Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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Que s’'etait-il donc pass'e ?
En r'ealit'e, Juve, subtil comme il l’'etait, avait merveilleusement combin'e le plan infernal qu’il ourdissait contre Fant^omas.
Fant^omas n’avait pas franchi le seuil de la prison de Louvain, que discr`etement, L'eon et Michel avaient embo^it'e le pas au formidable bandit, bien r'esolus `a se saisir de lui d`es que Fant^omas aurait mis le pied sur le sol francais.
Il n’'etait pas apparu, malheureusement, que Fant^omas comm^it rapidement l’imprudence de retourner en France. L'eon et Michel avaient vu, `a Louvain, le bandit se diriger tr`es tranquillement vers la gare du chemin de fer, il avait pris un billet pour Bruxelles, o`u, naturellement, L'eon et Michel s’'etaient rendus derri`ere lui, trouvant moyen de ne pas le perdre des yeux.
`A peine descendu `a la gare de Bruxelles, Fant^omas se rendait dans les magasins voisins, il faisait quelques emplettes, celle notamment d’un solide revolver, puis il revenait `a la gare pour sauter dans le train d’Ostende.
— Parbleu, avait jur'e Michel, pas de doute, il part pour Ostende. C’est 'evidemment dans l’intention de s’embarquer l`a-bas pour l’Angleterre. Ah, nous n’avons pas de chance. En Angleterre, Fant^omas est tout aussi hors d’atteinte pour nous qu’en Belgique.
***
`A pr'esent, en queue du train d’Ostende, ils faisaient le tour de la situation.
— Bougre de nom d’un chien, demandait L'eon, s’il file en Angleterre, chef, qu’allons-nous faire ?
Michel h'esitait. L'eon poursuivit :
— Vous ne croyez pas qu’ici un coup de force pourrait ^etre tent'e ?
— Ce serait dangereux, ce serait inutile.
— Alors, chef, qu’est-ce que vous proposez ?
— Ceci tout simplement : nous allons ^etre `a Ostende dans une heure `a peu pr`es. L`a, de deux choses l’une : ou Fant^omas ne va pas s’embarquer pour l’Angleterre, et dans ce cas nous le pistons l’un et l’autre, ou au contraire, il saute sur le bateau, et dans ce cas nous nous s'eparons.
— Nous nous s'eparons, chef ? Ah sapristi, je n’aime pas ca.
— Il le faut, L'eon, c’est la prudence qui le commande.
Et apr`es avoir un peu r'efl'echi, fermant les yeux `a la facon de Juve, car Michel ne d'edaignait pas, de temps `a autre, d’imiter le Roi des policiers qu’il avait pris depuis longtemps pour mod`ele, Michel reprit.
— Nous nous s'eparons, L'eon, comme je vous le dis. Vous, vous restez `a Ostende, au Bureau des T'el'egraphes, vous n’en bougez pas. Moi, je m’embarque avec Fant^omas et je pars avec lui, je le piste, je l’accompagne.
— Mais vous ne savez pas o`u il va, chef.
— D’accord, L'eon, d’accord. Mais cela n’a pas d’importance. Je l’accompagne, vous dis-je, o`u qu’il aille. Parbleu, j’imagine bien que si Fant^omas passe en Angleterre en ce moment, c’est uniquement pour compliquer les choses, de rompre, s’il le peut, la filature que nous faisons et dont il s’est peut-^etre apercu.
— Vous croyez, chef ?
— Je le crains.
Michel r'efl'echit encore avant de conclure :
— Donc, L'eon, voici comment les choses se passeront : tandis que vous, vous attendez mes instructions `a Ostende, je piste mon Fant^omas, je m’efforce de lui donner l’impression qu’il n’a plus personne sur ses traces et, naturellement, `a ce moment, Fant^omas s’embarque `a destination de la France. L'eon, je vous t'el'ephone ou je vous t'el'egraphie ce d'epart en vous indiquant l’endroit o`u le d'ebarquement de Fant^omas doit avoir lieu. Un jour ou l’autre il faudra bien que vous soyez sur le quai o`u Fant^omas va d'ebarquer, alors que je serai, moi, derri`ere Fant^omas, sur la passerelle qui servira `a ce d'ebarquement. Si `a ce moment-l`a ni l’un ni l’autre nous n’arrivons `a empoigner le bandit, c’est que nous sommes ensorcel'es.
***
Huit jours plus tard, `a Nantes, l’inspecteur L'eon, nerveux, rageur, se promenait sur le quai, attendant le bateau de Weymouth.
L'eon se faisait un mauvais sang de tous les diables.
Il tirait de sa poche, de minute en minute, la petite formule t'el'egraphique, recue la veille m^eme `a Ostende, et qui ne portait que ces mots :
« `A bord duGeorge-VII, `a destination de Nantes, nous arriverons, le colis et moi, mercredi `a midi. Soyez sur le quai. Tout va bien.
Et cette d'ep^eche 'etait sign'ee : « Michel. »
De plus en plus 'enerv'e, ne pouvant tenir en place, l’inspecteur L'eon arpentait les quais de Nantes, demandant aux douaniers, aux matelots qui fl^anaient sur le port, inlassablement, avec une angoisse qu’il ne cherchait m^eme pas `a dissimuler :
— C’est bien ici qu’accostera le bateau de Weymouth ? Le George-VII ?
Il n’'etait pourtant que onze heures et demie.
***
— Maintenant il va falloir jouer serr'e. Cet imb'ecile qui m’accompagne a certainement mobilis'e toute la force arm'ee du pays pour arriver `a s’emparer de moi. Ah non. Fant^omas arr^et'e par Juve, soit, c’est dans l’ordre des choses possibles, mais Fant^omas arr^et'e par Michel, non.
Lentement, avec des cris de sir`ene qui d'echiraient les oreilles, avec les hal`etements de machine `a vapeur, battant `a toute puissance, puis, soudain, stoppant pour repartir quelques minutes plus tard avec une majest'e incomparable, une lenteur imposante, le George-VIIp'en'etrait dans le port de Nantes.
Or, appuy'e au bastingage, sur le pont r'eserv'e des premi`eres classes, la t^ete dans les mains, fumant un gros cigare, Fant^omas songeait.
Depuis une semaine, le bandit, l’Insaisissable, le Ma^itre de l’Effroi, le Roi de l’'Epouvante, n’avait pas eu un instant de repos.
`A l’encontre de ce qu’avait cru L'eon, Fant^omas s’'etait parfaitement apercu d`es sa sortie de prison que deux inspecteurs de la S^uret'e lui avaient embo^it'e le pas.
— Jouons serr'e, s’'etait dit Fant^omas, qui, sans en avoir l’air, surveillait du coin de l’oeil l’agent Michel, lequel de son c^ot'e, sans prendre la peine de le dissimuler, fixait le bandit avec des yeux flamboyant de haine. Jouons serr'e, se r'ep'etait Fant^omas, serrant dans sa poche un revolver charg'e, pr^et `a se forcer un chemin.