Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
Шрифт:
Le bandit sauta sur le quai, n'eanmoins, car, pris pour pris, il estimait avoir encore plus de chances d’'echapper aux recherches des agents en se m^elant `a la foule des voyageurs qui encombraient les quais qu’en restant dans le rapide.
— Ma parole, pensait le bandit, avant tout, il faut 'eviter d’^etre reconnu. L'eon et Michel ont d^u t'el'egraphier un signalement succinct de ma personne. Si je puis me modifier tant soit peu, j’aurai au moins une chance sur dix d’'echapper.
Fant^omas, affectant l’allure tranquille d’un voyageur `a cent lieues de se douter que des recherches polici`eres sont men'ees avec la derni`ere activit'e contre lui, traversa les quais, avisa un employ'e :
— `A quelle heure le premier train pour Chartres ? demanda-t-il ?
— `A cinquante-quatre, r'epondait l’homme, qui, d’un regard venait de consulter la pendule. D’ailleurs vous n’avez pas `a vous presser, monsieur, le train de Chartres part imm'ediatement derri`ere le rapide de Paris.
— Merci.
Et, moins inquiet, le bandit se dirigea vers les lavabos.
— Voici ma premi`ere chance, songea-t-il, depuis ma sortie de Louvain. 'Evidemment, ce serait de la derni`ere imprudence pour moi de vouloir sortir de cette gare dont les issues doivent ^etre gard'ees. Ce serait folie aussi de remonter `a bord du train qui vient de m’amener ici. Ou je me trompe fort, ou les agents de la S^uret'e vont partir avec lui, et en cours de route, recommenceront `a v'erifier l’identit'e des voyageurs. En revanche, qu’est-ce qui m’emp^eche de sauter dans le train de Chartres ? `A quelque petite station j’appellerai le conducteur du train, je lui d'eclarerai que je n’ai pas de billet, cela arrive journellement, cet homme ne s’en 'etonnera pas et, ma foi, j’en serai quitte pour descendre `a une halte, `a un village de petite importance o`u, j’imagine, nul ne sera avis'e du passage de Fant^omas, puisqu’en somme je ne serai plus sur la ligne o`u L'eon et Michel doivent normalement me croire en ce moment.
Fant^omas, rass'er'en'e, joyeux presque, entra dans les lavabos. Il fit une toilette sommaire, tira de sa valise un col propre, une cravate fra^iche, remplaca la casquette qu’il portait par un chapeau mou et m^eme, par surcro^it de prudence, s’embellit d’une moustache postiche.
De plus en plus confiant, Fant^omas regagna `a pas lents le quai o`u 'etait rang'e le train de
— De mieux en mieux, pensait le bandit, s’apercevant que peu de monde prenait place dans les voitures. J’ai eu une excellente id'ee en songeant `a sauter dans ce convoi. Jamais des agents de la S^uret'e n’auront la pens'ee de venir me d'enicher dans un omnibus.
Fant^omas longea le convoi et, faisant preuve d’une tranquille audace, d'epassa la locomotive pour pouvoir inspecter commod'ement un quai voisin, le quai sur lequel se trouvaient les voyageurs qui allaient remonter dans le rapide de Paris, le rapide qui, pr'ecis'ement, avait conduit Fant^omas `a Saumur et qui, dans quelques instants, allait repartir.
Or, Fant^omas, n’avait pas jet'e les yeux sur les voyageurs encombrant encore ce quai proche et se disputant pour s’engouffrer par les porti`eres trop 'etroites des voitures `a couloir, qu’il 'eclatait de rire :
— Quels imb'eciles que les agents.
Il rit de plus en plus fort, amus'e de constater que les agents de la S^uret'e, qui en effet avaient visit'e de fond en comble le rapide, se d'ecidaient, n’ayant point trouv'e Fant^omas, `a partir `a bord du train pour y continuer leurs perquisitions.
— Allez donc et bonne route, murmura le bandit. Ah, en v'erit'e, ils ne sont pas forts. Aucun d’eux n’a song'e m^eme que je pouvais abandonner le train de Paris pour prendre le tortillard qui part pour Chartres.
Or, Fant^omas n’avait m^eme pas pivot'e sur lui-m^eme, que l’inqui'etude d'ej`a le saisissait.
`A trois pas devant lui, en effet, le bandit venait d’apercevoir un inconnu 'el'egamment v^etu, l’attitude un peu hautaine et fi`ere, qui l’observait attentivement.
— Mis'ericorde, songea Fant^omas, tournant la t^ete pour 'eviter que son regard ne se crois^at avec celui de cet individu. Est-ce donc encore un agent de la S^uret'e ? Suis-je donc reconnu ?
Fant^omas pressa le pas, mais entendit distinctement que l’homme qui venait de le d'evisager se mettait, lui aussi, `a marcher, et que, lui aussi, h^atait le pas.
La manoeuvre 'etait si nette qu’une sueur froide perla aux tempes de l’Insaisissable.
— Je suis pris, murmura-t-il, cette fois, je ne puis 'echapper `a mon sort. Tenter de sortir de cette gare, c’est de la folie : je ne ferais pas trois pas sans ^etre appr'ehend'e par les argousins. Rester sur ce quai, c’est accepter d’avance que cet agent me mette la main au collet. Monter dans le train ne m’avancerait `a rien.
Marchant droit devant lui, se mordant les l`evres au sang, un 'eclat de fureur dans les yeux, Fant^omas avancait toujours.
Oh, il reconstituait parfaitement la marche des 'ev'enements qui tournaient pour lui de si tragique facon.
L'eon et Michel, de Nantes, avaient t'el'egraphi'e son signalement `a Saumur. Les agents avaient visit'e le train venant de Saumur et allant `a Paris, n’y ayant pas trouv'e Fant^omas, ils s’'etaient s'epar'es en deux bandes.
Presque tous, ils 'etaient partis avec le convoi pour Paris, les autres 'etaient demeur'es dans la gare, et maintenant surveillaient les d'eparts des petits trains allant dans d’autres directions.
— C’est un agent, ce bonhomme-l`a, se r'ep'etait `a sati'et'e Fant^omas, qui, cette fois, sentait une angoisse folle lui tenailler le coeur. Il va appeler ses coll`egues. Que faire ? Il me reste peut-^etre dix minutes pour agir. Hum je n’invente rien. Vais-je donc me laisser prendre de cette stupide facon ?
Fant^omas, qui marchait toujours droit devant lui, arrivait au bout du quai. Pr^et `a tout, r'esign'e d'ej`a, Fant^omas pivota sur lui-m^eme.
Or, comme il revenait vers la locomotive du train, comme il recommencait `a longer le convoi, il ne put s’emp^echer de tressaillir.