Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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Le praticien s’'etait d'ej`a empress'e. Il avait rapidement coup'e la corde. Le corps du notaire s’'etait affal'e sur le sol. `A genoux pr`es de celui-ci, il avait la t^ete sur sa poitrine.
— Tout est fini, d'eclara-t-il.
— Assur'ement, r'epliqua Juve, c’est la premi`ere des choses dont je me suis assur'e en entrant, je ne vous aurais pas attendu sans cela pour couper la corde.
Il y avait quelque ironie dans les paroles de Juve. Le m'edecin redressa la t^ete :
— Pardon, dit-il, mais `a qui ai-je l’honneur de parler ?
— Au policier Juve.
— Ah tr`es bien, ah pardon !
Le nom c'el`ebre produisait encore une fois son effet. L’attitude du docteur changea. Il salua vaguement, de la t^ete, le procureur de la R'epublique et le juge d’instruction qu’il connaissait de vue, puis se retournant vers Juve :
— Monsieur, je suis `a votre disposition. Pourquoi m’avez-vous fait mander ?
— Pour vous demander, docteur, si vous pouvez d'ecouvrir exactement les causes de la mort ? J’ai fait une remarque tout `a l’heure, en examinant le cadavre, qui m’a vivement int'eress'e. Je serais heureux de vous l’entendre confirmer.
— Quelle est cette remarque ? demanda le docteur.
— Je pr'ef`ere ne point vous en avertir et vous la laisser faire `a votre tour.
— Soit.
Sans d'ego^ut et sans horreur, avec l’indiff'erence parfaite qu’ont les gens accoutum'es `a vivre avec la mort, le m'edecin avait soulev'e le corps de M e Gauvin.
Il se penchait sur la face violac'ee, il examinait soigneusement les chairs du cou meurtries, puis, ayant palp'e la gorge, soigneusement, longuement, il demanda :
— Je crois que je devine votre remarque… Vous avez not'e, sans doute, d’apr`es la position de la t^ete – tout `a l’heure elle 'etait renvers'ee sur le dos – que la mort 'etait venue non point par asphyxie, par strangulation, mais au contraire par dislocation des vert`ebres.
Juve, `a ces mots, se mordait les l`evres :
— Oui, c’est cela, fit-il.
Et il jeta un regard triomphant aux deux magistrats qui, d’ailleurs, ne semblaient pas comprendre. Le m'edecin lui, `a cet instant, r'efl'echissait :
— Il n’y a pas de doute, r'ep'eta-t-il, les vert`ebres sont bris'ees, ce pendu a forc'ement d^u sauter de tr`es haut pour se pendre.
— Non, r'epliqua Juve, il est tomb'e de cette chaise basse.
Mais `a ces paroles, le m'edecin protesta :
— C’est impossible, dit-il. Si le pendu 'etait mont'e sur cette chaise basse et l’avait simplement renvers'ee, il serait mort 'etouff'e, 'etrangl'e, asphyxi'e. Or, les vert`ebres, comme vous l’avez remarqu'e, monsieur, par la position de la t^ete, sont absolument disloqu'ees. Le mort est tomb'e de haut.
Juve lentement r'epondit :
— Il y a une autre explication, docteur, dit-il, et je pense que votre science ne la d'ementira point. Le mort ne s’est pas pendu. Il a 'et'e pendu. Quelqu’un, de force, l’a attach'e `a cette corde, quelqu’un qui a imagin'e la mise en sc`ene de la chaise renvers'ee. Quelqu’un qui avait int'er^et `a voler des papiers ici.
— Mais cela n’explique pas, interrompit le docteur, la dislocation des vert`ebres.
— Monsieur, r'epliquait Juve, voici ce qui s’est pass'e. On a pendu ce malheureux. Quand il a 'et'e pendu, comme il ne mourait pas assez vite, on l’a saisi par les pieds, on s’est accroch'e `a lui, on a pes'e sur son cadavre de tout son poids. C’est l’effort de l’assassin qui a rompu les vert`ebres. La dislocation de ces vert`ebres, ce n’est pas seulement la cause de la mort, c’est encore et c’est surtout la preuve irr'efutable de l’assassinat.
25 – DE VERNON `A BORDEAUX
Juve, apr`es cette enqu^ete, sortit de l’'etude du malheureux notaire, et, `a pas press'es, remonta les faubourgs de la ville pour arriver devant une maisonnette d’apparence coquette et confortable, la villa des Ricard.
Le policier estimait, `a l’heure actuelle, qu’il devenait de toute urgence de voir les myst'erieux 'epoux, de les interroger et de savoir quel r^ole, au juste, ils avaient jou'e dans toutes ces aventures tragiques.
— C’est l`a, se disait-il, que j’obtiendrai assur'ement de nouveaux renseignements. Il faut que je voie les Ricard, que Fandor d’ailleurs doit pister `a l’heure actuelle.
Juve, en effet, en 'etait venu `a se demander si r'eellement Baraban n’'etait pas mort, car il imaginait que, seulement dans ce cas, Fant^omas pouvait oser se substituer `a lui.
Une autre hypoth`ese se formait 'egalement dans son esprit. Baraban 'etait-il r'eellement revenu, et se trouvait-il actuellement `a Vernon, alors que Fant^omas, dans un but ignor'e, 'etait venu dans l’appartement que l’oncle des Ricard occupait rue Richer ?
En un mot, les Ricard 'etaient-ils dupes, inconscients et involontaires, de l’attitude de Fant^omas, ou marchaient-ils d’accord avec lui ?
Juve, `a cet instant, ne se doutait certes pas que, quelques instants auparavant, tandis qu’involontairement il menait l’enqu^ete relative `a l’assassinat de M e Gauvin, `a quelques m`etres de lui, Fandor, de la porte de sa cabane, avait d’abord vu s’enfuir les Ricard en automobile. Puis enfin, avait eu la chance de retrouver Fernand Ricard `a la gare de Vernon et de pouvoir sauter apr`es lui dans l’express du Havre.
Juve arrivait devant la villa. Il sonna plusieurs fois, s’'etonna de ne voir personne dans les environs.
Au bout d’un certain temps, la porte d’entr'ee de la maison s’entreb^ailla, et, sur le petit perron, apparut la silhouette d’une bonne que Juve reconnut pour l’avoir d'ej`a vue.
Le policier lui fit son plus aimable sourire, et, se rapprochant paisiblement, il interrogea :
— Dites-moi, mon enfant, o`u sont M. et M me Ricard ? J’ai une communication importante `a leur faire.