La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— J’ai 'et'e mordu par la dame qui 'etait dans le bain, r'ep'etait-il, j’ai voulu lui toucher le nez, et elle m’a mordu, c’est la v'erit'e.
Tout en causant, cependant, M. Peyrat venait de bander soigneusement la main du bless'e. Il lui offrit encore une poign'ee de pastilles de r'eglisse puis il reconduisait jusqu’`a la porte de sa boutique Mme Labour`es, qui se confondait en remerciements.
— D'ecid'ement, conseilla M. Peyrat, vous feriez bien, Madame, d’aller avec Saturnin chez Borel. L’histoire qu’il nous raconte est 'evidemment stupide, mais vous devriez v'erifier ce qu’elle peut contenir d’exact. Je ne crois pas que Saturnin ait 'et'e mordu, cependant, il serait prudent de vous en assurer, il faut toujours penser `a un chien enrag'e, enfin, on ne sait jamais.
Le conseil 'etait sage, Mme Labour`es n’avait garde de manquer `a le suivre. `A l’un des anneaux scell'es dans le mur de la pharmacie, elle avait attach'e par la bride, un petit ^ane attel'e `a une charrette qui lui servait pour se rendre de sa ferme au village.
— Viens avec moi. Saturnin, commandait la brave femme, nous allons aller chez Borel.
Vingt minutes plus tard, Mme Labour`es frappait `a la porte de la petite maison. Elle frappait `a coups redoubl'es, elle tapait m^eme au volet, mais personne ne vint lui ouvrir. La maison semblait abandonn'ee.
***
En quittant la pharmacie de M. Peyrat, Mme Labour`es n’attachait gu`ere d’importance au r'ecit que venait de faire Saturnin. En arrivant le soir m^eme chez elle, et en contant l’aventure `a son mari, elle en doutait d'ej`a un peu moins, et se demandait comment et pourquoi on avait mordu Saturnin.
Le lendemain matin, en s’'eveillant, Mme Labour`es, voyant passer le garde champ^etre, le h'ela :
— Et autrement, Parandious, venez donc voir un peu ici. Vous savez ce qu’ils ont fait, chez Borel ? Ils ont mordu mon Saturnin. M^eme que M. Peyrat m’a dit de faire tr`es attention, car peut-^etre il deviendrait enrag'e.
C’'etait l`a une confidence sensationnelle que Parandious, en digne garde champ^etre qu’il 'etait, ne pouvait longtemps garder pour lui seul. Il se rendit `a l’auberge imm'ediatement la mieux achaland'ee de Beylonque, et confiait la chose `a tous les buveurs attabl'es :
— Pas moins, c’est tout de m^eme malheureux, des 'etrangers dans le pays qui se permettent de faire du mal `a un pauvre enfant, un simple qui n’a jamais fait de tort `a personne.
De la sorte, alors qu’`a dix heures du matin, nul n’e^ut cru de sang-froid que Saturnin e^ut 'et'e r'eellement mordu, `a midi, la chose 'etait tenue pour certaine par le village tout entier.
L’histoire provoquait une 'emotion consid'erable. Personne n’aimait vraiment les Borel, qui vivaient `a l’'ecart, ne fr'equentaient aucun voisin, ne saluaient pas m^eme M. le cur'e ou M. le maire. Mais maintenant, on se sentait anim'e `a leur endroit d’une col`ere farouche.
— Croyez-vous, r'ep'etait-on de porte en porte, croyez-vous, Mme Borel qui s’est permis de mordre le petit Saturnin, le fils aux Labour`es. Ah bien, on va lui faire un proc`es. Si c’est pas Dieu possible, un simple !
Les col`eres ferment`erent de la sorte un certain temps encore.
`A trois heures, le maire faisait appeler son garde champ^etre :
— Parandious, ordonna-t-il, vous allez vous rendre chez Borel et interroger un peu les criminels qui y habitent. Pas moins. Il ne sera pas dit que dans ma commune, on pourra martyriser des enfants sans que l’autorit'e ose intervenir !
Parandious un quart d’heure plus tard, le bicorne en bataille, le gourdin menacant `a la main et la plaque 'etincelante en travers de la poitrine, partait `a la t^ete d’une troupe compos'ee d’une vingtaine de paysans arm'es de faux ou de fourches ou encore de vieux fusils de chasse.
Le si`ege cependant, commenca de facon bizarre. Bien qu’on les d'etest^at en ce moment, les Borel en imposaient un peu aux plus farouches vengeurs de Saturnin. Qui 'etaient-ils ? On ne le savait pas, d’o`u venaient-ils ? Personne ne pouvait le dire exactement ; il y avait six mois qu’ils habitaient le pays. Mme Borel n’en bougeait pas. Son mari faisait de tr`es fr'equents voyages. Ils devaient ^etre riches.
Parandious, devant la maisonnette, mit le bicorne `a la main. D’un doigt timide, il heurtait la porte, criant :
— Est-ce qu’il y a quelqu’un ?
Mais il n’y avait personne.
— Jour de ma vie ! finit par hurler le brave garde champ^etre, qui devenait de plus en plus d'ecid'e au fur et `a mesure qu’il s’av'erait que personne ne se trouvait `a l’int'erieur de la maison. Jour de ma vie, est-ce qu’ils auraient fui ?
^Etre partis si nombreux, avec des intentions farouches, pour arriver devant la porte close d’une maison abandonn'ee 'etait navrant. Mais du moment que l’on pouvait qualifier l’absence des locataires du nom de fuite, l’honneur 'etait sauf.
— Pas moins, c’est une chose certaine, expliquait un jeune paysan, quand ils ont vu qu’ils ne l’avaient pas tu'e, ils ont eu peur et ils ont fui. Ah, ils ont bien fait. On les aurait 'etrip'es !
Parandious, cependant, avait fait le tour de la maisonnette, appelant toujours. Mais sa voix n’'eveillait pas d’'echos, s’'etouffait dans le silence ouat'e des pignadas voisines. Il n’y avait personne dans la maison, personne dans le jardin potager, personne aux alentours.
— C’est cocasse, je me demande ce qu’il faut faire. Autrement, si l’on enfoncait la porte ?
Parandious, une fois encore victime de son temp'erament d’homme du Midi, venait d’avoir une id'ee g'eniale. Il n’avait pas propos'e d’enfoncer la porte qu’un homme robuste, d’un coup d’'epaule, faisait sauter celle-ci hors de ses gonds.
C’'etait une toute petite b^atisse `a un 'etage, fort mal entretenue, d'elabr'ee, aux aspects de chaumi`ere, et toute couverte de mousse, de lierre, de plantes grimpantes. Le rez-de-chauss'ee ne comportait qu’une grande pi`ece formant salle `a manger, cuisine et buanderie. La porte tomb'ee, d’un seul coup d’oeil on pouvait apercevoir toute la salle. Or, tout `a coup, des exclamations de stupeur, d’effroi, d’horreur s’'echapp`erent des l`evres de tous les assistants.