La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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— Oh, fit-elle, vous me direz pourquoi on me traite ainsi ?
Mais elle avait beau se plaindre, son interlocuteur demeurait muet. Brusquement la col`ere d’H'el`ene tomba.
— Parlez-vous francais ? demanda-t-elle.
Son voisin, alors, avec un accent espagnol formidable, lui r'epondit sur le ton de quelqu’un qui s’excuse :
— Tout petit peu, se~nora, pas beaucoup comprendre.
D'esormais r'esolue au mutisme, H'el`ene 'etudia en d'etail sa prison roulante. C’'etait une automobile de tr`es grand luxe, toute tendue d’une 'etoffe ch`ere, orn'ee de ces mille petits d'etails qui t'emoignent du souci qu’apportent les propri'etaire `a rendre leur voiture aussi confortable que possible. C’'etait assur'ement un engin muni d’un tr`es puissant moteur. D’ailleurs, depuis quelques instants d'ej`a, on avait quitt'e la mauvaise route du coeur de la for^et, et d'esormais, l’automobile filait `a toute vitesse sur une grande et belle ligne droite, cependant qu’`a l’horizon s’apercevaient les lumi`eres d’une grande ville.
La voiture ralentit `a l’entr'ee des faubourgs, puis reprit sa marche rapide. Le pilote la faisait 'evoluer avec audace et dext'erit'e `a travers des rues tortueuses, 'etroites, et soudain la vitesse s’acc'el'era `a nouveau, l’automobile se replongeait dans la nuit de la campagne.
H'el`ene ignorait la localit'e que l’on venait de traverser, mais elle l’apprit soudain : son voisin, plein de pr'evenances pour elle, s’'etait inclin'e de son c^ot'e, et avait murmur'e :
— Bayonne.
— Bayonne, se r'ep'eta H'el`ene. Dr^oles d’agresseurs que ces gens-l`a, ils vous enl`event une femme pendant la nuit et n’ont rien de plus press'e que de lui expliquer les endroits o`u ils passent. Comment cela va-t-il finir ?
L’Espagnol revenait `a la charge, et s’enhardissant `a prononcer quelques mots de francais, apr`es avoir d'esign'e de la main de nouvelles lumi`eres scintillant au loin, il articula :
— Biarritz. Cinq minioutes.
L’Espagnol avait `a peu pr`es pronostiqu'e la dur'ee du trajet. Dix minutes apr`es, en effet, l’automobile p'en'etrait dans la ville 'el'egante. La voiture, subitement, s’arr^eta. H'el`ene, instinctivement, avait bondi hors du v'ehicule.
Elle n’'etait plus inqui`ete, mais furieuse, et se jurait bien que d’ici quelques secondes, elle saurait profiter de la confiance trop grande 'evidemment que ses ravisseurs lui accordaient.
H'el`ene avait `a peine mis le pied `a terre, elle s’appr^etait `a courir, `a fuir, jusqu’au premier passant, pour lui demander protection, voire m^eme simplement, jusqu’au premier carrefour. Mais ses intentions furent sans doute devin'ees, car ses deux compagnons de route, plus rapides encore qu’elle, la prirent chacun par un bras, lui firent faire volte-face et la pouss`erent pour ainsi dire, dans une maison dont la porte basse venait de s’entrouvrir. Entra^in'ee par ses ravisseurs, H'el`ene suivit un couloir obscur, elle entra dans une sorte de cabine dont on ferma la porte, puis, cette cabine trembla, s’'eleva doucement. H'el`ene se trouvait dans un ascenseur, toujours en compagnie des deux Espagnols.
Au deuxi`eme, l’ascenseur s’arr^eta. Les Espagnols de plus en plus respectueux, mais ne quittant pas leur prisonni`ere d’une semelle, lui firent traverser une galerie d'eserte et l’introduisirent dans un appartement qui soudain s’illumina.
Les anges gardiens disparurent aussit^ot, non sans fermer derri`ere eux la porte `a double tour.
