Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Tiens, une automobile ! J’entends ronfler le moteur. C’est m^eme lui qui m’a r'eveill'e. Ah, mais, ca doit m^eme ^etre une assez forte voiture, elle grimpe la c^ote et l’on croirait bien que le conducteur n’a pas chang'e de vitesse.
Fandor ne pr^eta pas grande attention `a l’arriv'ee de cette voiture. Il allait m^eme se pr'ecipiter, en affam'e, sur les provisions qui lui restaient de son si`ege de deux jours, lorsque soudain, il lui sembla que le v'ehicule ralentissait, tout comme si le conducteur e^ut voulu stopper devant la maison des Ricard :
— Oh, oh, pensa le journaliste, est-ce que ca serait l’incident ?
Quelques secondes pass`erent, le grincement d’un coup de frein, le grondement d’un moteur d'ebray'e avertirent Fandor qu’il avait suppos'e juste, que la voiture venait de s’immobiliser devant la facade de la maisonnette.
— Que faire ? pensa le journaliste.
Il h'esitait `a se rapprocher, lorsque, tr`es nettement, dans l’air calme de la matin'ee, un appel retentit.
La voix de Fernand Ricard criait, venant du jardin sans doute :
— Alice, Alice, o`u es-tu ?
Le journaliste vit la jeune femme se lever, s’appuyer `a la barre d’appui de sa fen^etre.
— Dans le salon ! Qu’est-ce que tu veux ?
— Descends tout de suite, Prends un chapeau et descends. C’est urgent !
`A cet instant, J'er^ome Fandor sortit de sa cabane avec pr'ecipitation.
— Que faire ? se demandait le journaliste. Qu’est-ce qui se passe ? On dirait, sacr'e mille bon sang, que Fernand Ricard parle avec une 'emotion contenue. Sa voix tremble. Parbleu, une automobile qui arrive, Fernand Ricard qui appelle sa femme, Juve qui m’a dit :
Fandor ne prit m^eme pas le temps de ramasser ses cigarettes.
Son chapeau `a la main, courant aussi vite qu’il le pouvait, et se moquant pas mal des dommages qu’il pouvait ainsi causer `a ses fameuses chaussures jaunes, le journaliste se pr'ecipitait vers la route.
— Il faut que je voie le bonhomme qui est dans la voiture, se disait Fandor.
H'elas ! `a l’instant m^eme, o`u le journaliste arrivait sur le bord de la route, il apercevait l’automobile d'emarrant devant la maison des Ricard, gagnant de vitesse. En quelques m`etres c’'etait `a toute allure qu’elle passait devant lui.
— Nom de Dieu ! hurla le journaliste. Je suis jou'e, ils foutent le camp.
***
Que s’'etait-il pass'e dans la maisonnette des Ricard au moment o`u l’automobile myst'erieuse avait d'ebouch'e sur la grand-route ?
Fernand Ricard 'etait tout simplement install'e dans le jardin, occup'e `a rattacher `a leur tuteur les rosiers auxquels il tenait beaucoup. Le courtier, tout comme Fandor, entendit le ronflement de l’automobile et se retourna pour l’apercevoir.
Fernand Ricard alors, s’affaira.
La voiture brusquement arr^et'ee par un coup de frein brutal, fit d'eraper les roues et crier tout le m'ecanisme en s’immobilisant `a la porte. Un homme, le conducteur, le seul passager d’ailleurs, l^acha alors le volant, sauta `a terre, entra dans le jardin.
Cet homme 'etait glabre, avait un masque d’'energie, des yeux extraordinairement percants, le geste bref, autoritaire.
— Vite, Ricard, ordonnait-il, o`u est votre femme ?
— Mais qui ^etes-vous ?
— Je vous le dirai tout `a l’heure. Vite. Ob'eissez ! Appelez-la. Votre salut est une question de minutes. Allons ! Appelez-la, vous dis-je ! Je vous emm`ene !
Fernand Ricard ne songea m^eme pas `a r'esister.
— Alice, cria-t-il, vite, vite !
Alice Ricard 'etait, une seconde apr`es, aux c^ot'es de son mari.
— Montez, cria l’'enigmatique visiteur, poussant les 'epoux dans sa voiture, montez ! Pas un mot, pas un cri, je suis l`a pour vous sauver.
Une minute apr`es son arriv'ee, moins peut-^etre, l’automobile d'emarrait.
L’homme glabre, visiblement un virtuose du volant, passa les vitesses avec une habilet'e consomm'ee. En dix m`etres, l’automobile 'etait lanc'ee, le moteur reprenait franchement, la voiture semblait voler sur la route.
C’est `a cet instant que l’automobile croisa Fandor arrivant sur le bord du chemin.
— Il 'etait temps, grommela le conducteur.
Mais son pied s’appuyait sur la p'edale de l’acc'el'erateur, la voiture augmentait encore la vitesse. Elle fila dans un ronronnement de moteur.
Que pensaient `a ce moment les 'epoux Ricard ?
Assis sur la derni`ere banquette du v'ehicule, serr'es l’un contre l’autre, tremblants, effar'es, fous de saisissement et de peur, ils n’'echang`erent qu’un mot :
— C’est lui, dit Alice Ricard.
— Oui c’est lui, r'epondit le courtier.
Et tous deux avaient d'esign'e l’homme qui tenait le volant.
Alors, ce fut une course insens'ee qui emporta la voiture.
Pendant plus d’une grande demi-heure, marchant aussi vite qu’il le pouvait, prenant les virages `a la corde, d'erapant sur la route boueuse, se r'ev'elant conducteur consomm'e, l’homme glabre forcait l’allure.
On passa Gaillon, c’est seulement apr`es avoir franchi la c^ote c'el`ebre, apr`es avoir obliqu'e ensuite dans la for^et voisine, que l’homme ralentit sa marche. La voiture 'etait peu apr`es engag'ee dans un petit chemin d'esert. Le moteur brusquement cessa de bourdonner. Les freins cri`erent. Dans un choc, l’automobile s’arr^eta.
L’homme, alors, bondissant de son si`ege, ouvrit la porti`ere et ordonna s`echement `a Alice et Fernand Ricard :
— Descendez et causons.