La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
Шрифт:
— Pour te plaindre, mon petit. De qui ? On t’a fait mal ? Quelqu’un t’a tourment'e ?
— Oui, docteur. Un infirmier…
Le front du directeur se plissa.
Les infirmiers de l’asile ? G'erard Herbone prenait un soin tout sp'ecial pour les choisir, pour s’assurer que c’'etaient de braves garcons, incapables de tourmenter les fous confi'es `a leur garde. Mais des enqu^etes pouvaient-elles le rassurer `a cet 'egard ?
Et chaque fois qu’on lui disait, que ce f^ut un interne ou que ce f^ut un d'ement, qu’un infirmier avait 'et'e brutal, G'erard Herbone, malgr'e lui, tremblait que ce ne f^ut vrai.
— Un infirmier t’a tourment'e ? c’est vrai cela ? dis-moi ce qu’il t’a fait ? Va, parle en confiance, tu sais que je ne veux pas qu’on ennuie mes pensionnaires ? Raconte-moi tout ? je te promets que je te ferai rendre justice.
— Ah, docteur, docteur, vous ^etes bon, et que je vous remercie de tout mon coeur… Vous ne pouvez pas savoir l’importance qu’il y a pr'ecis'ement `a ce que vous me fassiez rendre justice.
— Si, si. Mais qu’est-ce qu’on t’a fait ?
— Docteur, il y a deux jours, le soir m^eme de l’entretien que j’avais eu avec vous, j’'etais couch'e dans ma chambre, et avant de me coucher, j’avais pos'e mon cr^ane, vous savez, ce cr^ane auquel je tiens follement, sur une chaise `a c^ot'e de mon lit…
— Oui, alors ?
— Docteur, vous aviez permis, n’est-il pas vrai, qu’on me laisse ce cr^ane ?
— Est-ce qu’on te l’a repris ?
— Oui, docteur. Figurez-vous que, pendant la nuit, j’ai 'et'e r'eveill'e par quelqu’un, par un gardien, par mon gardien qui entrait dans ma chambre. Je dormais `a moiti'e, c’est pour cela que je n’ai pas pu appeler tout de suite. Cet homme s’est approch'e de mon lit, a pris le cr^ane, s’est sauv'e par la fen^etre.
— Par la fen^etre ? mais voyons, mon petit, il y a des barreaux `a ta fen^etre ?
— C’est vrai, docteur, je me trompe. J’ai cru qu’il se sauvait par la fen^etre, mais en fait, les choses n’ont pas d^u se passer ainsi… Docteur, cet homme a pris le cr^ane sur la chaise, il a ouvert la fen^etre, et l’a jet'e dans les terrains vagues qui entourent l’asile… C’est `a ce moment que je me suis r'eveill'e.
— Et alors, qu’est-ce que tu as fait ?
— Docteur, j’ai couru `a la fen^etre, pour me pr'ecipiter sur mon voleur. Mais il s’'etait 'echapp'e. Je me suis heurt'e au carreau, j’en ai m^eme bris'e un et je me suis coup'e au poignet… Voyez mes cicatrices… Puis j’ai appel'e, j’ai cri'e… J’esp'erais qu’un second gardien arriverait…
— Et il n’est venu personne ?
— Si, docteur, c’est le m^eme gardien qui est arriv'e accompagn'e d’un de ses aides, ils m’ont pris par derri`ere, lui a pr'etendu que j’avais une crise, son coll`egue l’a naturellement cru, ils m’ont battu, ils m’ont pass'e la camisole de force, ils m’ont tra^in'e `a la douche. Docteur, il faut que l’on retrouve ce cr^ane. Je vous en conjure, il faut que vous mettiez tout en oeuvre pour qu’on le recherche dans le terrain vague.
G'erard Herbone venait de se lever.
Il se promenait `a grands pas dans son cabinet de travail, t^ete basse, les mains enfonc'ees dans les poches, dans l’attitude d’un homme qui r'efl'echit profond'ement.
En fait, le directeur de l’asile 'etait non seulement 'emu, mais encore tr`es troubl'e.
J'er^ome Fandor venait de lui parler d’un ton si pond'er'e, de facon si calme, alors qu’en g'en'eral, les fous s’'enervent quand ils font allusion `a l’une de leurs anciennes hallucinations, qu’il 'etait pris d’un doute.
'Etait-ce vrai ce que lui contait ce d'ement ?
Parbleu, c’'etait possible `a la rigueur qu’un infirmier, par mani`ere de plaisanterie, par cruaut'e b^ete, se fut amus'e `a voler `a ce pauvre garcon, le cr^ane auquel, dans sa folie – `a supposer qu’il f^ut fou – il attachait une si grande importance.
Mais comment le savoir ?
G'erard Herbone arr^eta bient^ot sa promenade :
— On t’a battu ? questionna-t-il, c’est vrai, cela ?
D’un geste spontan'e, Fandor se d'epouilla de son veston, releva la manche de sa chemise :
— Tenez, docteur, j’ai le bras couvert d’ecchymoses…
G'erard Herbone se pencha sur le journaliste, regarda de nombreuses traces bleu^atres sur le bras qu’exhibait son patient.
Et cette fois, le docteur ne r'epondit rien. Pour la premi`ere fois, peut-^etre, de sa carri`ere, il lui venait une horreur soudaine de ses fonctions.
— 'Ecoute, dit-il `a Fandor, je te crois, et si cela est comme tu le racontes, je te promets que je ferai tout le n'ecessaire… mais si tu m’as menti… je te punirai s'ev`erement… voyons, m’as-tu dit la v'erit'e ?… r'efl'echis ?… Tu te plains d’un infirmier, duquel, tu dois savoir son nom ? dis-le moi ? je m’en vais l’interroger l`a, devant toi…
Fandor n’h'esita pas.
— C’est l’infirmier Georges, dit-il.
— Bon, attends.
Quelques minutes apr`es, demand'e d’urgence, l’infirmier Georges faisait son apparition dans le cabinet du directeur.
— Georges, commenca d’une voix s'ev`ere, l’excellent G'erard Herbone, ne vous rappelez-vous pas qu’au moment o`u je vous ai engag'e ici, je vous ai pr'evenu que je ne supporterais jamais que vous tourmentiez les malades ?
L’infirmier, en entendant ce d'ebut de r'eprimande, prit une figure stup'efaite.
— Mais, monsieur le directeur, commenca-t-il, jamais…
— Qu’est-ce qui s’est pass'e l’autre jour au juste ? vous avez cach'e le cr^ane de ce garcon ?
— Moi, monsieur le directeur ?
L’infirmier, avec une conviction absolument sinc`ere se frappa la poitrine…
— Moi, j’ai pris le cr^ane de ce pauvre diable ? Ah ! monsieur le directeur, c’est dur de s’entendre accuser de choses pareilles.
— Pourtant, il a bien disparu ? vous ne le niez pas ?…