L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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La voiture ralentit. Porti`ere claqu'ee. Le myst'erieux individu qui venait de l’enlever devait ^etre descendu. La voiture reprit son allure, Blanche Perrier faillit s’'evanouir. Elle 'etait seule dans ce v'ehicule qui l’emmenait elle ne savait o`u, et une atroce douleur lui 'etreignait le coeur : on lui avait arrach'e son petit Jacques. Qu’'etait devenu l’enfant ?
Trois heures durant, la voiture continua de rouler toujours plus vite, et donnant l’impression `a la captive qu’apr`es avoir 'et'e retenue par des embarras et des rues encombr'ees, la machine allait d'esormais sur des routes d'esertes. On ralentit enfin. La voiture s’arr^eta. Quelques instants auparavant, Blanche Perrier avait entendu neuf coups sonner `a une lointaine horloge. Trois heures d'ej`a qu’on l’avait enlev'ee de force, jet'ee dans ce v'ehicule myst'erieux.
La porti`ere s’ouvrit, Blanche Perrier sentit qu’une main robuste et vigoureuse la prenait par le bras, la tirait contre lui.
Son supplice ne devait plus durer. Une `a une, les cordes qui la serraient se d'eli`erent et les bandeaux qui lui couvraient les yeux et la bouche tomb`erent. Ouvrant des yeux hagards et terrifi'es, Blanche Perrier regarda autour d’elle. Elle se trouvait devant le perron d’une maison d’assez belle apparence dont la porte 'etait ouverte. Un homme 'etait `a c^ot'e d’elle, un seul, celui qui l’avait enlev'ee, c’'etait assur'ement lui qui avait conduit l’automobile jusqu’`a ce lieu. II avait toujours son loup noir sur le visage. Blanche Perrier se laissa tomber `a genoux, joignit les mains :
— Que me voulez-vous ? Qu’avez-vous fait de mon enfant ?
— Je n’ai pas `a r'epondre `a vos questions, Blanche Perrier. Qu’il vous suffise de savoir que si vous ex'ecutez les ordres que je vais vous donner, il ne vous sera point fait de mal.
— Mais mon enfant ?
— Si vous ob'eissez, il sera 'epargn'e. Voici une maison, dans laquelle vous allez entrer. Vous monterez au premier 'etage. Vous p'en'etrerez dans une chambre, une fois l`a, vous attendrez. Est-ce clair ?
— J’attendrai quoi ?
— Vous verrez bien.
Et Blanche Perrier, dont le coeur battait `a rompre la poitrine, s’introduisit dans la maison conform'ement aux ordres recus. Elle sentit un froid glacial lui tomber sur les 'epaules, cependant qu’une forte odeur de moisi et de renferm'e la prenait `a la gorge. S’aidant de la rampe, elle gravit un escalier large, aux marches de pierre et parvint, comme l’avait annonc'e l’homme, dans la chambre, o`u il lui 'etait recommand'e d’attendre. Cette pi`ece 'etait sombre, nullement 'eclair'ee et par la fen^etre sans rideaux, tombait un rayon de lune qui permettait `a la jeune femme de se rendre compte de l’endroit o`u elle se trouvait. La pi`ece 'etait meubl'ee d’un grand lit de fer, d’une table ronde, de deux armoires sans glace et de chaises de paille. Machinalement, elle allait jusqu’`a la fen^etre et regarda dehors. Il lui sembla qu’elle 'etait au milieu de la campagne, dans une maison grande et de belle apparence, et qu’entouraient des arbres dont la ramure touffue lui dissimulait l’horizon. Chose curieuse, alors qu’elle s’approchait de la fen^etre. Blanche Perrier vit l’automobile qui l’avait amen'ee dispara^itre `a l’extr'emit'e d’une all'ee sabl'ee qui tournait devant la maison. Son coeur se serra. Elle ne tenait pas `a revoir celui qui l’avait amen'ee, mais elle frissonnait `a l’id'ee de l’inconnu, se demandant de quel 'ev'enement nouveau elle allait ^etre la victime. Soudain, dans le silence, une question :
— Blanche Perrier ? ^etes-vous l`a ?
