Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
Шрифт:
M. Varlesque jeta un regard suppliant `a M. de Larquenais pour lui demander de r'epondre. Le procureur, moins timide, s’ex'ecuta :
— Nous avons constat'e tout d’abord que M e Gauvin s’'etait suicid'e habill'e.
— En effet, railla Juve, ca se voit.
— Nous avons constat'e, en outre, qu’il n’y avait pas de d'esordre dans la chambre.
— Bon, bon. Apr`es ?
— Nous avons remarqu'e, enfin, que le suicid'e avait fait preuve, pour se pendre, d’un courage extraordinaire.
Cette derni`ere remarque parut int'eresser Juve :
— Vraiment ? demanda-t-il. Pourquoi ?
— Je suis tout `a fait de l’avis de M. le procureur, disait M. Varlesque. Il a fallu `a M e Gauvin un courage extraordinaire.
— Pourquoi ? r'ep'eta Juve.
— Parce que, reprit M. de Larquenais, vous pouvez voir vous-m^eme, monsieur le policier, que le malheureux, pour se pendre est mont'e sur cette petite chaise basse qui g^it encore, renvers'ee. Il n’est donc pas tomb'e de haut, autrement dit, il s’est tu'e par strangulation et non pas, comme il arrive lorsque des pendus se jettent d’un meuble 'elev'e, par dislocation de la colonne vert'ebrale.
Le procureur parlait avec de grands gestes. Il attendit la r'eponse de Juve.
Juve, cependant, examinait toujours le cadavre.
— Enfin, demandait-il, quelle est votre conclusion ?
— Ma conclusion ? demanda le procureur interloqu'e. Que voulez-vous dire ? Je n’ai pas de conclusion, le suicide est patent, manifeste, indiscutable.
Brusquement, M. de Larquenais s’interrompit.
Il lui avait sembl'e que Juve, imperceptiblement, haussait les 'epaules. Le policier s’'etait tourn'e vers M. Varlesque :
— C’est bien votre avis ? demandait-il.
M. Varlesque lui r'epondit tout de suite :
— Assur'ement, je pense comme vous, monsieur le procureur.
Mais Juve se taisait toujours.
M. Varlesque, alors, r'ep'eta la question de son sup'erieur :
— Vous pensez bien comme nous, monsieur Juve, vous ^etes bien d’avis qu’il y a eu suicide ?
`A cet instant, le policier sourit presque :
— Moi, r'epondait-il, pas du tout, je suis d’un avis diam'etralement oppos'e.
Et, comme les magistrats le consid'eraient effar'es, Juve ajoutait :
— Cette mort n’est pas due `a un suicide, mais `a un crime. Voil`a la v'erit'e !
Juve, en parlant, avait travers'e la chambre.
Il alla crier `a l’un des gendarmes, arriv'es naturellement apr`es tout le monde, mais qui stationnaient maintenant au pied de l’escalier :
— Ramenez-moi vite un m'edecin !
L’ordre donn'e, Juve revint aupr`es du cadavre.
— Monsieur le procureur, et vous monsieur le juge d’instruction, vous avez vu cela ?
Le doigt tendu, Juve d'esignait le cadavre, montrait que sa poche de pantalon 'etait un peu retourn'ee, que la doublure apparaissait.
— Vous avez vu cela ? r'ep'etait-il.
— Non, avou`erent les magistrats.
Juve haussa les 'epaules, sortit de la pi`ece.
— Suivez-moi !
Juve descendit alors dans le cabinet de travail du notaire.
`A peine y eurent-ils p'en'etr'e que les deux magistrats qui l’accompagnaient s’exclam`erent :
— Ah mon Dieu, mais c’est abominable ! Nous n’avions pas vu cela !
Des dossiers avaient 'et'e fouill'es, boulevers'es, ils tra^inaient sur le sol ; le coffre-fort, enfin, 'etait ouvert, les cl'es du notaire 'etaient sur la serrure.
Le policier, `a cet instant, ne pensait qu’`a une chose :
« M e Gauvin d'etenait le billet 6 666, donc il a d^u toucher les deux cent mille francs gagn'es par ce billet. De l`a `a conclure que l’assassin a vol'e ces deux cent mille francs, il n’y a qu’un pas. Mat'eriellement, en effet, depuis le tirage de la loterie, on n’a pas eu le temps de prouver de facon absolue que ces deux cent mille francs devaient ^etre rendus `a la Chambre des notaires, puisque la loterie a 'et'e truqu'ee. Donc, l’assassin a agi avec rapidit'e, et cet assassin… Oh il n’y a aucun doute `a avoir `a ce sujet, c’est le faux Baraban. C’est Fant^omas.
Juve, cependant, ne laissait rien voir de ses secr`etes pens'ees. Il se leva avec effort et, s’adressant au procureur et au juge d’instruction, il d'ecida :
— Retournons aupr`es du mort.
— Oui, reprenait M. de Larquenais, remontons pr`es du suicid'e.
Mais, `a ce mot, Juve adressait au magistrat un regard railleur :
— D'ecid'ement, faisait-il, vous vous obstinez `a croire `a un suicide. Je vous dis que c’est un crime.
M. Varlesque, `a ce moment, hocha la t^ete approbativement, il pensait maintenant comme Juve.
M. de Larquenais cependant avait retrouv'e un peu de sang-froid.
L’attitude du policier le vexait. Il trouvait que Juve ne tenait pas assez compte de ce qu’on lui exposait.
— Monsieur, d'eclara le procureur un peu s`echement, je m’obstine `a croire au suicide parce que je ne vois aucune preuve qu’il y ait eu crime.
Le procureur parlait maintenant d’un ton sec, cassant. Esp'erait-il impressionner Juve ? Juve ne fut aucunement troubl'e :
— Des preuves, dit-il, je vais vous en donner. J’imagine d’ailleurs que le d'esordre du cabinet de travail est significatif. Mais il y a mieux. Vous allez voir.
En montant l’escalier, Juve venait d’apercevoir devant lui le gendarme qu’il avait envoy'e, quelques instants avant, qu'erir un docteur.
— Eh bien ? interrogeait Juve.
— Le m'edecin est l`a, monsieur.
— O`u ?
— Dans la chambre du mort.
— Tr`es bien.
Suivi des deux magistrats, Juve retourna dans la chambre tragique.
— Bonjour, docteur, disait le policier. Je vais vous demander un renseignement de la plus haute importance.