La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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Le cavalier tenait, en effet, un quartier saignant de viande rouge. S’'eloignant alors des chiens qui tiraient sur la corde, le cavalier se dirigea alors vers une maison noy'ee dans l’ombre, une ferme, une cahute plut^ot. Le cavalier s’en approcha, prenant garde de ne faire aucun bruit.
Il ne manifesta d’ailleurs aucune h'esitation et, d’une main s^ure, il d'ecrocha la cheville de bois qui retenait les volets.
— C’est sa chambre, murmura-t-il, et il passa la t^ete par la fen^etre :
`A droite, contre le mur, une table. Plus loin, une chaise sur laquelle des v^etements 'etaient pos'es. Enfin, au fond de la chambre un lit, un grabat plut^ot.
Un homme sommeillait lourdement.
— Quel r'eveil il va avoir, pensait le cavalier.
Et, disant cela, le jeune homme avait jet'e `a l’int'erieur de la pi`ece, le quartier de viande qu’il tenait toujours. Le dormeur ne s’'etait pas r'eveill'e.
Ce devait ^etre ce qu’avait esp'er'e le cavalier car il se frotta les mains, satisfait, cependant qu’une sorte de rire muet lui 'eclairait le visage :
— Mon vieux Jupiter, dit-il `a mi-voix, dans cinq minutes vous allez avoir grand peur, mais dans une demi-heure, j’imagine qu’un autre sentiment va s’emparer de vous.
***
'Etrange type que le bon n`egre Jupiter, ami de la famille Hans Elders. La nature qui l’avait dou'e d’une force hercul'eenne, l’avait, en m^eme temps, dot'e de cette sorte de bonhomie enfantine, de cette na"ivet'e du Bon Noir des l'egendes.
Jupiter, enfant du hasard, qui n’avait jamais connu tr`es exactement ses parents, s’'etait 'elev'e un peu tout seul. De bonne heure il avait 'et'e, au cours d’une razzia, emmen'e loin du village cafre o`u il avait vu le jour.
Jupiter, dans la bonne, comme dans la mauvaise fortune, 'etait rest'e le m^eme. Son 'egalit'e d’humeur 'etait parfaite et il 'etait toujours enjou'e malgr'e tout.
Il avait, `a vrai dire, des col`eres terribles, des paroxysmes de chagrin et de d'esespoir, mais l’espace d’un quart d’heure. Jupiter tenait `a bien manger, `a mieux boire, `a dormir tranquille, il n’aimait pas exag'er'ement travailler, et n’e^ut 'et'e l’amour ardent qu’il professait pour ce qu’il appelait son noble m'etier de boxeur, il aurait pass'e sa vie dans un farniente tranquille, dans une oisivet'e monotone et plaisante.
Jupiter pourtant avait 'eprouv'e un violent chagrin, lorsqu’un voleur inconnu l’avait d'epouill'e de la riche bourse de son dernier match. Mais, une heure apr`es le vol, il n’y songeait m^eme plus.
On lui avait d'erob'e sa bourse, c’'etait vrai, mais il lui restait en somme une parure de chemise, ainsi que le bracelet d’or, et Jupiter qui ne connaissait pas exactement la valeur de l’argent, n’'etait pas 'eloign'e de consid'erer qu’il 'etait pr'ef'erable qu’on lui e^ut vol'e les cent mille francs plut^ot que son bijou qui valait une fortune.
Jupiter n’avait donc perdu ni le boire ni le manger. Moins encore, il n’avait pas perdu ses qualit'es de dormeur extraordinaire.
Et dans son lit, dans la cahute qu’il occupait, une cahute qu’il avait 'elev'ee lui-m^eme, on ne savait trop pourquoi dans ce ravin isol'e, il dormait b'eat, en homme qui n’a aucun souci et qui r^eve `a un festin gigantesque.
Et dans ce r^eve d’un bonheur fou, Jupiter `a l’imagination gargantuesque, go^utait des plaisirs impossibles et irr'eels…
Soudain, comme il 'etait en train d’attaquer un p^at'e 'enorme o`u quelque cuisinier avait, dans une p^ate croustillante et dor'ee, enferm'e un mouton entier, il sursauta… des cris rauques avaient retenti, il avait senti sur son corps quelque chose de lourd et de remuant s’abattre par trois fois.
Il ouvrit alors les yeux, il distingua dans la p'enombre trois ^etres noirs qui sautaient, dont l’un bondissait sur sa table, dont l’autre tr'epignait sur son lit, dont le dernier, dans une course circulaire sur le plancher, renversait les chaises, dispersait les v^etements, le tout en poussant des grognements 'epouvantables.
Et c’est alors que Jupiter sauta hors de son lit.
Il cria au secours.
Comme si sa voix avait excit'e les myst'erieux visiteurs, ceux-ci s’'etaient pr'ecipit'es vers lui en poussant des cris atroces.
Jupiter, bouscul'e, chancela, renversa le lit. Et ce fut le signal d’une sc`ene horrible.
Le point d’appui qu’il cherchait lui avait fait d'efaut, Jupiter s’'etala de tout son long sur le plancher en poussant des cris :
— Li ^etre des diables…
Il criait et les chiens s’'enervaient, se disputaient, sautaient, bondissaient. Jupiter s’'etant d'ep^etr'e tant bien que mal de sa paillasse et des couvertures qui l’avaient `a moiti'e enseveli dans leur 'ecroulement, se trouva soudain nez `a nez avec ses agresseurs :
— Li ^etre pas des diables, fit-il, en soufflant un peu, li ^etre des chiens.
C’'etaient en effet les trois grands chiens du myst'erieux cavalier – qui avaient bondi `a l’int'erieur de la case et r'eveill'e le bon Jupiter. Par bonheur ces chiens n’'etaient pas f'eroces. Jupiter qui venait d’enfiler un pantalon, constata qu’ils avaient l’air de se disputer quelque chose. Et soudain sa face s’'eclaira : un farceur lui avait jou'e un mauvais tour. Mais qui pouvait ^etre ce farceur ? Jupiter acheva de s’habiller, puis courut `a la porte de sa case.
— Hello, cria-t-il, qui ^etre l`a ? qui s’avoir moqu'e de Jupiter ?…
Une voix avait r'epondu :
— Par ici, Jupiter, par le sentier creux.
— Toi, ^etre un farceur, mais moi attraperai toi et moi te tirer les oreilles ensuite.
Et il 'etait beaucoup plus pr`es de rire que de se f^acher. Jupiter d’ailleurs, `a un rayon de lune, apercevait le sol du sentier. Il avait plu peu avant et des traces fra^iches y apparaissaient. Des traces de fers de cheval…