L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Maman a menac'e Didier de le faire interdire s’il persistait `a exiger sa part d’h'eritage. Mon fr`ere `a d^u le dire `a cette fille. L’interdiction, nous l’aurions obtenue facilement, c’'etait les vivres coup'es. Mais Didier mort, plus moyen de l’interdire. Alors, Monsieur le Juge ?
— Alors quoi ?
Robert prit la parole `a son tour :
— Didier mort, le fils qu’il a eu de Blanche Perrier devient l’h'eritier de son p`ere et elle, sa m`ere, est assur'ee d’avoir l’argent.
— Possible, dit M. Mourier. Votre th`ese peut se soutenir. `A une seule condition.
Laquelle, Monsieur le Juge ?
— Que l’enfant ait 'et'e reconnu par votre fr`ere.
— Cela doit ^etre facile `a v'erifier.
— Tr`es facile, en effet, fit le magistrat, et nous serons fix'es tr`es rapidement.
— Monsieur, dit madame Granjeard, vous voyez bien que nous ne sommes pas coupables et que nous ne d'esirons qu’une chose : faire toute la lumi`ere. Remettez-nous en libert'e et vous verrez.
— Je suis d'esol'e, madame, mais ce que vous sollicitez est absolument impossible. Je dois vous rappeler qu’il y a contre vous des charges telles que votre d'etention pr'eventive s’impose. Celle de vos fils 'egalement. Remarquez que je ne pr'etends point pour cela que vous soyez forc'ement coupable, on a d’ailleurs beaucoup de peine `a admettre qu’une m`ere puisse assassiner son fils, que des fr`eres puissent tuer leur cadet. J’esp`ere que d’ici peu la situation sera 'eclaircie. Mais pour le moment, je ne puis que maintenir l’ordre d’arrestation dont vous ^etes l’objet.
Cependant que Paul et Robert, emmen'es par les municipaux, quittaient le couloir de l’instruction, Mme Granjeard y demeurait quelques instants encore et la foule 'etait si serr'ee, on paraissait si peu s’occuper d’elle, que la veuve du marchand de fer eut un instant l’impression qu’elle allait pouvoir s’'evader. Elle n’avait pas de menottes. Aucun signe ne d'enotait qu’elle 'etait prisonni`ere.
Mais soudain la vue d’un homme la glaca. La veuve du marchand de fer venait, en effet, de reconna^itre l’inspecteur de la S^uret'e qui, l’avant-veille, avait d'ecid'e le commissaire de police de Saint-Denis, `a proc'eder `a son arrestation. Cet homme l’abordait :
— Je suis le policier Juve, lui souffla-t-il.
— C’est indigne, c’est abominable ce que vous avez fait, m’arr^eter, m’accuser d’un crime.
— J’ai agi, Madame, vis-`a-vis de vous, honn^etement, impartialement, sans condescendance particuli`ere pour votre situation sociale, je le reconnais, mais sans haine aussi. La meilleure preuve, c’est que j’ai une importante communication `a vous faire. Elle pourrait changer la nature de l’inculpation dont vous ^etes l’objet.
— Je vous 'ecoute.
— Il existe, Madame, un testament, de votre fils qui institue Blanche Perrier son h'eriti`ere en cas de d'ec`es, la l'egataire universelle de toute sa fortune.
— Eh bien ?
— Eh bien, vous ne voyez donc pas quel parti on peut tirer de ce document ?
Mais oui, bien s^ur, la lumi`ere se faisait dans son esprit. La th`ese qu’elle avait soutenue devant le magistrat, `a savoir que Blanche Perrier 'etait la coupable, allait se trouver terriblement renforc'ee du fait que l’on saurait d'esormais que cette derni`ere avait 'et'e institu'ee l'egataire universelle par Didier.
— C’est notre libert'e que vous nous apportez l`a ?
Juve ne r'epondit rien.
— Je vous en prie, monsieur ?
— Votre libert'e ? La v^otre peut-^etre, Madame, mais pas celle de vos fils.
— Ah, pourquoi, Monsieur ?
— Parce que je sais, Madame, quels sont les auteurs du meurtre, ce sont vos deux enfants, vos deux fils, Paul et Robert.
— C’est impossible, impossible.
— J’en ai la certitude.
Il ajoutait 'enigmatique :
— Je suis seul d’ailleurs `a avoir cette certitude. La possession du testament de Didier va sauver vos enfants.
— Obtenez-moi ce testament, sauvez mes fils.
— Je ne demanderais pas mieux. Malheureusement celui qui d'etient ce document ne s’en dessaisira pas facilement.
— Combien faudrait-il ?
Les instants pressaient, le municipal, malgr'e les signes de Juve, se rapprochait de sa prisonni`ere, pour l’emmener. Une seconde d’h'esitation :
— Cinq cent mille francs. Dans les vingt-quatre heures.
— Je paierai. Je dispose de cette somme, mais comment la faire parvenir, prisonni`ere comme je suis ?
Cette fois, le municipal s’'etait tout `a fait rapproch'e. Juve quitta Mme Granjeard, mais avant de s’en aller, il avait eu le temps de lui donner cette derni`ere assurance :
— Ne vous inqui'etez pas, je vous indiquerai comment il faudra me remettre les fonds.
Quel but en agissant ainsi poursuivait donc l’inspecteur de la S^uret'e ? Certes il 'etait impossible que Juve e^ut l’intention d’extorquer de l’argent `a Mme Granjeard.
Pourquoi avait-il 'egalement accost'e Blanche Perrier en lui parlant du testament de Didier ?
Juve, `a coup s^ur, devait avoir une id'ee, et une id'ee ing'enieuse et subtile, car, en s’'eloignant, il se frottait les mains en murmurant :
— De mieux en mieux, l’amorce est jet'ee, les poissons ne vont pas tarder `a se prendre `a mon filet. Jouons serr'e.
11 – PRISONNI`ERE
— Alors, puisque tu veux descendre toi-m^eme, cavale vivement, ma petite Blanche, et va nous chercher `a briffer. Ce que j’ai la cr`eve. C’est rien de le dire. J’ai rudement besoin de me coller quelque chose sous la dent. Ces 'emotions, ca creuse.