La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Les hommes, de leur c^ot'e, s’'etaient 'eloign'es et d`es lors, dans le silence et l’obscurit'e, semblaient devoir rena^itre un calme et une immobilit'e absolus aux abords du pavillon de chasse.
Au bout de quelques minutes, cependant, un l'eger bruit se produisit et les lianes touffues de vignes vierges aux larges feuilles qui obstruaient presque compl`etement l’entr'ee d’une petite tonnelle accot'ee au pavillon, s’'ecart`erent lentement pour laisser passage `a une personne qui fit quelques pas h'esitants, puis s’arr^eta net, r'eprimant un l'eger cri d’inqui'etude, de peur.
C’'etait une femme qui sortait de cette cachette improvis'ee.
`A quelques m`etres d’elle, sur le flanc de la colline, elle apercut tout d’un coup une sorte de chose ronde et sombre qui, apr`es avoir effleur'e le sol, s’y enfoncait avec rapidit'e et violence, soulevant autour d’elle un v'eritable nuage de poussi`ere sablonneuse.
La femme ayant assist'e `a ce spectacle 'etait dans l’espace d’un instant, tout comme Delphine Fargeaux, brusquement saupoudr'ee de sable fin des pieds jusqu’`a la t^ete.
Elle recula machinalement, rentra dans la tonnelle, mais d`es lors, comme rien de suspect ne se produisait `a nouveau, elle s’enhardit et sortit de sa cachette.
Cette tonnelle 'etait plac'ee juste `a l’oppos'e du pavillon devant lequel s’'etaient entretenus Mme Fargeaux et ses deux interlocuteurs. Cette disposition avait fait que la femme cach'ee `a l’int'erieur n’avait certes rien pu entendre de leur conversation. Elle ne paraissait d’ailleurs que m'ediocrement troubl'ee, et sit^ot l’incident de la pluie de sable termin'e, elle n’h'esita pas `a venir s’asseoir au pied d’un arbre, ne souffrant aucunement, semblait-il, de la temp'erature fra^iche de la nuit, tant elle paraissait pr'eoccup'ee.
Cette femme, jeune, 'el'egante, `a la silhouette distingu'ee, n’'etait autre qu’H'el`ene, la fille de Fant^omas.
La t^ete appuy'ee entre les mains, H'el`ene r'efl'echissait au milieu de la nuit et se rappelait le pass'e. Toutefois, sa pens'ee se reportait plus volontiers sur les huit derniers jours qu’elle venait de vivre.
Au d'ebut de la semaine qui s’achevait, H'el`ene avait quitt'e Paris en compagnie d’une pierreuse, Fleur-de-Rogue, que la fille de Fant^omas avait connue lorsqu’elle habitait Belleville o`u elle-m^eme 'etait connue sous le sobriquet de la Gu^epe, qui lui avait 'et'e donn'e eu 'egard `a la finesse de sa taille.
H'el`ene, `a la suite de p'erip'eties sans nombre, et n’'ecoutant que son bon coeur, avait recueilli un malheureux b'eb'e, un orphelin dont la m`ere 'etait une victime du sinistre Fant^omas, mais apr`es ce geste de d'evouement, la jeune fille, en envisageant sa vie si tourment'ee, si peu tranquille, avait cherch'e `a mettre en lieu s^ur ce pauvre petit ^etre que l’existence n’avait pas encore arm'e pour la lutte. Dup'ee par Fleur-de-Rogue, H'el`ene avait accept'e de partir avec la pierreuse et l’enfant, pour un village perdu au milieu des Landes, o`u le petit Jacques – c’'etait le nom du b'eb'e – devait, lui assurait la pierreuse, trouver une brave femme qui s’occuperait de lui. Confiante et na"ive en la circonstance, H'el`ene avait accept'e avec joie la proposition de celle qu’elle consid'erait comme une amie.
Elle 'etait donc arriv'ee avec sa compagne et l’enfant, il y avait de cela neuf jours exactement, au village de Beylonque, `a deux kilom`etres de la station du chemin de fer de Bordeaux `a Bayonne.
