Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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« J’'etais seule `a le savoir ! Or, n’as-tu pas profit'e de cette circonstance et de cet incident absolument impr'evu pour affirmer que tu t’'etais couch'e ? Tout le monde t’a cru, moi seule je savais… Je sais que c’'etait un mensonge… et c’est pour cela que j’ai peur de toi !
L'eon Drapier 'etait devenu tr`es p^ale. Il interrogea, faisant sa voix aussi douce que possible :
— Pourquoi as-tu peur de moi `a ce propos ?
M me Drapier eut un rire de folle.
— Parce que les criminels, lorsqu’ils se sentent d'ecouverts, cherchent `a faire dispara^itre tous les t'emoins de leur crime. Tu es au courant, tu sais que je connais la v'erit'e, tu as cherch'e `a me tuer pour m’obliger `a me taire !
Accabl'e, L'eon Drapier prenait sa t^ete dans ses mains :
— Mon Dieu, mon Dieu ! balbutia-t-il, tout m’accable, d'ecid'ement… Quand je pense que ma femme elle-m^eme en est `a m’accuser, `a me croire coupable !… Non, non !… C’est trop horrible !… Je ne peux plus lui cacher la v'erit'e, il faut que je lui dise, elle me pardonnera !
L'eon Drapier s’'etait remis `a genoux devant sa femme.
— Eug'enie !… Eug'enie !… supplia-t-il, si je suis un mari coupable, ce n’est pas dans le sens que tu crois ! Si j’ai commis une faute, elle n’est pas comparable `a celle que tu me reproches. J’ai pu ^etre l'eger, inconscient `a ton 'egard, mais je ne suis pas un criminel, ce n’est pas moi qui ai assassin'e le valet de chambre Firmain, pour cette bonne raison que, depuis la veille au soir, j’avais quitt'e la maison et que j’'etais ailleurs ! J’ai appris le drame horrible qui s’'etait pass'e quand je suis rentr'e rue de l’Universit'e, le lendemain matin, lorsqu’on est venu me chercher `a l’h^otel des Monnaies.
« C’est pour cela que tu as trouv'e mon lit non d'efait, et c’est pour cela que j’'etais oblig'e de dire que je n’avais rien entendu des bruits qui t’avaient surpris dans l’appartement, pour cette bonne raison que je n’y 'etais pas !
— O`u 'etais-tu donc ? ajoutait M me Drapier, qui semblait n’'ecouter qu’avec m'efiance le r'ecit de son mari.
L'eon Drapier h'esitait.
— 'Ecoute, fit-il. Lorsque, dans la soir'ee qui pr'ec'eda la matin'ee tragique, je vis pour la premi`ere fois ce domestique que tu avais engag'e, j’eus un pressentiment qu’h'elas rien ne justifiait. Cet homme, nous l’avons remarqu'e ensemble, tu en as convenu toi-m^eme, n’avait pas l’air d’un domestique ordinaire. Je l’ai pris pour un espion, pour un mouchard, comprends-tu ?
— Je ne comprends rien ! articula M me Drapier, dont le visage stup'efait disait qu’elle exprimait la v'erit'e.
— Tu ne peux pas comprendre, en effet, reconnut L'eon Drapier. Pourtant, voici ce que j’ai fait. J’imaginais que, d’accord avec la tante Denise, tu me faisais suivre, 'epier, que tu voulais conna^itre mon existence priv'ee, savoir…
— Savoir quoi ?
— Eh parbleu ! hurla L'eon Drapier, savoir que j’avais une ma^itresse !… et pourquoi je d'ecouchais si souvent !
Le visage de M me Drapier devint livide.
Sa poitrine se souleva, un sanglot monta dans sa gorge, cependant que ses yeux se r'evulsaient, ses poings se crispaient sur la soie du fauteuil dans lequel elle 'etait assise.
— Une ma^itresse ! articula-t-elle enfin. Il avait une ma^itresse ! Ah mon Dieu !… mon Dieu !… C’est 'epouvantable, c’est affreux, tout s’'ecroule, mon bonheur, ma vie bris'ee !
Elle balbutiait, quelque temps encore, des paroles indistinctes. Des larmes ti`edes coulaient lentement le long de ses joues.
L'eon Drapier, cet aveu effectu'e, se sentait plus tranquille, plus calme. Il s’attendait `a une explosion de col`ere de la part de sa femme, il n’en 'etait rien.
Eug'enie Drapier, toutefois, insista `a nouveau.
Elle scrutait du regard son mari, puis lentement, le fixant dans les yeux, elle articula :
— Ce n’est pas vrai, tu n’as pas de ma^itresse !… Tu mens en pr'etendant que tu es all'e te coucher chez cette femme, la nuit du crime… Je suis s^ure que tu as tu'e Firmain, et ce n’est pas tout, ce ne doit pas ^etre ton seul meurtre !
— Elle est folle ! hurla L'eon Drapier.
— Je ne suis pas folle ! interrompit sa femme. Regarde au surplus tes mains pleines de sang, ton visage taillad'e de cicatrices qui saignent encore. Tes v^etements d'echir'es !… Qu’est-ce que tout cela signifie ? Il faut que je sache, parle !
L'eon Drapier haussait les 'epaules.
— Ma pauvre Eug'enie, fit-il, tais-toi, au nom du ciel ! Tais-toi et 'ecoute !… Je vais te dire ce qui s’est pass'e. Ces 'ecorchures, ces cicatrices, je viens de me les faire dans l’h^otel des Monnaies, alors qu’en compagnie de Mix, nous cherchions dans les caves `a d'ecouvrir le myst'erieux voleur de pi`eces d’or.
« Afin de passer inapercus du personnel parmi lequel nous croyons que se trouve le coupable, nous nous sommes introduits en cachette dans l’h^otel des Monnaies. Nous avons grimp'e sur les toits `a la mani`ere des cambrioleurs et des acrobates. Je n’ai pas l’habitude de ces choses. Je me suis bless'e `a plusieurs reprises, le sang qui souille mes mains et mon visage, c’est mon sang `a moi, c’est bien mon sang, non pas celui d’un autre…
Eug'enie Drapier haletait `a ces paroles, elle r'ep'eta :
— C’est bien ton sang… Tu n’as pas tu'e ?
— Je n’ai pas tu'e !
— Tu me le jures ?
— Je te le jure, sur ce que j’ai de plus sacr'e au monde !
D’une voix sifflante, M me Drapier articulait alors :
— Sur ce que tu as de plus sacr'e et de plus cher, sur la t^ete de ta ma^itresse ?
— Non, fit tristement L'eon Drapier, ma pauvre femme !
Mais d'esormais, le directeur de la Monnaie s’arr^etait de parler et demeurait atterr'e, stup'efait.