La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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La France a l’Op'era-Comique pour les entrevues de fianc'es, les sujets du Royaume-Uni d’Angleterre encha^inent volontiers leur libert'e apr`es des travers'ees pendant lesquelles ils ont su distraire leur neurasth'enie et d'ecouvrir l’^ame soeur.
***
Le British Queenavait quitt'e Southampton depuis quelques heures. Le cr'epuscule projetait des lueurs flamboyantes sur l’immensit'e paisible de l’oc'ean, lorsque dans le couloir b^abord des passagers de premi`ere classe, c^ot'e impair, un homme 'el'egant, distingu'e, s’approcha du domestique qui avait charge des cabines de cette section :
— M. Duval, demanda-t-il, est-il chez lui… au 91 ?
Le steward avait d'ej`a fait connaissance avec la plupart de ses patrons temporaires. Il avait la grande habitude de son m'etier et, fort perspicace, expert `a reconna^itre les gens qu’il n’avait vus qu’une fois, il identifiait d'ej`a tout son monde.
— M. Duval n’est pas encore revenu dans sa cabine. Toutefois, il doit ^etre `a bord, ses bagages sont plac'es. Qui devrai-je annoncer lorsque M. Duval reviendra ?
L’interlocuteur donnait son nom, en esquissant un sourire de satisfaction :
— Vous direz que c’est M. Smith.
Le domestique s’inclina.
Puis, pour r'epondre `a un coup de sonnette, il se pr'eparait `a quitter M. Smith, lorsque celui-ci le retint par le bras :
— Dites-moi mon ami, fit-il, r'eflexion faite, c’est inutile d’informer M. Duval de ma visite. Vous ne lui direz rien.
Pour ^etre s^ur que cet ordre serait ex'ecut'e, M. Smith donna un pourboire au serviteur et s’en alla.
De l’autre c^ot'e du bateau, dans la section tribord, une sc`ene semblable se d'eroulait au m^eme instant.
`A une femme de chambre pr'epos'ee au service des cabines, un homme d’un certain ^age avait demand'e :
— M. Smith est-il chez lui, cabine 92 ?
Et comme on lui r'epondait par la n'egative, le visiteur dissimulant mal un mouvement de m'econtentement avait murmur'e :
— D`es qu’il arrivera vous lui direz que M. Duval est venu le demander… ou… du moins… r'eflexion faite, ne lui dites rien, absolument rien.
Et pour ^etre s^ur que la consigne serait observ'ee, le personnage qui s’'etait donn'e comme 'etant M. Duval, glissait une gratification dans la main de la soubrette.
Puis il 'etait remont'e paisiblement par l’escalier qui conduisait au pont sup'erieur.
Ces deux passagers 'evidemment n’allaient pas tarder `a se rencontrer.
Encore que les paquebots transatlantiques soient de v'eritables villes flottantes, il est difficile de supposer que deux personnes les habitant soient incapables de s’y retrouver, `a moins qu’elles n’y mettent une fort mauvaise volont'e.
Quelques instants d’ailleurs apr`es ces petits incidents qui sont les 'ev'enements courants de la vie de bord, M. Duval revenait `a sa cabine, il ne songeait pas `a interroger le domestique charg'e de son service et celui-ci, fid`ele `a la consigne donn'ee, s’abstenait de lui parler de la venue de M. Smith.
M. Smith toutefois, avait, lui aussi, regagn'e sa cabine, mais plus subtil sans doute que le voyageur qui 'etait venu le demander, il questionnait la femme de chambre.
Et celle-ci, plus loquace, eu 'egard `a son sexe, que son coll`egue masculin, r'epondait apr`es quelques h'esitations :
— Ma foi, monsieur, il est bien venu tout `a l’heure un M. Duval vous demander, mais s’il vous en parle, ne lui dites pas que je vous ai annonc'e sa visite, car il m’a recommand'e de ne pas le faire.
M. Smith, tr`es satisfait semblait-il, de cette d'eclaration, promit bien volontiers le secret `a la soubrette.
Quels 'etaient ces voyageurs qui sans doute se cherchaient avec impatience, et semblaient aussi vouloir s’'eviter ?
On s’en doutera peut-^etre lorsqu’on saura que Fant^omas et Juve se trouvaient pr'ecis'ement l’un et l’autre `a bord du British Queen.
Mais comment et pourquoi ces deux irr'eductibles adversaires avaient-ils commis l’imprudence de monter ensemble `a bord du m^eme navire ?
L’un d’eux ignorait-il la pr'esence de l’autre, ou bien l’insaisissable bandit et le subtil policier s’'etaient-ils entendus pour naviguer ainsi de conserve ?
***
… Quelques jours auparavant, Fant^omas, fid`ele `a la promesse qu’il avait faite `a Juve au moment de son pseudo-suicide, de revenir le voir, s’'etait rendu au domicile du c'el`ebre policier.
Or, les deux hommes en t^ete `a t^ete, entre quatre murs, avaient eu une longue conversation qui n’avait 'et'e suivie d’aucune tentative d’arrestation, aucune tentative d’assassinat.
Certes, les deux hommes au cours de leur entretien s’'etaient tenus sur une prudente r'eserve et m'efi'es l’un de l’autre, mais en r'ealit'e les circonstances 'etaient telles qu’ils avaient 'et'e oblig'es de s’'epargner mutuellement.
Fant^omas tenait Juve par le secret du lieu o`u vivait Fandor.
Fant^omas 'etait tenu par Juve, car il avait besoin de son indulgence et de sa neutralit'e pour retrouver dans la r'egion m^eme o`u il savait Fandor, un ^etre 'eminemment cher `a son coeur. Et pour le d'ecouvrir il avait besoin de la complicit'e, tout au moins de l’inaction provisoire du c'el`ebre policier.
Les deux hommes avaient donc conclu un pacte tacite et le premier 'episode de leur action commune avait 'et'e de prendre passage `a bord du British Queen, o`u Juve s’'etait inscrit sous le nom de Duval et Fant^omas sous celui de Smith.