Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Apprends que je suis Fant^omas, apprends que Fant^omas te condamne `a mort.
Or, `a cette minute m^eme les freins du train se bloquaient, un grand heurt lancait les uns contre les autres les wagons, le convoi venait d’entrer dans une petite gare, faisait halte.
Fant^omas alors v'ecut d’'epouvantables secondes.
Il tenait toujours immobile l’homme qu’il pensait 'etrangler. Mais il le tenait de telle facon que l’une des jambes de la victime 'etait 'etendue au travers du fourgon, qu’on devait apercevoir du quai, ses pieds qui d'epassaient.
— Si un employ'e passe, songeait Fant^omas, s’il tourne la t^ete dans la direction du fourgon, je suis perdu.
Il ne pouvait pas en effet sans risquer de faire du bruit, tra^iner sa victime plus loin. Une de ses mains maintenait l’homme `a la gorge, de l’autre, il lui b^aillonnait la bouche sous peine de laisser `a son prisonnier la possibilit'e de crier ou de se d'ebattre. Fant^omas devait attendre, pour achever son crime que le train e^ut repris sa marche.
La halte ne dura que quelques instants.
Lentement, le train repartit, Fant^omas, respira, soulag'e.
— Nul ne m’a vu pensa-t-il. Cette fois, je puis op'erer en toute tranquillit'e.
L’affreux bandit desserra un peu l’'etreinte dont il entourait le cou du malheureux qu’il allait tuer. Il prit un secret plaisir `a torturer sa victime. Il lui laissa le temps de se remettre. Il lui laissa happer tranquillement une large bouff'ee d’air, et c’'etait seulement quand l’homme paraissait reprendre conscience de lui-m^eme, que Fant^omas, qui venait de ramasser son revolver, l’appuya sur la tempe de l’adversaire.
— Allons, as-tu entendu ? Je suis Fant^omas, et c’est Fant^omas qui va te tuer.
Ah, certes, le malheureux avait compris. Sur sa face d'ecompos'ee, sur sa face, o`u l’'epouvante pouss'ee `a son paroxysme posait son masque, un rictus douloureux passa :
— Fant^omas ? Vous ^etes Fant^omas ?
C’'etait un r^ale indistinct qui s’'echappait des l`evres exsangues de l’homme qui allait mourir.
— Parfaitement, je suis Fant^omas. Fant^omas 'echapp'e de prison, Fant^omas sauv'e.
Brusquement, le bandit s’interrompit :
— Et puis, en voil`a assez, fit-il, avec une intonation volontairement faubourienne, je te donne une seconde pour te repentir, pour te repentir de tes p'ech'es d’abord, pour te repentir, aussi de cette sottise que tu as faite en t’occupant de ce qui ne te regardait pas. Allons, mon camarade, c’est fait ? Oui ? Adieu.
Dominant une seconde le fracas produit par le roulement du train, la d'etonation s`eche du revolver.
La tempe trou'ee, la cervelle jaillissant, l’homme, la victime de Fant^omas, mourut, sans un cri.
Alors, Fant^omas se releva.
Cyniquement, il se frotta les mains.
— C’est une bonne chose de faite, songeait le bandit. Cet individu 'etait bavard, curieux. C’'etait un g^eneur. Il 'etait de trop. J’ai eu raison de le supprimer.
Fant^omas, toutefois, avait trop l’habitude du meurtre, il 'etait trop accoutum'e `a joncher sa route de cadavres pour perdre son temps `a se r'ejouir du crime qu’il venait de commettre.
D'ej`a, il envisageait les cons'equences de son acte, il songeait `a en tirer tout le parti possible.
— Maintenant, murmurait le bandit, se parlant `a lui-m^eme, presque sans s’en apercevoir, comme il arrive souvent `a ceux qui r'efl'echissent profond'ement, maintenant, il faut aviser. J’ai tu'e cet individu, c’est bien. Mais ce n’est pas suffisant, il faut que je me d'ebarrasse de son cadavre. Il serait mauvais, j’imagine, de jalonner ma route.
Or, soudain, Fant^omas 'eclata de rire.
— Mais je suis un enfant, songeait-il, je suis un 'etourdi. Je suis un imb'ecile. Ce cadavre, au contraire, va m’^etre de la plus grande utilit'e pour 'eviter que l’on me piste. Parbleu, je m’en vais troquer ma personnalit'e, plut^ot g^enante, contre la sienne, qui, je l’esp`ere, est honorable.
Dans le fourgon charg'e de ballots, de caisses et de tonneaux, alors ce fut une horrible sc`ene.
Il faisait juste clair, car maintenant il 'etait pr`es de sept heures du soir, et sur le ciel charg'e de nuages, la nuit tombait.
Fant^omas, pourtant, paraissait agir avec m'ethode et sans se presser.
Ayant constat'e en effet que la plupart des colis dispos'es dans le fourgon 'etaient 'etiquet'es `a destination de Chartres, le bandit s’'etait dit qu’il n’avait aucune chance d’^etre d'ecouvert avant l’arriv'ee.
C’'etait donc sans se presser, en toute tranquillit'e, qu’il pouvait agir. Fant^omas d'epouilla le mort de son pardessus, sa veste, son gilet.
— Parbleu, c’est une chance extraordinaire, r'ep'eta-t-il, tandis que, sans la moindre horreur, il s’habillait des v^etements du mort. Tout cela me va comme un gant. H'e, h'e, j’am'eliore mes proc'ed'es, je tue les gens qui sont `a ma pointure.
Il rit, boutonna ses v^etements, puis, fit la toilette de sa victime, `a laquelle il passa les habits qu’il venait de quitter.
— L`a, voil`a qui est fait. Si ce voyageur a 'et'e vu en gare de Saumur, si l’on a enqu^et'e, quand on me verra sortir de la gare tout `a l’heure, car je n’irai naturellement pas jusqu’`a Chartres, on me prendra pour lui. Surtout dans l’obscurit'e et si j’ai le temps d’aller chercher dans le compartiment de premi`ere classe o`u je l’ai vu monter en gare de Saumur, les bagages qu’il a d^u y d'eposer.