La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— C’est au 223, troisi`eme 'etage, galerie B.
— Voulez-vous m’y faire conduire ?
Quelques instants apr`es, dans l’appartement occup'e par la personne qu’il venait de demander, M. Anselme Roche 'etait introduit.
On le pria d’attendre dans un petit salon, mais cette attente ne dura pas longtemps. Une porte s’ouvrait, livrant passage `a une femme d’une 'el'egance rare et d’une parfaite distinction. Elle pouvait avoir de trente `a trente-cinq ans environ. Tout en elle respirait la correction, la majest'e, c’'etait incontestablement une femme dont, eu 'egard `a sa d'emarche et `a sa tournure, on pouvait dire qu’elle avait un
Un peu surprise, Mme Borel retira ses doigts. Le procureur g'en'eral s’apercut alors de la facon un peu trop famili`ere dont il venait d’aborder la jolie femme et il s’excusait en balbutiant :
— Pardonnez-moi, Madame, mais je suis si heureux, si triomphant de bonheur, si satisfait de vous voir et puis… je vous l’ai d'ej`a dit, mais `a mots couverts et peut-^etre m’avez-vous mal compris… Or, aujourd’hui, je me sens toutes les audaces, je vous crie ce que pense mon coeur depuis si longtemps. Je vous aime, je vous aime. Ah, dites-moi que vous saviez que je vous aimais ? et que peut-^etre de votre c^ot'e ?
D’un geste ind'efinissable, Mme Borel interrompit le galant magistrat :
— Je vous en prie, Monsieur le Procureur, remettez-vous. Calmez-vous. Je ne sais si v'eritablement je puis continuer `a vous entendre et cependant je veux le faire, eu 'egard `a notre si cordiale amiti'e.
— De gr^ace, Madame, 'ecoutez-moi, reprit le magistrat, j’ai tant de choses `a vous dire et puis d’ailleurs il se passe des 'ev'enements si extraordinaires depuis quelques jours que je ne sais comment m’expliquer, comment faire, je suis en outre incapable de dissimuler mon trouble, de vous taire mon amour. D’abord, interrogea le magistrat, qu’^etes-vous devenue ? Comment se fait-il que vous ayez disparu pendant plus d’une semaine, sans me donner de vos nouvelles ?
— Pardon, fit Mme Borel doucement, mais nous n’avons pas, mon cher Monsieur, des relations suffisamment intimes, que je sache, pour que je sois contrainte `a vous tenir au courant de mes d'eplacements, des moindres actes de ma vie ?
— Je vous en prie, ch`ere Madame, ne me parlez pas sur ce ton-l`a. Il est bien entendu que vous ne me devez aucun compte et qu’au point de vue mondain je n’ai rien `a vous demander, mais ayez piti'e d’un coeur qui souffre, qui saigne, d’un coeur qui vous aime et que vous occupez tout entier.
— Cher Monsieur Roche, fit-elle, vous ^etes un grand fou, mais un excellent homme et le meilleur des amis. C’est entendu, je ne vous taquinerai plus. Vous voulez savoir pourquoi j’ai disparu, comme vous dites. Rien n’est plus simple. Je suis all'ee `a Paris avec M. Borel, puis, nous sommes revenus directement jusqu’ici. Il m’a install'ee `a l’Imp'erial H^otel. Lui-m^eme est parti, appel'e par une affaire pressante, il me t'el'egraphiera dans un jour ou deux pour que je sache o`u aller le rejoindre.
Le visage du magistrat s’'epanouit :
— Vous ^etes seule en ce moment ? Seule `a Biarritz ?
— Seule en effet, r'epliqua Mme Borel.
Et celle-ci comprenant la pens'ee secr`ete du procureur ajoutait :
— J’attends mon mari, comme je vous l’ai dit, il peut soit revenir d’un moment `a l’autre, soit me t'el'egraphier d’aller le retrouver.
Anselme Roche n’insista pas, encore qu’il e^ut fort envie de demander `a la jeune femme de lui consacrer la majeure partie de ses heures de solitude, et puis aussi il avait un devoir `a remplir. Comme homme, le procureur pouvait parler de son amour `a Mme Borel, mais en tant que magistrat, son devoir l’obligeait `a la mettre au courant des 'ev'enements survenus chez elle depuis son d'epart.
Anselme Roche d'eclara :
— Ne savez-vous rien de ce qui s’est pass'e chez vous ?
— Non.
Anselme Roche, alors, tout d’une haleine raconta les aventures survenues dans cette modeste propri'et'e si calme et si paisible jusqu’alors, et qui 'etait en passe de devenir d'esormais un lieu myst'erieux et redoutable, un lieu c'el`ebre aussi, dramatis'e, rendu c'el`ebre par le sang, par le crime.
— Ah si vous aviez connu mes angoisses, continuait le procureur, car naturellement, j’ai song'e tout de suite que la victime ne pouvait ^etre que vous. Aussi, pensez combien votre communication t'el'ephonique de tout `a l’heure m’a fait plaisir. Les mots seraient impuissants `a d'ecrire…
Mme Borel interrompit le magistrat :
— Depuis que je suis arriv'ee ici, c’est-`a-dire depuis hier soir, j’avais entendu vaguement parler en effet d’aventures bizarres survenues, disait-on, aux habitants d’une maison de campagne voisine de Beylonque. J’'etais loin de me douter qu’il s’agissait de notre modeste demeure, n'eanmoins, j’avais comme un pressentiment, une crainte, c’est pour cela que je vous ai t'el'ephon'e.
— C’est pour cela, seulement ? et moi qui m’imaginais que vous m’appeliez aupr`es de vous, pour me permettre de vous voir et passer `a vos c^ot'es des heures tant souhait'ees.
Mme Borel sourit sans r'epondre, plus 'enigmatique, plus lointaine que jamais.
— H'elas, fit-il, si vous saviez comme je souffre, car il est une nouvelle morsure que votre attitude me fait au coeur. Vous ne m’aimez pas, je m’en apercois et je m’en rends compte d’autant mieux que je sais que vous en aimez un autre. Un autre qui n’est pourtant pas votre mari.
— Pla^it-il ? fit Mme Borel.
— Oui, poursuivit le magistrat, la chose m’a 'et'e r'ev'el'ee au cours de l’enqu^ete que je faisais avant-hier encore, chez vous.
— Vraiment ? poursuivit la jeune femme qui commencait `a s’'enerver et faisait visiblement effort pour demeurer calme. Et quel est ce galant, s’il vous pla^it ?
— C’est le spahi, fit le magistrat.
— Quel spahi ?
— Voyons, ne vous moquez donc pas de moi. Je sais h'elas, l’intimit'e que vous avez avec lui, je connais vos longues promenades en t^ete-`a-t^ete dans la solitude des pignadas.
— Auriez-vous l’intention de parler, dit-elle, de ce jeune militaire, de Martial Altar`es ?