Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
Шрифт:
— Vous voyez, vous autres, que j’avais raison. John s’y conna^it sans doute, et il me croit, lui.
Sans r'epondre directement au fossoyeur, le faux cocher poursuivait, et cette fois il s’adressa directement `a Barnab'e, le fixant d’un regard singulier :
— On cite, dit-il, des morts qui sont revenus, et cela se produit surtout lorsque ceux-ci sont enterr'es de facon irr'eguli`ere ou criminelle. Oui, dans ces cas-l`a, les morts s’arrachent au repos pour venir troubler la paix des vivants.
Barnab'e se sentait devenir bl^eme, il se cramponna au comptoir de zinc et commanda, d’une voix tonitruante, qu’il voulait emp^echer de trembler :
— Eh l`a, le t^olier, verse-moi un autre verre de schnick et fous-moi quelque chose qui gratte. J’ai le gosier en pente et rugueux comme une passoire.
Cependant Barnab'e ne pouvait se distraire des sombres pressentiments qui le hantaient, car il lui semblait que les paroles du cocher John le concernaient directement. Il se souvenait en effet avec angoisse que les premi`eres apparitions du spectre avaient co"incid'e avec l’ensevelissement du cercueil n° 7, de la fameuse bi`ere o`u devait se trouver la d'epouille mortelle de Merc'ed`es de Gandia et dans laquelle il n’y avait eu que du sable.
Malgr'e ses appr'ehensions et l’ennui qu’il 'eprouvait `a parler d'esormais d’un tel sujet, Barnab'e allait poser au cocher John de nouvelles questions, lorsque l’attention fut soudain attir'ee par l’arriv'ee dans le cabaret d’une nouvelle cliente, d’une femme. Celle-ci ouvrit brusquement la porte et lanca un joyeux :
— Bonsoir, m’sieu dames.
— La Recuerda ! s’'ecria-t-on.
C’'etait en effet l’Espagnole qui p'en'etrait dans le bouge, elle 'etait anim'ee, souriante, ses beaux yeux noirs 'etincelaient.
Mort-Subite s’approcha d’elle, lui tendit sa grosse main velue, qu’elle serra cordialement.
— Voil`a longtemps qu’on ne t’avait vue !
La Chol'era insinua :
— Je croyais que tu t’'etais fait poisser par les flics.
D’autres approuv`erent en souriant.
— Vous ^etes des imb'eciles, cria la Recuerda, on ne m’a pas comme on veut. Pas plus les flics que les autres.
Et, avec d'esinvolture elle s’approcha du comptoir, commanda une grenadine au kirsch, en disant `a la cantonade :
— Il s’en trouvera bien un parmi vous pour me payer ce que je bois.
Fant^omas s’'etait recul'e et d'esormais consid'erait la superbe fille avec une extr^eme attention. Il observait son front, aux reflets bruns, aux lignes 'el'egantes, et constatait que chaque fois que la Recuerda s’animait, une veine qui le traversait en biais de haut en bas, se gonflait d’un sang bleu, faisant comme une balafre.
Fant^omas songeait perplexe :
— Ce n’est pas possible. Ce n’est pas possible. Pourtant il faut que je sache. Mais il importe pour cela qu’on m’ob'eisse. Oui, je r'eussirai.
Fant^omas, alors, se rapprocha de la Recuerda et lui jetant un regard en coulisse il annonca simplement :
— C’est moi qui paierai pour toi ce soir.
Le grand Bec-de-Gaz s’'etait lev'e, il vint pr`es du comptoir et d’une voix railleuse :
— N’emp^eche que chacun peut bien faire des boniments, dit-il, mais que nul n’a le culot de s’approcher du cimeti`ere.
La Recuerda r'epondit m'eprisante, hautaine :
— Parbleu, vous n’^etes pas des hommes, ni les uns ni les autres. Tous, vous avez les foies.
On ricana autour d’elle, mais nul ne releva le d'efi. Soudain, cependant, une voix dominait le murmure confus qui r'egnait dans la salle.
— Moi, je n’ai pas peur, avait affirm'e quelqu’un.
Ce quelqu’un c’'etait Fant^omas. Et il insista :
— Et si quelqu’un me met au d'efi, j’irai tout seul, et tout de suite encore.
La Recuerda le regarda d’un air satisfait. Mais incr'edule, elle lui lanca :
— Pas possible, tu blagues.
— Quelles sont les conditions ?
— Oh, moi, fit Mort-Subite, qui n’aimait gu`ere les paris d’argent, tu sais, nous autres, on est fauch'e. S’il s’agit de sortir du p`eze, moi, je ne marche pas.
Fant^omas le regardait :
— Vous avez pourtant l’air cossus les uns et les autres et je crois que depuis quelques jours vous ^etes tous pleins aux as.
Ces propos d'etermin`erent une certaine stupeur dans l’assistance. Le cocher John avait touch'e juste. Les apaches, en effet, avaient de l’argent qui leur provenait du vol `a l’esbroufe, si merveilleusement organis'e par la Recuerda `a la Maison d’Or. Pourquoi John parlait-il de cela ? N’'etait-il pas plus ou moins policier ?
— Pour me r'ecompenser de traverser le cimeti`ere, expliqua John, je ne demande qu’un baiser de la Recuerda.
— Ca, s’'ecria la Chol'era, c’est jet'e ! Voil`a un homme s qui sait la mani`ere de s’adresser aux femmes.
On applaudissait `a l’attitude du cocher John, cependant que la Recuerda, tout heureuse d’^etre l’objet d’une d'emarche aussi flatteuse, rougissait de satisfaction.
— Entendu, d'eclara-t-elle, que John tienne sa promesse et je tiendrai la mienne.
Dix minutes apr`es, la bande des apaches qui venaient de quitter le Picolo, s’acheminait silencieusement par petits groupes en direction du cimeti`ere. Ils travers`erent la rue Caulaincourt, puis descendirent la rue de Maistre, qui longe le mur du cimeti`ere. C’est par ce mur que le cocher John avait d'ecid'e d’entrer dans le cimeti`ere, il devait en sortir de l’autre c^ot'e du pont, tout `a c^ot'e de l’avenue Rachel. Mais, au fur et `a mesure que l’on se rapprochait du point de d'epart de l’exp'edition qu’allait tenter le parieur, celui-ci semblait plus h'esitant, moins d'ecid'e.