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L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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L’infirme Taxi – ou pour mieux dire le journaliste J'er^ome Fandor – s’efforcait par son attitude enjou'ee, de ramener un peu de gaiet'e sur le visage de la malheureuse Blanche Perrier.

Celle-ci sourit machinalement au bavardage de son interlocuteur, elle hocha la t^ete :

— Tranquillise-toi, Taxi, murmura-t-elle, je ne serai pas bien longue, le temps de descendre et de remonter.

— C’est cela, dit Fandor, je garde ton sal'e pendant ce temps-l`a.

Mais le petit Jacques n’avait pas envie de rester en t^ete-`a-t^ete avec le mendiant, que cependant il aimait bien, car souvent, il jouait avec lui et le faisait rire. Jacques avait mis dans sa t^ete de b'eb'e de descendre avec sa m`ere, et comme plus les ^etres sont petits et inoffensifs, plus leurs volont'es sont formelles et fid`element observ'ees, Blanche Perrier, qui 'etait d'ej`a sortie de chez elle, rentra dans son logement pour acc'eder au d'esir de son enfant :

— Ne grogne pas, mon petit Jacques, puisque je t’emm`ene.

— Nous serons peut-^etre un peu longtemps. Un quart d’heure et on revient.

Fandor, demeur'e seul, dans le logis de Blanche Perrier, profita de la disparition momentan'ee de cette derni`ere, pour sortir de son chariot, et pour se d'elier un peu les jambes. Le journaliste paraissait fort content. Il se frotta vigoureusement les mains, ce qui 'etait chez lui le signe d’une vive satisfaction.

Cependant, lorsque Fandor avait appris par les journaux l’arrestation de la famille Granjeard, tr`es s'erieusement soupconn'ee d’^etre l’auteur du crime, Fandor avait estim'e qu’il ne courait plus aucun risque, d’autant que nul n’avait soulev'e l’histoire du chariot. Il 'etait donc revenu impasse Urbain, non sans avoir confectionn'e, au pr'ealable, un nouveau v'ehicule, pour remplacer l’ancien, consciencieusement d'emoli le jour de son d'epart puis jet'e au ruisseau.

Fandor s’'etait fait un devoir d’aider de ses conseils et de distraire, par sa pr'esence, la pauvre Blanche Perrier, qui, depuis la r'ev'elation de la mort de Didier, 'etait plong'ee dans un 'etat de prostration tel que l’on avait pu craindre un moment pour sa raison. Fandor avait remont'e la malheureuse de son mieux, et celle-ci, d’ailleurs, s’'etait bien laiss'e persuader que si d'esormais, le malheur s’'etait abattu sur elle, elle devait n'eanmoins songer `a l’avenir, dans l’int'er^et de son enfant. Les soins constants `a donner `a son fils, les mille d'etails de l’existence qui s’imposent toujours en d'epit de tout, la distrayaient malgr'e elle, et c’'etait avec joie qu’elle avait accept'e que son voisin Taxi l’invit^at `a d^iner ce soir-l`a le soir m^eme du jour o`u elle avait 'et'e chez le juge d’instruction. Taxi n’avait voulu ^etre l’h^ote de Blanche Perrier, qu’`a condition de payer le d^iner et Blanche avait promis d’aller chercher les provisions.

Fandor 'etait seul d'ej`a depuis quelques instants, lorsqu’il entendit un bruit de pas lourds et h'esitants dans l’escalier. Le journaliste pr^eta l’oreille et, pour savoir quels 'etaient les gens qui montaient, il alla, sur la pointe des pieds, regarder par la porte entrouverte, le journaliste recula aussit^ot. Son visage avait chang'e d’expression, un pli lui barrait le front.

— Qu’est-ce que c’est que ces gens-l`a ? grommela-t-il, en s’installant prestement sur son chariot.

`A peine avait-il repris son attitude de mendiant-infirme qu’un coup sec 'etait frapp'e `a la porte, puis, comme celle-ci 'etait entreb^aill'ee, quelqu’un la poussait, dans la premi`ere pi`ece du petit logement, s’introduisit un individu, puis un second, puis un troisi`eme. Fandor, dissimul'e dans l’angle de la pi`ece du fond les regardait venir :

— Sapristi, se dit-il, voil`a du sale monde, ou je ne m’y connais pas ou ca m’a tout l’air d’^etre des gens de la Pr'efecture. Que diable peuvent-ils bien venir faire ici ?

Soudain, le faux mendiant se mordit la l`evre :

— Bougre, pensa-t-il, ca va mal tourner tout `a l’heure.