Celle-ci regarda autour d’elle. C’'etait un vaste salon, assez 'el'egamment meubl'e, mais dont l’am'enagement aux allures banales et officielles r'ev'elait aussit^ot qu’on se trouvait non point dans une maison particuli`ere, mais bien plut^ot dans quelque local destin'e `a des gens de passage, `a des voyageurs sans doute. Une porte s’ouvrait dans une cloison situ'ee `a l’extr'emit'e du salon, et faisait communiquer cette pi`ece avec une autre, 'egalement illumin'ee.
De plus en plus stup'efaite, H'el`ene y p'en'etra. C’'etait une chambre `a coucher avec un grand lit de milieu, confortable, 'el'egant, soign'e.
— Comme je serais bien dans ce lit, se dit H'el`ene.
Mais soudain, son regard s’arr^eta sur une pancarte qui pendait au mur. Cette pancarte 'etait imprim'ee et l’ent^ete portait : Imp'erial H^otel de Biarritz.
Suivait une s'erie d’instructions pour les voyageurs, en plusieurs langues.
— Ah c`a, murmura la jeune fille interloqu'ee, me voil`a donc `a l’Imp'erial H^otel de Biarritz. C’est incompr'ehensible.
F'ebrilement, H'el`ene appuya sur le bouton de sonnette, r'esolue `a sonner jusqu’`a la venue de quelqu’un. Un instant, elle craignit que ce mode de communication avec l’ext'erieur n’e^ut 'et'e interrompu. Pas du tout. Elle entendit, en effet, au lointain, r'esonner le timbre qu’elle faisait vibrer. H'el`ene pr^eta l’oreille, des pas l'egers retentirent dans le couloir, une clef tourna dans la serrure, le porte s’ouvrit, une femme de chambre apparut :
— Madame d'esire ? demanda-t-elle, d’un air calme et nullement 'etonn'e.
Si la domestique n’'etait pas surprise, c’'etait H'el`ene qui demeurait abasourdie, en pr'esence du flegme de son interlocutrice.
Ah c`a, 'etait-elle donc attendue `a l’h^otel ? Savait-on qu’elle allait y venir ? Oui, sans doute, et cet appartement avait d^u ^etre retenu depuis quelque temps d'ej`a pour qu’elle v^int s’y installer.
Du coup, la jeune fille r'esolut de ne plus chercher `a fuir et n’osait m^eme pas interroger. Plus de doute, c’'etaient des amis qui l’avaient amen'ee l`a. Il ne fallait manifester ni surprise, ni 'etonnement, ne pas essayer de fuir. Si on ne l’avait pas pr'evenue, c’est que cela n’avait pas 'et'e possible. Voil`a tout.
— Je meurs de faim, dit-elle `a la cam'eriste, ne pourrait-on me servir quelque chose ?
La femme de chambre 'enum'erait ce qu’on pouvait se procurer `a cette heure tardive. H'el`ene commanda un repas frugal. Un quart d’heure plus tard, elle 'etait servie. Malgr'e ses 'emotions, ses inqui'etudes et ses angoisses, H'el`ene fit honneur au souper fort app'etissant qu’on lui servait. Au fur et `a mesure qu’elle se r'econfortait, qu’un agr'eable vin blanc de Bordeaux rosissait ses joues p^ales, elle se sentait envahie d’un bien-^etre d’autant plus d'elicieux qu’il survenait apr`es de rudes fatigues.
4 – LA MARE AUX SANGSUES
`A quinze cents m`etres environ du village de Beylonque, l`a o`u les pignadas, durant des kilom`etres et des kilom`etres, commencent `a dresser vers le ciel leurs espaces 'etrangement ouat'es d’ombre et de silence, une masure attirait le regard. Les murs 'etaient, `a leur base, constitu'es par des moellons. Un peu plus haut, des briques s’apercevaient, une charpente de bois couronnait l’'edifice dont le toit 'etait fait d’ardoises, de tuiles et, sur l’un de ses pans, de chaume tout bonnement.