Soudain, un bain de lumi`ere. Blanche Perrier vit un inconnu devant elle. Il n’'etait pas masqu'e et la jeune femme, en l’apercevant, le reconnut. Elle poussa une exclamation de surprise, presque de joie :
— Monsieur, Monsieur, s’'ecria-t-elle, je vous reconnais, vous ^etes, vous ^etes…
— Je vous connais aussi, madame, je suis la personne qui, ce matin m^eme, au palais de Justice, a eu l’occasion de s’entretenir avec vous.
Blanche Perrier poussa un soupir de soulagement.
— Monsieur, sauvez-moi. Je viens d’^etre enlev'ee par des bandits, j’ignore ce qu’ils me veulent, mais que m’importe mon sort si je sais ce qu’il advient de mon enfant ? savez-vous quelque chose ? O`u est mon petit Jacques ?
— Rassurez-vous, madame, dit-il, il n’a 'et'e fait aucun mal `a votre enfant, et il ne tient qu’`a vous de le revoir d’ici peu, dans quelques instants m^eme. Il est ici.
— Ah monsieur.
— Un instant, donnant, donnant.
— Qu’y a-t-il ? Qu’allez-vous me demander ?
— De vous asseoir, d’abord, et de m’'ecouter ensuite.
Blanche ob'eit, l’homme parla :
— Je tiens d’abord `a vous dire, madame, qui je suis : Juve, inspecteur de la S^uret'e, je vous dis mon nom pour vous seule, dans votre int'er^et, je vous engage `a ne faire savoir `a qui que ce soit que nous sommes en relations. C’est moi, oui, c’est moi, qui vous ai fait enlever ce soir, dans une automobile `a mon service.
— Monsieur, vous plaisantez ? ou alors, vous mentez, vous n’^etes pas de la police ?
— Je ne plaisante pas, madame, et je vous dis l’exacte v'erit'e, c’est moi qui vous ai fait enlever, et voici pourquoi : par suite des insinuations, voire m^eme des accusations port'ees contre vous par la famille Granjeard, M. Mourier, le juge d’instruction, a d'ecid'e cette apr`es-midi de vous faire arr^eter.
— Moi, monsieur ?
— Vous, madame, pr'ecisa l’homme qui poursuivit :
— Sans mon intervention, `a l’heure qu’il est, vous coucheriez en prison. Or cela m’a d'eplu, et j’estime que le juge fait une maladresse en voulant s’emparer de vous. Je vous ai donc fait fuir, dissimul'ee `a ses recherches. Vous pouvez m’en ^etre reconnaissante.
Blanche avait 'ecout'e avec stupeur le d'ebut de ce r'ecit. C’'etait d’abord un sentiment de gratitude qu’elle 'eprouvait pour cet homme, mais une seconde pens'ee lui vint `a l’esprit :
— Mais cela ne me convient pas du tout, Monsieur. Je veux retourner `a Paris. J’irai voir le juge d’instruction. Je lui dirai…
Juve lui coupa la parole :
— Je veux, est un mot, d'eclara-t-il d’un ton sec, que l’on n’emploie gu`ere avec moi. Il faut m’ob'eir lorsque je donne des ordres, et je n’accepte jamais qu’ils soient discut'es.
— Mais, que voulez-vous de moi ?
— J’allais vous le dire lorsque vous m’avez interrompu, je reprends. D’ici quelques jours, peut-^etre apr`es-demain, peut-^etre plus tard, je vous am`enerai une compagne, dont je vous instituerai la gardienne, vous serez deux ici, vous et cette jeune fille.
— Et mon enfant ?
— Mettons que vous serez trois puisque votre enfant va vous ^etre rendu. Je continue : cette jeune fille, vous en aurez le plus grand soin et si elle manifeste des vell'eit'es de s’en aller, vous l’en emp^echerez, m^eme par la force. Est-ce compris ? est-ce entendu ? `A ce prix seulement, vous reverrez votre fils.