Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
Шрифт:
Juve, laissant brusquement derri`ere lui l’insignifiant juge d’instruction, bondit `a la rencontre de l’arrivant.
— Bonjour, bonjour ! cria-t-il. Et alors, que savez-vous ? Avez-vous devin'e pourquoi cet homme s’est tu'e ?
— Mon cher ami, j’ai 'et'e averti `a onze heures seulement. Nous arrivons. C’est un spectacle affreux, je vous assure.
`A ces mots, Juve fut sur le point de sauter au cou du jeune magistrat et de l’'etrangler :
— Mais r'epondez-moi donc, hurla le policier. Tout cela ca n’est pas int'eressant. Je vous demande pourquoi M e Gauvin s’est tu'e ?
— Je n’en sais rien, r'epondit tranquillement le procureur de la R'epublique. D’abord nous arrivons. Et puis, s’il s’est tu'e, ajoutait finement le magistrat, c’est qu’il avait assur'ement des raisons pour cela.
Juve `a cet instant, avait perdu tout espoir d’apprendre quoi que ce f^ut par l’interm'ediaire du Parquet de Vernon :
— Bon, fit-il, renoncant `a interroger. O`u est-il ? A-t-on chang'e quelque chose `a la disposition de la pi`ece dans laquelle il est mort ? Comment s’est-il tu'e ? Revolver ? Poison ? Menez-moi vers lui.
— L`a, l`a ! s’'ecriait le magistrat. Vous me demandez mille choses `a la fois ! Voyons, 'ecoutez-moi ! D’abord, on n’a rien chang'e `a l’aspect de la pi`ece, j’ai ordonn'e qu’on laiss^at les choses en 'etat.
— Moi aussi, confirma M. Varlesque, respectueux. J’ai r'ep'et'e vos ordres, monsieur le procureur.
— Ensuite, le malheureux se trouve encore tel qu’on l’a d'ecouvert, au premier 'etage, dans sa chambre.
— Mais qu’est-ce qui cause donc, l`a-haut ? Les gendarmes ?
— Non, des curieux qui sont venus voir, des voisins.
— Ah ca, demanda Juve, qu’est-ce que vous me chantez l`a ? Il y a des curieux ? Des voisins ? Mais nom d’un chien, il faut foutre tous ces gens-l`a dehors. Qu’est-ce qu’ils ont `a faire ici ?
Juve se pr'ecipita vers l’escalier. En montant, il demanda encore :
— Comment s’est-il tu'e ?
— Le malheureux s’est pendu.
Arriv'e dans l’antichambre du premier 'etage du petit h^otel, le policier apercut une dizaine de personnes group'ees dans le couloir qui, curieusement, examinaient une pi`ece par une porte ouverte.
Juve alors n’h'esita pas :
— Je ne veux personne ici ! criait-il. Allons, d'ep^echons, tout le monde dehors ! Sapristi, ce n’est pas un spectacle si attrayant.
La voix de Juve grondait, tonnait, dominait le tumulte. Il y eut des exclamations 'etouff'ees, le couloir se vida.
Il ne restait plus en pr'esence que le policier, le juge d’instruction, le procureur et aussi un pauvre garcon affal'e sur une chaise qui sanglotait de tout son coeur et qui n’'etait autre que le petit Th'eodore Gauvin.
Juve le vit au moment m^eme o`u il apercevait, se balancant dans le vide au milieu de la pi`ece, le corps d'ej`a roidi du malheureux notaire. Juve, `a cet instant, haussa les 'epaules. Il oublia un instant ses pr'eoccupations de police pour ne songer qu’aux malheurs du jeune homme.
Le policier courut donc vers Th'eodore Gauvin.
— Mon pauvre petit, disait-il, je comprends tout votre chagrin et toute votre douleur, mais croyez-moi, ne restez pas ici. Voyons, retirez-vous dans votre chambre, j’irai sans doute vous y retrouver tout `a l’heure.
Il y avait dans le ton de Juve quelque chose de ferme et d’imp'erieux. Le malheureux Th'eodore Gauvin qui sanglotait toujours, se leva, et, sans mot dire se retira, `a bout de force, semblait-il.
— Pauvre enfant, murmura Juve. C’est abominable.
Mais d'esormais la place 'etait nette et Juve et les magistrats pouvaient enqu^eter.
— Voyons, fit Juve r'esumant d’un mot la situation, supposons que l’on ne sait rien, et pour comprendre, regardons.
Il regarda longuement le cadavre, il remarqua la face violac'ee, la langue tir'ee, les membres raides. Il constata que le noeud coulant 'etait soigneusement fait, que la corde solide avait 'et'e habilement attach'ee `a la rosace du plafond :
— Oh, oh, fit Juve.
Lentement, le policier tournait `a cet instant autour du cadavre. Il 'etudiait si attentivement les choses qu’on e^ut v'eritablement dit qu’il cherchait `a graver pour toujours leur souvenir dans son esprit. Puis enfin, lorsque cet examen fut termin'e, Juve reprit la parole :
— Monsieur Varlesque, s’il vous pla^it, `a quelle heure a-t-on trouv'e ce malheureux ?
Le juge d’instruction r'epondit d’une voix tremblante :
— Mais je vous donnerai la m^eme heure que M. le procureur. M. le procureur le sait comme moi, on a d'ecouvert le suicide `a neuf heures du matin.
— Dans quelles conditions ?
Le juge d’instruction jeta un regard 'eperdu `a M. de Larquenais :
— M. le procureur vous dira, commencait-il, que les choses se sont pass'ees…
`A cet instant, le juge d’instruction s’arr^eta. M. de Larquenais en profita pour prendre la parole.
— C’est fort simple, dit-il. 'Etonn'e de ne pas voir descendre M e Gauvin, sa vieille bonne est mont'ee, et l’a trouv'e pendu.
— Bien ! Qu’a-t-elle fait alors ?
— Elle s’est assur'ee que son ma^itre 'etait mort, puis a donn'e l’alarme. On est venu me chercher.
— Tr`es bien. Ensuite ?
M. de Larquenais parut troubl'e :
— Mais, ensuite, rien… Je me suis d'ep^ech'e de m’habiller, j’ai pr'evenu les quelques amis que vous avez vus du malheur qui venait d’arriver, j’ai fait chercher M. Varlesque, enfin nous sommes accourus.
— Le plus rapidement possible. Allons, c’est parfait. Et depuis, vous enqu^etez ? En somme, continua Juve apr`es quelques instants de silence, quels sont les r'esultats de vos enqu^etes ?