barbe grise, et maintenant, L'eon et Michel, 'ecoutez-moi bien. D'esormais, nous tenons Fant^omas. Demain soir, vous n’aurez qu’`a vous trouver pr`es de la prison et `a surveiller la sortie des gardiens relev'es par l’'equipe de nuit. Fant^omas sera parmi ces gardiens. Vous le reconna^itrez `a cette barbe grise, vous le suivrez et…
— Ah c`a, Juve, demandait L'eon, mais c’est donc d'ecid'e, Fant^omas s’'evade ? vous le laissez s’'evader ?
Juve eut un sourire 'enigmatique :
— Si je le laisse s’'evader ? mais comment donc, je l’y aide.
Et tandis que L'eon et Michel, demeuraient muets de stup'efaction, Juve ajouta d’une voix triomphante :
— 'Ecoutez-moi bien, mes bons amis, 'ecoutez bien mon plan. C’est mon tour d’avoir la victoire, c’est au tour de Fant^omas d’expier ses forfaits.
Juve conta par le menu `a L'eon et `a Michel l’extraordinaire plan qu’il avait concu pour arriver `a rendre Fant^omas `a la justice francaise, et cela en d'epit de toutes les conventions diplomatiques r'eglant les conditions d’extradition.
Tandis que Juve parlait, dans son grenier des Entrep^ots G'en'eraux, Fant^omas, sa promenade termin'ee, avait r'eint'egr'e sa cellule.
Mais, si le prisonnier 'etait sorti tristement sous la conduite de ses gardiens, c’est avec un visage radieux que le D. 33 avait repris son travail.
13 – FANT^OMAS SORT PAR LA PORTE
M. Von den Goossen, directeur g'en'eral du bagne de Louvain, avait quelques connaissances des charges incombant `a son poste de directeur, et des principes bien arr^et'es sur la facon dont il devait se conduire en qualit'e de fonctionnaire.
Ses principes diff'eraient essentiellement de ses connaissances.
En tant que directeur de prison, M. Van den Goossen 'etait presque un brave homme. Il n’en voulait aucunement aux d'etenus plac'es sous ses ordres, et m^eme leur vouait une certaine sympathie, car il songeait non sans une certaine logique que c’'etait aux d'etenus qu’on devait les prisons, et aux prisons qu’on devait les places de directeurs.
En revanche, en tant que fonctionnaire, M. Van den Goossen 'etait intraitable.
Il y avait des moments dans l’ann'ee, o`u, invariablement, le directeur indulgent faisait place au redoutable fonctionnaire. Ces moments-l`a, que les sous-ordres pr'evoyaient `a l’avance, 'etaient ceux o`u la commission de surveillance venait visiter la prison, visite qui s’achevait par un rapport 'elogieux.
M. Van den Goossen qui savait pourtant mieux que quiconque, – car il y avait fort longtemps qu’il appartenait `a l’administration, – l’inanit'e de ces visites, continuait de les redouter.
Les jours o`u la commission de surveillance parcourait les b^atiments, M. Van den Goossen accabl'e, an'eanti, demeurait dans son cabinet pr^et `a recevoir une r'eprimande, r'esign'e d’avance `a un bl^ame qui entraverait sa carri`ere, bl^ame qui n’intervenait jamais, qui ne pouvait intervenir.
— Vous ferez passer ces messieurs `a tel endroit, expliquait au major, la veille au soir, M. Van den Goossen, vous leur montrerez tel atelier, vous ferez en sorte qu’ils ne puissent causer qu’avec tel d'etenu.
S’il n’avait pas eu un esprit timor'e, M. Van den Goossen e^ut r'eellement 'et'e convaincu que ses pr'ecautions le mettaient `a l’abri de toute esp`ece de surprise.
— Nous voudrions voir aujourd’hui les ateliers, les cuisines, puis l’aile D.
Pour la premi`ere fois, le chef de la commission de surveillance, en arrivant au bagne de Louvain, posait en principe qu’il entendait choisir les parties de la prison `a visiter.
Cela fit scandale. Tellement que m^eme le pr'esident de la commission, un excellent vieillard dont les cheveux blancs encadraient un visage rose et serein, presque un visage d’enfant, 'eprouva aussit^ot le besoin de s’expliquer :