Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Sa femme, qui jusqu’alors semblait larmoyante, plut^ot terrass'ee par le chagrin que surexcit'ee par la col`ere, venait de se dresser brusquement.
Ses traits se contractaient, des flammes sombres s’allumaient sous ses prunelles et tout son corps tremblait de col`ere.
— Mis'erable ! hurla-t-elle. ^Etre inf^ame !… immonde ! Canaille, oui, canaille !… Oh, c’est honteux !… honteux !… l^ache, indigne… de m’avoir tromp'ee comme tu l’as fait !… C’est abominable de t’^etre jou'e de moi !… Depuis que nous sommes mari'es… Odieuse com'edie du mensonge et de duplicit'e !… Et moi qui t’aimais tant !
Elle r'eprimait un sanglot, maintenant son coeur, qui battait dans sa poitrine, sous l’effort de ses mains glac'ees, puis elle reprit :
— J’aurais peut-^etre pardonn'e le crime, mais jamais, au grand jamais, je ne pardonnerai la trahison inf^ame qui fait que tu as donn'e ton coeur, ton amour, `a une autre qu’`a moi !…
Elle semblait une furie. Hors d’elle-m^eme, elle hurla encore :
— Son nom ? Comment est-elle cette femme ? Je veux la voir… Je veux lui parler… Je l’arracherai `a toi !… Je te reprendrai !
Bravement, d’une voix sifflante, L'eon Drapier articula :
— Elle n’est plus… Elle est morte… Elle s’appelait Paulette de Valmondois !
`A ces mots, il sembla que la col`ere d’Eug'enie Drapier tombait soudainement. Et tout d’un coup, la femme pieuse qu’elle 'etait se releva, reprit le dessus.
Eug'enie Drapier s’'etait tue subitement, elle se signa et articula :
— La malheureuse ! La paix soit avec elle !
Et, d`es lors, l’'epouse outrag'ee se laissait choir sur le fauteuil qu’elle venait de quitter, elle se prit la t^ete entre les mains, r'efl'echit longuement.
L'eon Drapier n’osait troubler son silence, il restait devant elle, atterr'e.
Eug'enie Drapier reprit enfin :
— Je me souviens avoir lu le dramatique d'ec`es de cette malheureuse. Les journaux en ont parl'e, je sais ce qui s’est pass'e.
« L'eon, il va falloir 'ecouter la voix de ta conscience, car quelque indigne qu’ait 'et'e cette femme, c’'etait une cr'eature humaine, une cr'eature de Dieu… Elle ne t’aurais point connu que peut-^etre elle ne serait point morte…
L'eon Drapier protestait, indign'e :
— Mais je ne comprends pas ce que tu veux dire ! Je n’y suis pour rien !… En aucun cas…
M me Drapier se levait.
Cette sc`ene tragique avait dur'e fort longtemps, et d'ej`a l’aube p^ale 'eclairait de ses rayons blafards l’int'erieur de cette chambre `a coucher o`u venait devoir lieu la tragique altercation.
Eug'enie Drapier, d'esormais raide comme un automate, 'etait all'ee dans le cabinet de toilette voisin.
Elle ouvrait une grande armoire, en sortait un v^etement sombre, un manteau qu’elle jetait sur ses 'epaules. Avec des gestes machinaux, elle prenait sur une 'etag`ere un carton dont elle extrayait un chapeau qu’elle ajustait h^ativement sur sa chevelure, dont l’ordonnance 'etait quelque peu d'efaite, puis elle revint dans la chambre o`u 'etait rest'e son mari 'ecroul'e sur le sol, en proie, non point `a la plus grande agitation, mais `a la stup'efaction la plus profonde.
`A cet homme qui 'etait terrass'e, qui demeurait inerte, Eug'enie Drapier d'eclara d’un ton calme, net et pr'ecis :
— Je m’en vais, adieu !
L'eon Drapier la consid'era d’un air 'egar'e.
— Vous partez, dit-il, pourquoi ?
— Parce que, d'eclara nettement Eug'enie Drapier, tout est irr'em'ediablement fini entre nous. Ne croyez pas que j’agis `a la l'eg`ere ; si j’ai pris cette d'ecision rapidement, elle est en tout cas profond'ement enracin'ee dans mon coeur, rien au monde ne pourrait me faire modifier ma facon d’agir !
— Vous quittez votre demeure ? interrogea encore L'eon Drapier, dont la voix se couvrait de sanglots, vous quittez votre mari ?…
D'ej`a Eug'enie Drapier 'etait sur le pas de la porte. Il semblait que c’'etait une autre femme, son visage affectait une impassibilit'e absolue, ses yeux ne regardaient plus, ils 'etaient, semblait-il, perdus dans un r^eve lointain et on avait l’impression que cette femme, d'esormais, 'etait insensible `a tout ce qui se passait autour d’elle, qu’elle poursuivait un but, une id'ee fixe…
Mais quel 'etait ce but ?
Quelle 'etait cette id'ee fixe ?
L'eon Drapier, qui n’avait pas encore pu croire `a la d'ecision de sa femme, bondit soudain en la voyant pr`es de la porte.
— Non ! non ! hurla-t-il. Je ne veux pas que vous partiez ! Restez, je vous en supplie ! Sans doute j’ai des torts effroyables `a votre 'egard, mais je me repens… `A tout p'echeur mis'ericorde ! Eug'enie, je vous en supplie, soyez bonne… Pardonnez !…
La voix s`eche et glaciale d’Eug'enie r'etorquait :
— Pour la derni`ere fois, L'eon Drapier, je vous dis ceci : vous avez fait `a mon coeur la blessure la plus ingu'erissable qu’il soit possible de faire `a un coeur comme le mien. Duss'e-je vivre cent ans, je souffrirai toujours comme je souffre aujourd’hui.
« Il n’est pas de pardon possible entre nous, rien ne saurait vous arracher mon pardon !
— Eug'enie !… Eug'enie ! clamait d'esesp'er'ement L'eon Drapier.
Mais c’'etait en vain ; sa femme venait de se retirer, elle refermait doucement la porte de la chambre dans laquelle le malheureux homme demeurait abasourdi.
L'eon Drapier, se tra^inant sur le tapis, g'emissant, sanglotant, 'ecouta…
Le bruit des pas de sa femme allait en s’'eloignant. Il entendit qu’elle parcourait la galerie.