La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
Шрифт:
Le capitaine Bulcher, un colosse au teint basan'e, qui 'etait officier de l’arm'ee indig`ene, prit par le bras le lieutenant et l’entra^ina hors des salles de jeu.
Dans celles-ci, en d'epit des efforts des croupiers, le baccara 'etait d'esert'e.
De tous c^ot'e on interrogeait Hans Elders et Teddy, et Fandor.
H'elas, des explications fournies par les deux premiers, il ne pouvait subsister de doute pour personne.
L’officier Wilson Drag 'etait bien coupable, on l’avait pour ainsi dire pris en flagrant d'elit et c’'etait m^eme son futur beau-p`ere, – puisque le lieutenant devait 'epouser Winifred – qui avait 'et'e oblig'e de le chasser.
Cependant que Hans Elders donnait d’abondantes explications sur le scandale, Teddy, que cette singuli`ere ex'ecution dont il avait 'et'e le principal auteur, devait remuer, se renfermait de plus en plus dans un mutisme maussade. Profitant d’un moment o`u il cessait de retenir l’attention, il s’esquiva du cercle.
Fandor s’'elanca `a sa poursuite et le rattrapa au vestiaire.
Ne voulant point lui montrer, par ses premi`eres paroles, le fond de sa pens'ee, ni lui laisser deviner ses appr'ehensions, il l’interpella sur un ton jovial :
— Eh l`a, mon ami Teddy ?
— Que me voulez-vous, monsieur Fandor ?
— Dieu, quel air tragique. Vous avez l’air bien press'e de partir ? Voulez-vous que nous allions fumer une cigarette ensemble ?
— Dans un salon 'ecart'e, si vous le voulez bien.
Les deux jeunes gens se retrouv`erent, en t^ete `a t^ete, dans la salle de lecture, vide : il 'etait deux heures du matin.
Le journaliste bouillant d’impatience interrogea :
— Cette fois m’expliquerez-vous ?
— Quoi ? fit Teddy en ouvrant de grands yeux 'etonn'es, limpides et si innocents, que Fandor en demeura surpris.
— Mais… votre attitude… votre facon d’^etre.
— Je vous ai tir'e d’affaire, murmura simplement Teddy, en vous 'evitant un duel avec le lieutenant Wilson Drag qui, certainement, vous aurait 'etendu raide mort, avant que vous n’ayez lev'e le doigt.
— Grand merci, r'epliqua Fandor, je dois reconna^itre que vous vous trouvez toujours l`a lorsqu’il s’agit de me tirer d’affaire. Mais, v'eritablement, vous ^etes trop aimable, et cette sympathie exag'er'ee commence `a me peser. D’ailleurs si vous avez accus'e le lieutenant Wilson Drag de ce vol, c’est que vous le savez coupable ?…
Teddy eut un petit rire nerveux et regarda Fandor bien en face.
— Je sais que Wilson Drag est innocent du vol qu’on lui reproche.
— Mais, bon Dieu, petite crapule, hurla Fandor, dites donc la v'erit'e pour une fois et ne faites pas perp'etuellement des myst`eres.
L’adolescent ne r'epondit pas, mais un tremblement nerveux le secoua tout entier.
Fandor, sans s’apercevoir de l’'etat de Teddy, poursuivait, lanc'e :
— D’abord j’aime autant tout vous dire, je suis net et franc, moi, cat'egorique et sinc`ere, moi, eh bien, Teddy, si vous ^etes s^ur de l’innocence de Wilson Drag, moi je suis certain de votre culpabilit'e, car, hier au soir, je vous ai vu voler dans le cabinet de Hans Elders. Voler l’argent dissimul'e dans les cartouches. Cet argent que vous vous ^etes appropri'e, cet argent qui me br^ule les doigts, car si quelqu’un a trich'e tout `a l’heure, ce n’est pas moi, mais vous. Vous qui avez perdu pour me faire gagner l’argent de votre vol d’hier.
Et joignant le geste `a la parole, Fandor jeta au visage de Teddy, horriblement p^ale, les billets de banque que le journaliste avait si facilement gagn'es quelques instants auparavant.
Teddy r'eagissant toutefois avait compl`etement repris son sang-froid.
Sans la moindre vergogne, il ramassa un `a un les billets que Fandor avait jet'es autour de lui.
— Monsieur Fandor, fit-il d’une voix douce et persuasive, cet argent vous l’avez bien m'erit'e, il vous appartient, gardez-le…
Fandor protesta du geste, Teddy n’insista pas :
— Soit, ajouta-t-il, je le conserve, il est `a votre disposition et vous me le r'eclamerez bient^ot, car il est juste que vous en ayez la propri'et'e. Monsieur Fandor, cet argent n’a rien de commun avec celui que vous m’avez vu prendre hier au soir dans les cartouches de Hans Elders. Dr^ole de coffre-fort, n’est-il pas vrai, monsieur Fandor, soit dit en passant, pour serrer de l’argent ? J’ajoute que ce vol, puisque tel est le mot qui semble vous plaire, je l’ai commis. Je ne le nie pas, je ne le regrette point, je m’en vante. Ce serait `a refaire que je recommencerais…
Au fur et `a mesure que Teddy parlait, Fandor sentait sa raison chavirer : Ce gamin avait une telle pond'eration, une telle facon de pr'esenter les choses, avec des sous-entendus si 'etranges et si concluants, qu’il semblait devoir avoir raison et cependant…
— Teddy, vous en savez long certainement sur le vol du n`egre, eh bien, au nom de notre amiti'e naissante, dites-moi la v'erit'e.
Teddy rougit de plaisir, tendit sa petite main `a Fandor, celui-ci la serra sans arri`ere-pens'ee.
Soudain rass'er'en'e par l’attitude plus confiante de son ami, Teddy s’installa `a califourchon sur une chaise, et les deux bras crois'es sur le dossier, souriant d’un air narquois, il commenca :
— Mon ami Fandor, vous ^etes un sot, et si vous n’aviez pas Teddy `a c^ot'e de vous, pour vous tirer d’affaire, vous seriez embarqu'e dans les plus d'esesp'erantes aventures. Mais Teddy tient `a vous, car vous lui ^etes sympathique. Oh ! cela oui, tr`es sympathique, je vous l’assure.
Teddy s’arr^eta une seconde, puis reprenant avec pr'ecipitation :
— Avec vous, `a nous deux, nous allons tirer ces t'en'ebreuses affaires au clair. 'Ecoutez : Hans Elders est le voleur, c’est un brigand, un monstre, un bandit sinistre. Il a vol'e l’argent de Jupiter. Il a fait croire `a ce pauvre n`egre que c’'etait le lieutenant Wilson Drag qui l’avait d'erob'e. Hans Elders a jou'e ce vilain tour `a l’officier parce qu’il savait que Wilson Drag 'etait l’amant de sa fille Winifred, l’amant de Winifred, entendez-vous, Fandor, et qu’il ne veut `a aucun prix, de ce lieutenant sans fortune pour gendre.