Les voyageuses avaient fini par atteindre, apr`es plusieurs heures de marche, une maison d'elabr'ee. Cette maison 'etait vide, d'eserte. Fleur-de-Rogue s’y 'etait install'ee, comme si elle e^ut 'et'e chez elle, et son attitude 'etait si naturelle, si simple, qu’H'el`ene n’en avait pris aucun ombrage. Mais la situation avait brusquement chang'e. L’attitude de la pierreuse se modifiait brusquement et celle-ci, jetant son masque d’hypocrisie, se montrait `a H'el`ene telle qu’elle 'etait r'eellement, c’est-`a-dire la farouche ma^itresse du sinistre Bedeau, le plus redoutable des apaches parisiens.
Fleur-de-Rogue s’'etait r'ev'el'ee aussi vindicative, hargneuse, jalouse surtout et, s’armant d’un couteau, elle avait menac'e la fille de Fant^omas.
La lutte avait 'et'e courte, mais son issue, sans aucun doute, allait ^etre fatale `a la malheureuse fille de Fant^omas.
Fleur-de-Rogue la terrassait et H'el`ene se rendait compte que s’il ne survenait pas quelque chose d’extraordinaire dans l’espace d’une demi-minute, c’'etait pour elle la mort la plus affreuse et la plus certaine. Mais ce quelque chose 'etait survenu. Brusquement, Fleur-de-Rogue avait l^ach'e sa victime, elle 'etait retomb'ee en arri`ere en poussant un terrible g'emissement. Une balle tir'ee du dehors avait fracass'e la m^achoire de la pierreuse, transpercant aussi la gorge, et Fleur-de-Rogue, gisant dans une mare de sang, n’avait pas tard'e `a rendre le dernier soupir.
Atterr'ee, stup'efaite, puis, prise d’une inqui'etude folle, H'el`ene qui avait consid'er'e ce spectacle avec des yeux hagards, pleins d’'epouvante, r'eagit alors, faisant sur elle-m^eme un effort surhumain.
— Quelqu’un, se disait-elle, a tir'e, quelqu’un a tu'e Fleur-de-Rogue.
La jeune fille se pr'ecipita `a la fen^etre et elle entrevit, se profilant confus'ement sur l’ombre, une silhouette qui s’enfuyait, une silhouette f'eminine. N’'ecoutant que son courage, voulant `a toute force assouvir sa curiosit'e, H'el`ene s’'elanca `a la poursuite de cette ombre. En vain.
La jeune fille alors, malgr'e l’appr'ehension qu’elle 'eprouvait, 'etait revenue sur ses pas. Elle voulait rentrer dans la maison tragique pour y reprendre l’enfant qui s’y trouvait encore. Toutefois, lorsque H'el`ene 'etait arriv'ee devant la masure qui avait 'et'e le th'e^atre d’un drame aussi bref qu’incompr'ehensible, elle s’'etait heurt'ee `a une porte rigoureusement verrouill'ee, `a des volets herm'etiquement clos. Il lui avait 'et'e impossible de rentrer dans la demeure qu’elle venait de quitter. Pendant pr`es d’une heure, au milieu de la nuit, la jeune fille s’'etait efforc'ee de franchir les obstacles que des ^etres inconnus opposaient ainsi `a sa volont'e.
Ne pouvant r'eussir, elle avait recul'e.
Qu’'etait devenue, depuis lors, la fille de Fant^omas ?
Elle avait err'e pendant toute la nuit, puis, au jour, s’'etant approch'ee du village, esp'erant y apprendre quelque nouvelle, H'el`ene avait proc'ed'e avec pr'ecaution dans ses enqu^etes, sachant par exp'erience combien il lui fallait ^etre prudente. N’'etait-elle pas perp'etuellement suspecte elle aussi et oblig'ee, par suite de la redoutable personnalit'e de son p`ere, de tenir secr`ete sa propre personnalit'e ? Et puis, en somme, avait-elle eu affaire `a des ennemis ? Il lui 'etait permis d’en douter. Car, si les gens qui 'etaient intervenus l’avaient s'epar'ee de l’enfant qu’elle voulait sauvegarder, ils l’avaient, d’autre part, sauv'ee de Fleur-de-Rogue qui allait l’assassiner. Allant de village en village, passant quelques nuits dans les huttes des b^ucherons, H'el`ene avait v'ecu dans la for^et de pins, dans les landes d'esertes.