Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Et si jamais tu parles de l’affaire de la Maison d’Or, gare `a ta peau.
Cependant, au milieu de la foule, le baron Stolberg – car c’'etait bien lui – venait d’apercevoir la Recuerda. Il avait entendu les propos tenus par Delphine Fargeaux, et ceux-ci n’avaient pas 'echapp'e d’ailleurs aux agents de la S^uret'e qui se rapproch`erent de la Recuerda, et peut-^etre allaient-ils intervenir, quand l’Espagnole comprit ce dont il s’agissait ; elle eut peur, devint p^ale. Un bras se passa sous le sien, un bras qui l’attirait. La Recuerda tout d’abord, r'esista, mais elle reconnut le baron Stolberg :
— Je vous emm`ene, fit-il `a voix basse, vous n’avez pas un instant `a perdre si vous ne voulez pas ^etre arr^et'ee, venez.
— Mais qui ^etes-vous ? Que voulez-vous ?
— Je veux votre bien, r'epondit le baron, qui ajouta : qui je suis ? regardez :
Et en m^eme temps, l’homme du monde faisait miroiter sous les yeux de l’Espagnole la bague qu’il portait `a l’auriculaire : c’'etait l’anneau qu’elle avait pass'e au doigt de ce personnage, `a la Maison d’Or.
Interdite, troubl'ee par les extraordinaires 'ev'enements qui se succ'edaient sans qu’elle y compr^it grand-chose, la Recuerda se laissa entra^iner par le baron Stolberg. Tous deux firent quelques pas `a pied, rapidement, puis, `a un signe de son compagnon, une automobile de grand luxe surgit devant eux, le baron y fit monter la Recuerda.
— O`u sommes-nous ? demanda l’Espagnole de sa voix redevenue calme.
La Recuerda s’'etait laiss'e conduire, et l’automobile avait roul'e longtemps, puis s’'etait arr^et'ee dans une rue, ou pour mieux dire un boulevard fort large, mais tr`es d'esert. Elle avait suivi son myst'erieux ravisseur sous une vo^ute sombre, mont'e avec lui un escalier, et elle se trouvait `a pr'esent dans un petit salon tout garni d’'epaisses tentures, meubl'e avec confort et go^ut.
Depuis le d'epart, le compagnon de la Recuerda n’avait pas prononc'e une parole. L’Espagnole reprit, avec une nuance d’impatience :
— O`u sommes-nous ? Je veux savoir.
Enfin, le baron Stolberg, se rapprochant d’elle et la fixant d’un air singulier, d'eclara :
— Vous ^etes ici chez moi, dans mon appartement, `a l’entresol. J’habite boulevard Malesherbes. Cette pi`ece est d'elicieuse, car on y est tranquille. Tout y est calfeutr'e de tous c^ot'es. Il est impossible que le moindre bruit puisse ^etre entendu de l’ext'erieur.
Que signifiaient ces 'etranges paroles ? Pourquoi cet homme insistait-il sur les qualit'es particuli`eres de son appartement ? Soudain, elle tressaillit. Elle venait de regarder la main gauche de son h^ote, et il lui semblait que celle-ci 'etait tach'ee de sang.
— Vous ^etes bless'e ?
Le baron Stolberg, instinctivement, dissimulait son bras sous l’un des pans de son habit.
— Ce n’est rien, fit-il, ou peu de chose, c’est tout `a l’heure 'evidemment.
La Recuerda, d'ej`a, avait rapproch'e la blessure de cet homme des taches de sang que l’on avait remarqu'ees quelques instants auparavant sur le pardessus jaune du cocher John.
Qu’'etait-il devenu celui-l`a ? Comment se faisait-il qu’on ne l’avait point retrouv'e dans le cimeti`ere ?
Plus elle r'efl'echissait, plus la Recuerda sentait grandir ses appr'ehensions. Elle se rendait compte que, depuis quelques jours, depuis quelques heures surtout, elle se d'ebattait au milieu de choses incompr'ehensibles. Son interlocuteur, qui demeurait immobile devant elle, soudain l’interpella en souriant :
— Oh, oh, fit-il, d’une voix aimable, je ne m’attendais certes pas `a un aussi gracieux spectacle. Continuez, je vous prie.
La Recuerda devint furieuse, et elle se rendait compte de ce qui lui valait ce compliment. La jeune femme, oubliant sans doute qu’elle n’'etait pas seule, venait de relever sa jupe et d'ecouvrait une jambe d'elicate, nerveuse, bien faite, moul'ee dans un 'el'egant bas noir. Elle rougit, puis se redressant soudain, elle r'epliqua, alors que son interlocuteur lui demandait :
— Que faites-vous donc ? que cherchez-vous ?
— Ce que je cherche ? d'eclara fi`erement l’Espagnole, ma navaja.
Et, de sa jarretelle, la Recuerda d'etacha le long couteau `a la lame fine, `a l’acier bruni, `a la pointe ac'er'ee. Son interlocuteur souriait toujours :
— Charmant spectacle, d'eclara-t-il, qui commencait tr`es bien et qui finit fort mal. Vous avez une bien jolie jambe, et un fort vilain couteau. Que comptez-vous donc faire de ce dernier ?
Les yeux de la Recuerda brill`erent de col`ere :
— Ce que je compte faire ? r'epliqua-t-elle, me d'efendre au besoin, attaquer s’il le faut. D’ailleurs, il est temps que cela finisse. Je vous ai suivi avec confiance, vous m’avez tir'ee d’un mauvais pas, mais il importe maintenant que vous me fassiez conna^itre vos intentions et que je sache `a qui j’ai affaire. Quel est votre nom ?
— Voil`a qui est parl'e, d'eclara le baron Stolberg, `a qui l’attitude de l’Espagnole ne d'eplaisait certes pas. J’aime, poursuivit-il, les femmes courageuses comme vous, et j’imagine cependant que lorsque vous saurez mon nom vous regretterez peut-^etre de me l’avoir demand'e.
— Je n’ai jamais eu peur, d'eclara la Recuerda. Vous pouvez vous nommer. Je ne broncherai pas.
Le baron murmura toujours souriant, et regardant fixement la Recuerda :
— Bien, tr`es bien, parfait.
Et, changeant brusquement d’attitude, il recula d’un pas, d’un geste large, il d'epouilla son visage de sa barbe, de sa chevelure. D`es lors, apparut un homme `a la silhouette superbe et terrifiante, un ^etre aux traits 'energiques, au regard percant, aux l`evres volontaires. La Recuerda s’'etait recul'ee, c’'etait l`a une silhouette qu’elle avait d'ej`a eu l’occasion de voir, de contempler, d’admirer m^eme, dans les circonstances les plus diverses, les plus tragiques. Tout derni`erement encore, `a l’Escurial, n’avait-elle pas failli tuer Fant^omas qui n’avait 'et'e sauv'e de son arme que gr^ace `a l’intervention de J'er^ome Fandor ? L’Espagnole s’'ecria :