Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Je vous demande cela, monsieur le major, ajouta-t-il, pour donner satisfaction `a monsieur, `a monsieur qui est d'el'egu'e d’une prison autrichienne et qui tient `a recueillir des renseignements relativement `a la facon dont nous habillons les prisonniers en Belgique.
C’'etait sans r'eplique.
Le major s’inclina non sans jeter un furtif coup d’oeil au d'el'egu'e autrichien qui s’efforcait de recueillir des renseignements et entendait remplir consciencieusement une de ces missions dont, en g'en'eral, les b'en'eficiaires se moquent comme de leur premi`ere chemise.
— Par ici, messieurs, proposa le major.
On monta d’abord tout en haut d’un b^atiment et le major annonca :
— La r'eserve des v^etements, messieurs. Ici le linge de corps, plus loin, les couvertures, le linge de lit. Plus loin, ces grands rouleaux, le drap dont on fait les vareuses des prisonniers pour l’hiver. `A droite, la toile blanche qui sert pour la tenue d’'et'e.
On se serait cru, certes, non pas dans une prison, mais dans une quelconque administration.
— Descendons, si vous le voulez bien, continuait le surveillant qui cet apr`es-midi-l`a remplissait les fonctions de guide. Nous allons passer `a l’atelier du tailleur.
C’'etait au-dessous du grenier, une sorte de petite pi`ece proprette, garnie dans son entier par une vaste table de bois blanc sur laquelle deux hommes 'etaient accroupis et qui, arm'es d’'enormes ciseaux, d'ecoupaient du drap sans rel^ache.
Le major, cependant, pressait son monde :
— Par ici, messieurs, par ici. Nous arrivons aux r'eserves.
`A la suite de l’atelier de tailleur s’'etendait une grande pi`ece communiquant avec d’autres grandes pi`eces, et toutes encombr'ees de casiers dont les planches 'etaient garnies d’un amoncellement de vareuses, de pantalons, de gilets confectionn'es `a l’avance et destin'es aux six cents prisonniers.
Le gardien suivait les pi`eces, r'ep'etant :
— Il y en a pour toutes les tailles, mais il n’y en a pas pour tous les go^uts. Le mod`ele est rigoureusement uniforme.
C’'etait sa plaisanterie favorite.
— Si vous voulez venir, messieurs, nous pouvons aller visiter la buanderie.
Les membres de la commission se pr'ecipit`erent derri`ere lui.
Le d'el'egu'e autrichien, le gros petit homme aux v^etements ray'es en large, sortit le dernier, bedonnant, essouffl'e, poussant son petit cri guttural :
— Auch, auch.
Il 'etait satisfait, peut-^etre en admiration devant l’ordre r'egnant dans la prison, peut-^etre encore, totalement indiff'erent.
Ce gros petit homme, d’ailleurs, 'etait toujours en retard. Par bonheur, la visite tirait `a sa fin.
— Voulez-vous voir les prisonniers ?
La commission de surveillance allait tranquillement r'epondre, estimant qu’elle en avait assez fait, qu’elle ne tenait gu`ere `a visiter les d'etenus, qu’elle les verrait la prochaine fois, lorsque avant tout le monde, le d'el'egu'e autrichien retrouva un peu de francais pour r'epondre :
— Che foudrais beaucoup visiter l’aile D de la prison.
Comment s’y refuser ?
— Conduisez-nous `a l’aile D, monsieur le major.
Le cort`ege s’'ebranla de nouveau. De nouveau, la commission traversait des courettes, de longs couloirs, avec un ennui visible.
Ce n’'etait d’ailleurs pas chose nouvelle, ni pour les membres de la commission, ni pour le major, que la visite des prisonniers.
Elle s’op'erait toujours de la m^eme mani`ere.
S’il y avait six membres pr'esents `a la commission de surveillance, les six membres d'esignaient au hasard six cellules au gardien. Ces six cellules 'etaient ouvertes. Les six d'etenus qui s’y trouvaient conversaient quelques minutes avec leurs visiteurs. Puis on s’en allait voir le directeur et lui porter l’assurance que la commission se d'eclarait tr`es satisfaite de ce qu’elle avait 'et'e admise `a visiter.
Il en fut cette fois comme d’habitude.
***
— Che fous remercie, vous ^etes pien aimables, c’'edre dr'es ind'eressant bour moi.
Le d'el'egu'e autrichien se confondait en salutations devant le major qui lui ouvrait la cellule qu’il avait choisie.
Le major, qui 'etait furieux d’avoir 'et'e toute la journ'ee de corv'ee, pressait le petit homme, sans avoir l’air, de tenir compte de ses actions de gr^ace :
— Entrez, entrez, quand vous frapperez, je viendrai vous ouvrir.
La porte s’'etait referm'ee sur le d'el'egu'e.
Et alors, avec une rapidit'e inconcevable, le d'el'egu'e autrichien changea d’attitude.
— Vite, murmurait-il, sans trace d’accent allemand. D'ep^echez-vous, cachez cela dans votre lit. Il faut que dans un quart d’heure, pas m^eme, dans cinq minutes, vous ayez chang'e de v^etements. Vous vous coucherez quand on ouvrira `a nouveau votre cellule, pour qu’on ne vous voie pas habill'e.
En m^eme temps, et sans tenir compte de la surprise extr^eme qui se peignait sur le visage du D. 33, le d'el'egu'e autrichien, tirait de dessous son gigantesque paletot, un costume de gardien, 'evidemment subtilis'e au cours de la visite au vestiaire.
— C’est bien compris ? Habillez-vous, couchez-vous, et ne tentez rien avant mon d'epart. Dans la poche de la vareuse, se trouvent une barbe et une moustache, vous savez vous en servir ?
Le D. 33, livide d’'emotion, s’'etait redress'e :
— Qui ^etes-vous ? Que me voulez-vous ?
L’'etonnant d'el'egu'e autrichien souffla tr`es bas :
— Ne vous occupez pas de cela, je viens de la part de B'eb'e. Faites vite. C’est moi qui vous ai t'el'egraphi'e hier.