Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Quoi ?
— Est-ce que tu le devines ?
— Ma foi, non, Juve.
— C’est pourtant bien simple. Je t’ai t'el'ephon'e de la part de Fant^omas. Je t’ai envoy'e une d'ep^eche sign'ee Fant^omas.
— Et pourquoi faire Juve ?
— Pour commencer, par ton interm'ediaire, Fandor, `a faire parler de Fant^omas `a propos des vols de Saint-Calais. J’ajoute que je n’ai pas eu `a me repentir de cette ruse. Tu n’'etais pas depuis vingt-quatre heures au Mans et `a Saint-Calais, mon bon Fandor, que, malgr'e ta discr'etion, hum, ou `a cause de ta discr'etion, comme tu voudras, l’opinion publique « parlait » en effet de la culpabilit'e possible de Fant^omas. Est-ce juste, Fandor ?
— C’est juste, mais je ne vois pas…
— Tu vas voir. Jusque-l`a, mon cher Fandor, j’avais bien soin, chaque fois que l’on citait Fant^omas, de hausser les 'epaules. Hier, au contraire, l’opinion publique 'etant tout `a fait d'ecid'ee `a consid'erer que l’Insaisissable seul avait pu oser les deux vols, je pouvais lancer mon ballon d’essai. Tu l’as vu, hier, Fandor, froidement j’ai d'eclar'e au juge d’instruction et au procureur g'en'eral qu’`a mon avis, il n’y avait pas de doute, Fant^omas 'etait le coupable. Or, comme l’opinion publique m’avait pr'epar'e les voies, ni le procureur g'en'eral ni le juge d’instruction n’ont m^eme sursaut'e `a cette hypoth`ese. Maintenant, tu vas saisir en vertu de quel plan j’ai agi. Fandor, je me suis dit ceci, qui est bien simple : les vols de Saint-Calais sont aux yeux de la justice tr`es myst'erieux. Je vais les grossir. Je me garde de les expliquer. Puis, en coup de th'e^atre, brusquement je d'eclare que Fant^omas est le coupable.
— Mais cette extradition ne vous avance `a rien.
— En effet. Mais compte sur moi, Fandor, pour compliquer un peu les choses. Suppose donc qu’avant le moment o`u l’extradition sera op'er'ee, Fant^omas ait fichu le camp de sa prison et ait 'et'e, par exemple, secr`etement arr^et'e par deux policiers francais, L'eon et Michel, pour ne pas les nommer. Suppose qu’en m^eme temps, au moment pr'ecis o`u Fant^omas aid'e par des complices de bonne volont'e sera sorti de sa prison, un personnage ait pris sa place dans sa prison, de telle facon que nul ne se soit apercu de l’'evasion du vrai Fant^omas. Vois-tu ce qui va se passer, Fandor ?
— Dites.
— Il se passera ceci : le faux Fant^omas ayant remplac'e dans la prison de Louvain le vrai Fant^omas sera extrad'e et conduit `a Saint-Calais. `A ce moment, ce faux Fant^omas se fera reconna^itre. Il dira par exemple : « Je suis Juve… » Oui. Ne sursaute pas. Il dira : « Je suis Juve. Il y a trois mois, on m’a arr^et'e sous le nom de Fant^omas et `a la place de Fant^omas en m’accusant d’avoir tu'e le prince Nikita. C’est moi qui ai toujours 'et'e dans la prison de Louvain. En Belgique, on ne voulait pas en convenir. En France j’esp`ere qu’on va le reconna^itre. » Tu devines la suite ?
Fandor, enthousiasm'e, fit le geste d’applaudir.
— Eh oui, parbleu, je devine la suite. `A ce moment, n’est-ce pas, on rel^ache le faux Fant^omas et, `a ce moment encore, comme par hasard, on apprend que le vrai Fant^omas a 'et'e arr^et'e en France. Le vrai Fant^omas, d`es lors arr^et'e par des agents francais, est consid'er'e comme n’ayant jamais 'et'e prisonnier belge, jamais 'et'e extrad'e, et par cons'equent on l’envoie sur l’'echafaud. C’est tragique au possible, et farce comme tout, en m^eme temps. Faire 'evader Fant^omas de force. S’arranger pour le faire reprendre imm'ediatement. Trouver moyen d’organiser un proc'ed'e l'egal de rompre les effets d’une extradition, Juve, c’est tout simplement g'enial. C’est infernal aussi.
— Peuh, ce n’est pas trop mal, voil`a tout. Dans cette histoire, tu devines le r^ole de chacun des personnages, j’imagine ? Toi, Fandor, tu vas d`es demain retourner `a Saint-Calais, histoire de surveiller les agissements de la bande des T'en'ebreux qu’il ne faut tout de m^eme pas oublier. Moi, je vais partir en Belgique, pour prendre `a Louvain la place de Fant^omas. L'eon et Michel m’accompagneront et `a la sortie de prison de Fant^omas, ils pisteront le bandit qu’ils arr^eteront d`es qu’il sera en France et qu’ils am`eneront `a Saint-Calais au moment o`u j’y serai moi-m^eme conduit, en tant que Fant^omas, entre deux gendarmes, en ex'ecution de cette ordonnance d’extradition. Tout de m^eme, en a-t-il, de la chance, le petit tribunal de Saint-Calais. Si jamais on m’avait dit que ce serait dans sa modeste salle d’audience qu’auraient lieu les premiers interrogatoires du roi des criminels !
Mais brusquement, Juve s’interrompit :
— Et puis, zut, en voil`a assez, Fandor. Il est trois heures du matin, il est grand temps d’aller au lit.
11 – QUE VOULAIT LE D. 33 ?
L’un apr`es l’autre, tous les trois, le major, la sentinelle et le gardien de l’aile D, 'etaient arriv'es dans le petit vestibule aux allures de parloir mis'erable qui attenait au cabinet de M. Van den Goossen, directeur du bagne de Louvain.
Les trois hommes faisaient pi`etre figure.
La sentinelle qui, pour une fois, avait laiss'e ses armes au corps de garde et ne savait o`u mettre ses mains, soulevait perp'etuellement son k'epi pour se gratter le front.
Pr`es d’elle, les deux gardiens 'echangeaient des regards atterr'es d’abrutis.
— Quoi c’est qu’on t’a dit ? interrogea le major.
— Tout simplement que M. le directeur me demandait, qu’il voulait me parler au sujet du D. 33,
— C’est comme moi. On ne m’a pas donn'e d’autres explications.
La sentinelle s’approchait des deux hommes :
— Ah, bon Dieu de malheur, s’exclama le soldat, c’est tout de m^eme pas de veine que je n’aie pas pu le d'egringoler d’un coup de fusil.
— Oui, opinait le major, maintenant on n’aurait pas d’histoires. Tout se serait parfaitement pass'e, et m^eme tu toucherais demain matin la prime d’'evasion.
La porte du cabinet directorial s’ouvrait, M. Van den Goossen apparut en personne.
— Allons, entrez.
`A son invitation, les deux gardiens et le soldat p'en'etr`erent dans la pi`ece assez 'el'egante qu’'etait le bureau de M. Van den Goossen.
Le digne M. Van den Goossen se jeta sur un fauteuil dont les ressorts grinc`erent sous son poids. Il s’'ecria :
— Alors, maintenant les prisonniers font ce qu’ils veulent ! Ils grimpent sur les murs. Ils s’'evadent. Ils rentrent dans la prison. Ils en ressortent. Ils vont et viennent. En toute libert'e. C’est la nouvelle consigne ?