Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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Juve avait redress'e la t^ete :
— Qui est-ce donc ce monsieur Dominet ? demanda-t-il.
— Le secr'etaire de la Chambre des notaires.
Mais le directeur du Comptoir National n’avait pas fini de parler, que, brusquement, M e Masson se redressait comme mu par un ressort, sur les coussins de la voiture :
— Vous dites ?
— Je dis, reprit tranquillement M. de Parcelac, que j’ai donn'e hier l’empreinte du cachet `a M. Dominet, votre secr'etaire.
— C’est faux ! hurla M e Masson. Il n’y a pas de secr'etaire de la Chambre des notaires qui s’appelle Dominet. Je ne connais m^eme pas ce nom-l`a.
— Ce Dominet, monsieur de Parcelac, je ne le connais pas moi, dit le policier, mais j’ai dans l’id'ee qu’il doit ^etre grand, fort, puissant, voix 'energique, homme du monde ?
— En effet, approuva avec surprise le directeur du Comptoir National, le portrait serait juste si vous ajoutiez que son visage…
— Le visage n’a pas d’importance, un visage, cela se change, dit Juve.
Le taxi-auto s’arr^etait devant la porte de l’H^otel-Dieu.
***
Un interne se trouvait au pied du lit des deux malades.
— Eh bien ? interrogeait Juve en entrant, comment vont-ils ?
L’interne, surpris, se retourna :
— Qui ^etes-vous donc ?
Juve fit rapidement les pr'esentations :
— M. de Parcelac, directeur du Comptoir National, M e Masson, pr'esident de la Chambre des notaires, moi-m^eme, l’inspecteur Juve.
Au dernier nom, la figure de l’interne s’'eclaira :
— Ah, parfaitement ! Enchant'e.
Et l’interne donna des d'etails :
— Ces deux hommes semblaient avoir 'eprouv'e une commotion violente. En somme, rien de grave, deux jours de repos et ils seront sur pied. En ce moment, vous le voyez, ils dorment, ils semblent m^eme dormir sous l’influence d’un narcotique. Je ne serais pas 'etonn'e que du chloroforme…
— Il n’y a pas moyen de les interroger ? demanda Juve.
L’interne sourit :
— C’est contraire au r`eglement, mais je pense, qu’en faveur de l’inspecteur Juve…
— Non, reprit le policier, ce qu’il faut d’abord savoir, c’est si cela ne risque pas de fatiguer ces malheureux.
— Si je craignais un risque pareil, je ne serais point dispos'e `a violer les r`eglements, monsieur Juve. Il n’y a aucun inconv'enient `a h^ater le r'eveil, sinon que le moyen `a employer co^utera quelques deniers suppl'ementaires `a l’Assistance publique.
— Mais nous paierons les frais, dit M. de Parcelac.
— Alors, rien ne s’oppose `a une tentative dans ce sens.
L’interne sonna, murmura quelques mots `a l’oreille d’un infirmier accouru en h^ate, qui, quelques instants plus tard, r'eapparaissait, porteur d’une petite fiole qu’il remit `a l’interne.
— Monsieur Juve, appela le jeune m'edecin, venez pr`es de moi. Messieurs, reculez-vous, au contraire, pour que votre vue n’impressionne pas les malades.
Et l’interne continuait :
— Cette fiole contient un excitant fort actif. Je vais r'eveiller l’un de ces deux hommes. Il est probable que le r'eveil sera total pendant quelques instants, six ou sept minutes, peut-^etre, et qu’ensuite un engourdissement nouveau reprendra, pour ne s’effacer qu’au moment du r'eveil d'efinitif, dans deux ou trois heures peut-^etre. Vous ferez bien, monsieur Juve, de ne poser que les questions principales. ^Etes-vous pr^et ?
— Je suis pr^et.
D’un geste sec, l’interne d'eboucha son flacon, le glissa sous les narines de l’un des deux malheureux garcons de banque.
Or, `a peine la fiole 'etait-elle d'ebouch'ee, `a peine le malade en avait-il respir'e les premi`eres 'emanations, qu’un mieux sensible se manifestait dans son 'etat.
Son front se colora, ses yeux battirent, les l`evres, serr'ees jusqu’alors, s’entrouvrirent l'eg`erement.
— Voil`a le r'eveil, annonca l’interne.
Quelques secondes pass`erent, pendant lesquelles, dans la petite chambre d’h^opital, on e^ut entendu une mouche voler, puis le garcon de banque parut revenir `a la vie, ouvrit les yeux, consid'era avec stupeur le lit sur lequel il se trouvait, la chambre o`u il 'etait, les visages de Juve et de l’interne.
— O`u suis-je donc ?
L’interne fit signe `a Juve de r'epondre :
— Vous ^etes bien tranquille dans un bon lit, l`a o`u l’on vous soignera, r'epondit Juve, et demain vous serez gu'eri, aussi bien portant qu’hier.
Or, `a ces mots, une angoisse crispait la face p^ale du pauvre homme.
— C’est vrai, murmura-t-il, je suis bless'e, malade. Ah, mon Dieu ! Je me souviens.
Il frissonna.
— Calmez-vous, n’ayez aucune crainte, vous ^etes sauv'e. Dites-nous seulement ce qui s’est pass'e. En avez-vous la force ?
— C’est vrai, il m’est arriv'e des choses. Ah oui ! Oh, je me souviens. C’est affreux.
Il se tut une seconde, puis, ayant l’air d’'evoquer une vision d’horreur, poursuivit :
— En descendant `a la Chambre des notaires, deux hommes… deux garcons de banque comme nous… Dans l’escalier… Ils se sont jet'es sur Th'eophile et moi… Th'eophile, o`u est-il ?
— `A c^ot'e de vous, bien portant. Ne vous inqui'etez pas de lui. Alors, ces deux hommes, qu’ont-ils fait ?