Fandor, en effet, venait de reconna^itre l’un des individus qui s’introduisaient non sans une certaine h'esitation, dans le domicile de Blanche Perrier. C’'etait un homme d’une trentaine d’ann'ees environ, au visage 'energique, `a la l`evre barr'ee d’une forte moustache noire. Mais l’homme avait cette particularit'e, facile `a noter qu’il 'etait borgne. L’oeil gauche manquait, Fandor l’avait reconnu. C’'etait l’inspecteur L'eon, l’un des subordonn'es de Juve.

— Pourvu, pensa Fandor, que cet animal de L'eon ne me reconnaisse pas, cela ferait du grabuge.

Machinalement, et sous pr'etexte de se gratter, il embrouilla son 'epaisse perruque de cheveux mal soign'es.

Les policiers, en apercevant cet ^etre accroupi sur le sol, et dont le sommet de la t^ete 'etait au niveau du haut de la table, s’'etaient arr^et'es un instant, ne s’attendant gu`ere, semblait-il, `a le trouver l`a.

L'eon l’interrogeait poliment d’ailleurs :

— Pardon, monsieur, fit-il, en touchant du doigt son chapeau, ne sommes-nous pas ici chez Mme Blanche Perrier ?

— Possible, qu’est-ce que vous lui voulez ?

— Nous avons `a lui parler.

— Eh bien, m’est avis qu’il vous faudra repasser. Elle est sortie.

— Sera-t-elle longtemps ? insista L'eon.

— Je n’en sais rien.

— Vous devriez le savoir, vous ^etes chez elle.

— Vous y ^etes bien vous-m^eme.

Pour la forme, l’inspecteur de police jeta un rapide coup d’oeil dans les divers recoins du modeste logement, comme pour s’assurer que la personne qu’il cherchait ne s’y 'etait point cach'ee. Puis, se tournant vers ses hommes, il d'eclara simplement :

— Allons-nous-en, nous reviendrons.

— Ouf, pensa Fandor, nous l’'echappons belle.

Les policiers s’'etaient `a peine 'eloign'es que le journaliste se jetait sur leurs traces. Il 'ecouta ce que disait L'eon `a ses hommes pendant qu’ils descendaient l’escalier :

— Vous allez rester dans le couloir de la maison au rez-de-chauss'ee. Moi, je vais jusqu’au bout de l’impasse. Cette Blanche Perrier que le juge d’instruction nous a charg'es d’arr^eter ne doit pas ^etre loin. D`es que je la verrai, je donne un coup de sifflet pour vous pr'evenir et vous l’abordez.

Fandor n’en entendait pas plus, mais il 'etait suffisamment 'edifi'e :

— Bon sang de bon Dieu, jura-t-il, ca y est. Encore une gaffe de plus. Voil`a que Mourier s’en m^ele et que cet animal de juge d’instruction s’engage sur une mauvaise piste. Arr^eter Blanche Perrier, pourquoi faire ? Pauvre petite, je ne lui donne pas cinq minutes avant de tomber entre les pattes de ces bougres-l`a. Eh bien, il va y en avoir une sc`ene ici tout `a l’heure.

***

Blanche Perrier, bien avant le moment o`u les trois policiers s’'etaient introduits dans l’immeuble qu’elle habitait, avait quitt'e l’impasse Urbain, et, tenant le petit Jacques par la main, s’'etait rendue rue de la Chapelle o`u elle m'editait d’effectuer ses emplettes. Soudain, comme elle passait sur le trottoir, elle entendit prononcer son nom. La jeune femme se retourna, ne vit personne d’abord, et elle allait continuer son chemin lorsque, derri`ere elle, tout pr`es de son oreille, si pr`es m^eme qu’elle sentit une haleine ti`ede lui fr^oler la nuque, le m^eme appel fut r'ep'et'e.

Blanche 'etait `a ce moment-l`a sur le bord du trottoir et d'epassait sans y faire attention une voiture automobile arr^et'ee `a proximit'e. La jeune femme, 'etonn'ee, se retourna. La rue 'etait mal 'eclair'ee `a cet endroit mais, malgr'e la quasi-obscurit'e qui y r'egnait, la jeune femme vit enfin son interlocuteur et elle sursauta. Non seulement l’homme qui l’avait appel'ee 'etait coiff'e d’un grand chapeau de feutre dont les bords 'etaient abaiss'es, mais il portait sur le visage un masque, un loup noir. Au m^eme instant, Blanche Perrier sentit que quelque chose l’enveloppait, qu’elle 'etait immobilis'ee, paralys'ee, elle voulut crier, un foulard lui comprima les l`evres. Au m^eme instant elle se sentit enlever, jeter dans la voiture automobile qui d'emarra rapidement. Atterr'ee, la jeune femme s’efforca de s’arracher `a l’'etreinte qui la ma^itrisait, mais quelqu’un, l’un des agresseurs qui se trouvaient avec elle dans l’int'erieur de la voiture, resserra encore ses liens, et lui couvrit les yeux d’un bandeau.

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