La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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C’'etait avec une angoisse secr`ete qu’il s’'epiait lui-m^eme, s’espionnait continuellement, passait son temps `a se demander :
— Je fais ceci, je pense cela, est-ce d’un fou ? ou est-ce d’un homme normal ?
`A minuit seulement, J'er^ome Fandor ferma les yeux.
Il dormit d’un sommeil agit'e, fi'evreux, entendant les moindres bruits. On avait laiss'e la porte de sa chambre ouverte pour donner plus de facilit'e au gardien dormant dans le dortoir voisin de le surveiller. Il entendait de temps `a autre l’'eclat de rire d’un d'ement, le hurlement d’un autre et puis aussi des interjections, des ordres de l’infirmier :
— Veux-tu te tenir tranquille, braillard ?
— Sapristi, vas-tu retirer tes draps ?
— Tu vas voir, toi, N° 28, si je vais te calmer avec une bonne douche.
En m^eme temps qu’il percevait dans une demi conscience ce qui se passait aupr`es de lui, Fandor inventait les extraordinaires p'erip'eties d’un cauchemar abominable :
C’'etait un homme `a figure d’assassin qui surgissait dans sa chambre…
Tiens ! le gardien hurlait :
— Si vous criez encore, je vous douche.
… Oui, oui, c’'etait un homme qui p'en'etrait dans sa chambre…
Mais 'etait-ce lui qui faisait craquer le parquet en marchant ?
Ou bien ce bruit venait-il du dortoir ?
Et puis que voulait-il, ce myst'erieux visiteur de nuit ? Comment 'etait-il entr'e ?
Fandor se retourna dans son lit, repris par sa fi`evre… Oh ! mais il le reconnaissait, l’homme qui s’introduisait dans sa chambre. Parbleu ! ce n’'etait pas un cauchemar… il avait beau avoir bien sommeil, il ne r^evait pas. Quelqu’un 'etait vraiment entr'e.
Oui ! oui ! c’'etait un uniforme qu’il portait, c’'etait un gardien, l’infirmier du dortoir, sans doute ?
Fandor, de plus en plus pris par le cauchemar, se tournait et se retournait. Il ouvrit des yeux hagards… Voyons, r^evait-il ou ne r^evait-il pas ? Ce gardien, qui 'etait entr'e dans sa chambre, qui s’approchait de lui, qui fr^olait son lit… Que m'editait-il donc, cet homme ?
Fandor faisait effort pour se dresser sur son s'eant, mais le sommeil paralysait ses mouvements.
— Je r^eve, je r^eve, se dit-il.
Et puis, brusquement, la conscience lui revint.
Le journaliste venait d’'etendre la main hors de son lit pour v'erifier que le cr^ane auquel il tenait tant, et qu’il avait pos'e sur une chaise, 'etait toujours `a sa place.
Or, le cr^ane avait disparu.
Fandor chassa le sommeil d’un effort de volont'e… Il ouvrit des yeux dilat'es par l’effroi, il vit. Oui, il vit :
Un homme, v^etu comme un gardien, un gardien, son gardien, s’enfuyait par la fen^etre et emportait le cr^ane.
Fandor, d’un mouvement se jeta `a bas de son lit… Il se rua vers la crois'ee, il hurla :
— Au voleur !…
Mais l’'elan du jeune homme 'etait tel qu’il se heurta brusquement aux vitres ferm'ees… sa main passa au travers du carreau… Il s’'etait bless'e… du sang giclait, chaud, rouge, pr'ecipit'e… mais Fandor n’y pr^eta m^eme pas attention.
`A travers les barreaux qui garnissaient la fen^etre, voil`a qu’il croyait encore apercevoir la silhouette du gardien s’enfuyant et brandissant la t^ete de mort.
Pour la seconde fois, Fandor hurla :
— Au secours, au voleur…
Mais il n’acheva pas.
Dans le couloir o`u donnait sa chambre, des pas pesants retentissaient, un homme accourait :
— Mon cr^ane ! mon cr^ane ? On vient de voler mon cr^ane…
Fandor criait cela, agitant ses bras ensanglant'es…
Et puis, il se senti empoign'e par deux robustes gaillards, un b^aillon s’appliqua sur sa bouche, des coups de poing l’'etourdirent `a demi.
— C’est la crise, dit une voix.
— Parbleu.
— Ce qu’il gueulait, l’animal. Un peu plus, il r'eveillait tout le monde…
Fandor se sentit enlev'e, transport'e. La lutte 'etait impossible. On avait d^u lui passer la camisole de force : il avait les mains prises, les jambes immobilis'ees.
Fandor sentit qu’on le d'eposait brutalement sur le sol… Et, avant m^eme qu’il ait pu se reconna^itre, c’'etait, sur sa poitrine, le rude choc d’un lourd jet d’eau ; c’'etait le fourmillement, sur tout son corps, d’une pluie glac'ee, si glac'ee qu’elle le br^ulait… On le douchait.
Et maintenant qu’il s’'eveillait, meurtri, bris'e, affol'e, sous le jet d’eau qui le torturait, qui le fouettait, Fandor songeait, indiff'erent presque `a sa torture :
— Voyons, est-ce que je viens d’avoir un cauchemar ? est-ce que je suis fou ? est-ce que tout `a l’heure je retrouverai le cr^ane dans ma chambre ? ou bien me l’a-t-on vol'e ? ou bien, s’est-on r'eellement enfui ?
5 – LA VIEILLE LAETITIA
Il 'etait tr`es tard.
Au vol circulaire des oiseaux de nuit qui rasaient de leurs battements d’ailes pr'ecipit'es le sommet des hauts arbres, aux cris des b^etes sauvages dont on devinait par moments les yeux flamboyants dans les broussailles, au croassement 'enervant des corbeaux attard'es autour de quelque charogne, au hululement plaintif des chouettes, `a tous ces riens qui sont pour l’homme habitu'e `a la nuit du veld autant de d'etails parlants, autant d’indices certains, Teddy lisait l’heure.
La nuit 'etait noire, sombre, froide, sans lune ni 'etoiles et peut-^etre, m^eme, de gros nuages 'etaient pr^ets `a crever, en une de ces pluies torrentielles, lourdes et brutales, comme il en tombe en Afrique du Sud.