Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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L’homme, le voyageur 'el'egant qui l’avait d'evisag'e quelques minutes avant, 'etait toujours sur ses traces, et le d'evisageait encore avec une fixit'e g^enante.
— Parbleu, pensa Fant^omas qui, `a ce moment, consid'erait son arrestation comme `a peu pr`es faite, parbleu, ma moustache postiche me change un peu et c’est ce qui le fait h'esiter. H'elas, cela, c’est l’affaire de quelques minutes. Dans quelques minutes, fatalement, l’homme se sera habitu'e `a ma moustache, il me reconna^itra malgr'e elle.
Et, pour se donner du courage, Fant^omas se r'ep'etait :
— Je suis pris, bien pris.
Fant^omas 'etait m^eme si absorb'e, il connaissait si bien l’'epouvante, en ce moment, lui, le Roi de l’Effroi, il fuyait si r'eellement au hasard, incapable de trouver une id'ee nette, d’inventer une ruse satisfaisante, qu’il allait heurter une th'eorie d’hommes qui s’avancaient vers le train en partance, surcharg'es de gros sacs. C’'etaient des postiers.
Fant^omas s’excusa, un instant, se m^ela `a eux. Mais, pour la troisi`eme fois, il tournait la t^ete, l’homme 'el'egant lui marchait toujours sur les talons.
15 – UN MORT SUR MESURE
— Ou je suis le dernier des imb'eciles ou je n’ai plus la moindre notion de la facon dont op`erent les agents de la S^uret'e ou, v'eritablement, il se passe ici un drame que je ne suis peut-^etre pas le seul, en dehors des int'eress'es, `a soupconner.
L’homme qui se faisait ces r'eflexions, en gare de Saumur, 'etait un voyageur assez 'el'egant, qui venait de d'eposer dans un compartiment de premi`ere classe de l’omnibus de Chartres, une valise en peau de vache marqu'ee des deux initiales : C. P.
L’inconnu songeait toujours.
— 'Evidemment, je ne me trompe pas, car enfin comment expliquer, si ce n’est pas une recherche de police, l’'etrange enqu^ete `a laquelle on s’est livr'e tout `a l’heure, tant aupr`es de moi qu’aupr`es des autres personnes qui se trouvaient dans mon compartiment ? Si l’on ne recherchait pas quelqu’un, pourquoi nous aurait-on demand'e, aux uns et aux autres, nos qualit'es, noms, professions et domicile ?
Or, comme le rapide avait d'emarr'e, comme il disparaissait au lointain, Fant^omas se retourna, regarda l’inconnu qui se trouvait derri`ere lui, puis s’'eloigna `a grands pas.
Il 'etait `a coup s^ur naturel que les deux hommes se fussent regard'es, ils 'etaient tous deux dans un endroit d'esert du quai, fortuitement aussi bien que volontairement, ils pouvaient avoir 'echang'e un coup d’oeil. Fant^omas, cependant, ne s’y 'etait pas tromp'e.
— Bigre, avait murmur'e le bandit, cet homme observe.
En fait, Fant^omas n’'etait pas loin de la v'erit'e. L’esprit mis en 'eveil par l’enqu^ete `a laquelle il venait d’^etre soumis, le voyageur, en effet, n’avait pas vu sans un mouvement de vive surprise le visage du bandit.
— Ah ca, avait pens'e le voyageur, si 'etonn'e qu’il demeurait immobile, puis qu’il s’'etait pr'ecipit'e sur les traces de Fant^omas, ah c`a, je ne me trompe pas ? ce monsieur, c’est bien le compagnon de route que j’avais tout `a l’heure en quittant Nantes, `a quelques tables de moi au wagon-restaurant ? Et pourtant.
Certes, il lui semblait que l’individu qu’il venait de croiser 'etait bien le consommateur du wagon-restaurant, il en avait l’allure, la d'emarche, la taille, la corpulence, les cheveux, et pourtant il en diff'erait par quelques d'etails difficiles `a pr'eciser.
— C’est le m^eme visage et pourtant.
`A ce moment, Fant^omas, parvenu au bout du quai, devait pivoter sur ses talons, croiser `a nouveau l’homme qui le suivait.
Cela suffit au voyageur pour, tout d’un coup, avec une nettet'e 'evidente, deviner ce qui l’intriguait si fort.
— Oh, oh, pensa l’inconnu, si je ne me trompe, ce serait bigrement grave. Non seulement, cet individu a chang'e quelque chose `a sa tenue, son faux col, sa cravate, son chapeau, je ne sais quoi, mais encore, si je ne m’abuse, il s’est mis une fausse moustache. Est-ce que, par hasard, les recherches que l’on op'erait tout `a l’heure…
Le voyageur n’acheva m^eme pas sa pens'ee.
— Ma foi, songeait-il, j’en aurai le coeur net. Je vais d'epasser encore une fois cet individu et si je suis certain qu’il s’est grim'e, j’avertis le commissaire sp'ecial.
Pressant le pas, le voyageur voulut rejoindre celui qu’il soupconnait, mais qu’il 'etait certes fort loin d’identifier pour le redoutable Fant^omas. Mais, `a ce moment, malheureusement, les voyageurs commencaient `a arriver. Le quai, de plus, fort 'etroit, 'etait momentan'ement encombr'e par un groupe de postiers qui d'echargeaient sur le sol les lourds sacs du courrier, si bien que le voyageur n’avait pu rejoindre le myst'erieux inconnu.
— Ah c`a, o`u est-il pass'e ? se demandait-il.
Vex'e de s’^etre laiss'e jouer, le voyageur qui, de plus en plus, se passionnait pour la recherche b'en'evolement entreprise, revint sur ses pas, longeant le convoi pr^et `a partir depuis la locomotive jusqu’au fourgon de queue.
— Peut-^etre est-il d'ej`a mont'e en wagon ?
Il fouilla d’un regard avide tous les compartiments, il n’y apercut pas la silhouette de l’homme qu’il cherchait.
— En voiture, pressons un peu, messieurs, dames.
Les porti`eres claquaient, les employ'es pressaient leur monde, le train allait s’'ebranler et le voyageur, de plus en plus intrigu'e, continuait toujours ses recherches. Soudain, il tressaillit :
— Eh l`a, pensa-t-il, je vais rater mon train.
Cette crainte 'etait justifi'ee, en effet, le convoi venait de siffler, s’'ebranlait, lentement, par bonheur.
— Sapristi, songea encore le voyageur furieux, ce serait trop b^ete de manquer ainsi cet omnibus.
En m^eme temps il prit sa course, pr^et `a sauter sur le marchepied de la derni`ere voiture de troisi`eme classe et comptant bien, `a la premi`ere station, rejoindre le compartiment de premi`ere dans lequel il avait d'epos'e ses bagages.