La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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`A mots pr'ecipit'es, hachant ses phrases, se rapprochant de plus en plus du fossoyeur, comme si elle voulait le convaincre en l’hypnotisant de son regard 'etincelant, la grande dame parla tout d’un trait :
— Le dernier cercueil que l’on a descendu dans ce caveau est celui d’un parent, d’un ami… d’un ^etre que j’aime… que j’aimais plus que tout au monde. Une erreur effroyable a 'et'e commise… on a enferm'e dans cette bi`ere un document de la plus haute importance, et… tenez… j’aime mieux tout vous avouer, car je veux croire que vous allez m’aider, j’'etais venue dans l’intention d’ouvrir cette bi`ere et d’y prendre le document.
L’homme haussa les 'epaules.
— C’est impossible.
— Oh ! ne me dites pas ca, s’'ecria-t-elle, ce serait vouloir ma mort, ce serait provoquer le drame le plus affreux qu’il soit possible d’imaginer. Je vous en prie, monsieur, puisque la chose est en votre pouvoir, ouvrez cette grille, ouvrons ce cercueil.
— C’est absolument interdit, fit observer l’homme, interdit par l’Administration. Quiconque enfreindrait cet ordre serait puni.
`A ces paroles peu encourageantes, la grande dame eut cependant un l'eger sourire de triomphe.
Discr`etement, elle tira de son r'eticule, un petit portefeuille qu’elle glissa presque de force dans la main du fossoyeur.
— Je vous jure, dit-elle, que nul n’en saura rien… nous aurons vite fait… au nom du Ciel aidez-moi.
Une lutte poignante devait s’^etre engag'ee dans la conscience du fonctionnaire.
Certes, ce que lui demandait cette femme 'etait 'etrange, anormal, non pas impossible comme il l’avait dit. Rien ne lui 'etait plus simple, en effet, que d’ouvrir la grille du caveau, que de descendre les quelques marches qui conduisaient `a la crypte pour aller ouvrir le cercueil.
Mieux que personne, le fossoyeur savait que le cimeti`ere 'etait d'esert, que nul ne viendrait les surprendre.
Il 'etait honn^ete homme et respectueux de la consigne, mais il n’'etait pas riche certes, et charg'e de famille.
Cette personne appartenait s^urement au grand monde et ce qu’elle disait devait ^etre vrai, et le fossoyeur savait par exp'erience que ce n’est pas par pure curiosit'e ou simple gaiet'e de coeur que l’on d'esire faire ouvrir un cercueil.
Apr`es de longues h'esitations, c'edant enfin aux objurgations de plus en plus vives de son interlocutrice, le fossoyeur acquiesca.
La grille s’ouvrit, l’homme et la femme descendirent doucement dans le caveau glacial 'eclair'e par la lune.
Il y avait l`a plusieurs cercueils rang'es les uns `a c^ot'e des autres, attendant leur inhumation d'efinitive.
Une grande bi`ere, sur le couvercle de laquelle 'etait fix'ee une plaque de m'etal portant cette simple inscription :
Tom Bob
retint l’attention de la dame blonde.
Elle d'esigna du doigt le cercueil au fossoyeur.
Celui-ci, r'esolu `a tenir sa promesse jusqu’au bout, avec une dext'erit'e de professionnel, enleva de la pointe de son couteau les vis `a peine enfonc'ees du couvercle de ch^ene. Le couvercle se rabattit bient^ot. Le mort apparut.
C’'etait un homme d’une quarantaine d’ann'ees, au visage calme et repos'e, au cheveu rare, argent'e sur les tempes. Il paraissait dormir et ses membres n’avaient m^eme pas la rigidit'e habituelle des cadavres.
— D'ep^echez-vous, madame, dit le fossoyeur qui s’'etait 'ecart'e.
La grande dame s’'etait jet'ee `a genoux pr`es de la bi`ere ouverte, et avant que le fossoyeur ne f^ut revenu de sa surprise, elle avait renvers'e le contenu d’une fiole dissimul'ee dans le creux de sa main, sur les l`evres du mort.
Le fossoyeur avait pouss'e un cri d’'epouvante :
— Ah ! madame… que voulez-vous donc faire ?
Mais l’'emotion, le cloua sur place, 'emu, h'eb'et'e, 'evanoui, on ne savait pas.
Quelques secondes apr`es, le mort revenait `a la vie. Ses paupi`eres remuaient, ses bras eurent quelques contractions. L’homme enfin se redressa.
Ses l`evres s’agit`erent, il parla :
— Lady Beltham, murmura-t-il, merci, je vous attendais.
Lady Beltham, car c’'etait elle, en effet qui avait assum'e la redoutable t^ache de venir ouvrir le cercueil de Tom Bob, eut un mouvement d’angoisse :
— Vous 'etiez donc r'eveill'e ? fit-elle.
— Depuis une heure, r'epliqua le ressuscit'e, je vous entendais, mais je ne pouvais faire le moindre mouvement. Si mon esprit vivait, mon corps 'etait encore plong'e dans la catalepsie.
— Tom Bob, implora lady Beltham, partons… fuyons.
L’homme sur la bi`ere duquel on avait 'ecrit le nom c'el`ebre de
— Celui-l`a, qu’est-ce qu’il fait ?
Lady Beltham expliqua le pr'ecieux concours que lui avait pr^et'e le fossoyeur, elle insista sur le malheur irr'eparable qui aurait r'esult'e de son refus de coop'erer.
Tom Bob, cependant, qui sentait peu `a peu rena^itre en lui son irr'eductible vigueur, son admirable robustesse, demeurait songeur, les sourcils fronc'es.
— Ce fossoyeur, articula-t-il enfin, lentement, est un t'emoin… f^acheux.
— Gr^ace pour lui, Tom Bob, dit lady Beltham.
Mais Tom Bob ne l’'ecoutait pas. D'ej`a il se penchait sur le corps inerte du fossoyeur. La commotion avait 'et'e violente, l’homme ne reprenait toujours pas connaissance. Tom Bob eut un sourire affreux, en consid'erant celui qui allait ^etre sa victime. Ses mains muscl'ees et vigoureuses se nou`erent autour du cou du fossoyeur, puis ses doigts serr`erent longuement, cependant que le pouce comprimait avec 'energie les carotides et la trach'ee-art`ere. Le malheureux n’eut pas un mouvement de r'evolte, ne fit pas un geste.