La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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— Le Natal, songeait Fandor, est d'ecid'ement un bon pays. Non seulement on y gagne cent francs par semaine `a ratisser une terre d’o`u sortent des diamants presque pr^ets `a ^etre accroch'es aux oreilles des jolies femmes, mais encore on parvient `a se procurer des smokings doubl'es de soie pour la modique somme de trois livres sterling qui valent une pi`ece de quatre-vingts francs comme un sou, `a Montmartre.
Fandor interrompu dans ses pens'ees, r'epondit `a la vendeuse du grand magasin dans lequel il se trouvait :
— Mais certainement mademoiselle, il faut me joindre une cravate noire.
— Toute faite monsieur ?
— Oh, comme vous voudrez.
— Toute faite c’est plus commode, mais `a faire, c’est plus 'el'egant.
La jeune fille voyant que son client ne se d'ecidait pas, lui donna d’autorit'e, un noeud de cravate tout fait. Elle l’ajouta au paquet de v^etements sur le comptoir.
— Monsieur, interrogea-t-elle, emportez-vous tous vos achats ?
— Ma foi oui, dit Fandor, je n’ai gu`ere le temps d’attendre qu’on me les livre.
Le journaliste passa `a la caisse et, quelques instants apr`es, il quittait d'efinitivement le magasin o`u il venait de faire un s'ejour aussi bref que possible, trop long `a son gr'e.
Fandor, comme tous les hommes, avait l’horreur des magasins. Lorsqu’il s’y rendait c’'etait pour d’imp'erieuses n'ecessit'es et avec l’intention bien arr^et'ee d’en finir au plus vite.
Le journaliste s’'etait soudain retrouv'e dans la rue principale de Durban, dans Lord Street, longue et large art`ere perpendiculaire aux Docks et qui trouait de part en part la ville importante dont les faubourgs s’'etendaient jusqu’aux premiers contreforts de la cha^ine des montagnes.
Durban est une ville qui cumule le pittoresque des cit'es exotiques et le caract`ere actif des villes civilis'ees de l’ancien continent.
C’'etaient des boutiques qui brillaient de mille feux, de grands immeubles, de bureaux et d’appartements priv'es luxueux.
Les rues 'etaient sillonn'ees d’automobiles et de tramways des mod`eles les plus r'ecents et cette ville nouvelle, par ce fait m^eme qu’elle 'etait de cr'eation toute r'ecente, ne r'ev'elait aucun vestige des proc'ed'es anciens, des formules pass'ees. Tout y 'etait neuf, 'etincelant, luisant, au point m^eme que l’ensemble finissait par avoir une allure par trop moderne et par trop raffin'ee, presque de mauvais aloi.
Et le seul point, le seul fait qui permettait de s’apercevoir qu’on ne se trouvait pas au centre le plus 'el'egant de Londres ou de New York, c’'etait la pr'esence dans les rues d’une multitude de cafres aux oripeaux bariol'es, et dont les faces noires demeuraient confondues d’'etonnement en pr'esence de cette activit'e fatigante, de cette perp'etuelle agitation.
Fandor, toutefois, n’attachait qu’une m'ediocre importance `a tout ce qui pouvait constituer le c^ot'e pittoresque de ses aventures. Le journaliste, comme il regagnait la petite chambre qu’il avait lou'ee dans un faubourg de la ville, r'efl'echissait `a la situation.
— Parbleu, se disait Fandor, elle est mauvaise la situation.
Le journaliste, trois ou quatre fois par jour, en plus des circonstances qui l’amenaient devant le concierge de sa maison, ne manquait jamais de demander s’il n’y avait pas de t'el'egramme, ni de lettre `a son adresse.
Invariablement, on lui r'epondait : non, et chaque fois Fandor se mettait `a jurer.
Ce jour-l`a, tandis qu’il s’habillait, Fandor grommelait encore contre le silence obstin'e de son ami.
— Cet animal de Juve est d’une insouciance. Dire qu’il n’a pas m^eme daign'e r'epondre `a ma d'ep^eche. Je lui ai pourtant t'el'egraphi'e sur un tel ton qu’il a d^u s’en alarmer.
Le journaliste avait d’ailleurs d’autres soucis. Fandor en achevant de rev^etir son smoking, monologuait `a haute voix pour pr'eciser sa pens'ee.
— Il y a trois points principaux qui m’inqui`etent et ces points ne sont autres que : Hans Elders, mon ami Teddy et la t^ete de mort disparue.
Quel lien y a-t-il entre ces deux cr^anes et ce cr^ane d'efunt ? Voil`a ce qu’il faudrait savoir, et voil`a ce que j’ignore… D’autre part, je suis assez tranquille, car l’asile de fous dans lequel on m’a fait l’honneur de me recevoir, ne s’est pas pr'eoccup'e de retrouver ma trace.
J’en veux `a ce Hans Elders qui est venu me d'erober la fameuse t^ete de mort, au risque de se faire pincer par toute la police du Natal, et je lui suis reconnaissant de cette incorrection `a mon 'egard, car son intervention a singuli`erement 'eveill'e l’attention du petit Teddy, qui sans cela ne serait sans doute jamais venu me chercher au Lunatic Hospital… Apr`es tout, ce Teddy m’a sauv'e la vie, pour la seconde fois.
Pour un peu j’aurais une enti`ere sympathie pour ce gamin, si je ne craignais pas d’accorder mon amiti'e `a une fichue fripouille, car si certains c^ot'es du caract`ere de Teddy me paraissent dignes et g'en'ereux, d’autres me font l’effet d’^etre parfaitement suspects.
Tout en monologuant, Fandor avait achev'e de s’habiller.
— Allons, fit-il en 'etouffant un soupir, allons, il faut aller voir ce monde, monde interlope, mais indispensable `a conna^itre.
Et Fandor, avec l’allure d’un parfait gentleman, quitta son humble domicile et sauta dans le tramway qui devait le conduire au centre de la ville.
Par suite de quels 'ev'enements Fandor, jusqu’alors employ'e en qualit'e d’ouvrier dans la chercherie de diamants, s’'etait-il soudain transform'e en un 'el'egant clubman pr^et, semblait-il, `a passer la soir'ee dans un lieu de plaisir ou dans un salon du monde ?
Fandor, apr`es la nuit au cours de laquelle il avait d'ecouvert l’'equivoque conduite de son ami Teddy, s’'etait jur'e de percer `a jour les myst`eres de Diamond House.
Se rendant compte que s’il continuait `a effectuer d’humbles besognes dans la chercherie de diamants il n’apprendrait rien, le journaliste s’'etait d'ecid'e `a risquer le tout pour le tout, `a s’habiller en homme chic, `a d'epenser largement les quelques livres sterling gagn'ees par lui, `a faire croire qu’il 'etait riche, afin de s’introduire co^ute que co^ute dans le milieu des relations de Hans Elders o`u, certainement, il trouverait mati`ere `a se renseigner.