La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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— Mais, monsieur le directeur, s’il a disparu, ce n’est pas de ma faute. Puisque c’est pr'ecis'ement le malade qui l’a jet'e par la fen^etre…
— Il l’a jet'e par la fen^etre ? Mais non, Georges, il ne l’a pas jet'e par la fen^etre, et la meilleure preuve c’est qu’il a appel'e au secours… au voleur, donc on le lui a pris… Qu’est-ce que vous r'epondez `a cela ?…
L’infirmier paraissait de plus en plus atterr'e. C’'etait d’une voix v'eritablement 'emue qu’il interrompit `a son tour, et sans souci du protocole, en homme qui se d'efend d’une accusation injuste :
— 'Ecoutez, monsieur le directeur, commenca-t-il, je ne sais pas ce que ce pauvre malheureux vous a dit, mais vrai dieu, voil`a ce qui est arriv'e : j’'etais dans le dortoir, avec le surveillant, tout d’un coup nous avons entendu appeler, en effet,
— Oui… et alors vous l’avez pris ? vous l’avez battu ?…
— Non ! nous l’avons saisi, nous ne l’avons pas battu… Ah ! dame, monsieur le directeur, on l’a peut-^etre saisi un peu fort, un peu violemment, ca, je ne dis pas…
— Vous 'etiez deux, pourtant, vous auriez pu…
— Monsieur le directeur, vous savez bien comme ils sont forts quand ils ont une crise ?
— Et alors ? apr`es ?
— Apr`es, monsieur le directeur ? eh bien il n’y a rien, apr`es… nous l’avons douch'e un peu pour le calmer, il 'etait dans un tel 'etat… et puis nous l’avons recouch'e ?
L’infirmier fit une pause, puis il reprit, de sa m^eme voix boulevers'ee :
— M^eme, monsieur le directeur, c’est dur de voir que vous me soupconnez d’une chose pareille… Mais pourquoi voulez-vous que je le lui ai pris son cr^ane…
— Est-ce que je sais, pour lui faire une plaisanterie ?
— Oh, monsieur le directeur, une plaisanterie, `a un fou.
L’infirmier avait prononc'e cette phrase d’un ton si sinc`ere, si r'evolt'e, que G'erard Herbone, soudain, fut convaincu…
Apr`es tout, c’'etait vrai ce qu’il disait, cet homme.
Il n’aurait eu aucun motif d’agir comme l’avait pr'etendu Fandor. Il y avait longtemps, du reste, qu’il 'etait employ'e `a l’asile, et puis, Fandor 'etait fou. Et les fous sont capables des pires dissimulations, des mensonges les plus abominables.
Non, il ne fallait pas, sous pr'etexte de prot'eger un d'ement, se montrer injuste vis-`a-vis d’un brave homme.
Le docteur prit une mine s'ev`ere et, se retournant vers Fandor :
— Tu vois ? disait-il, tu m’as menti ? C’est toi qui as jet'e le cr^ane par la fen^etre.
Ah ! cette fois, J'er^ome Fandor ne se contint plus…
Quoi, voil`a que ce docteur, tout `a l’heure si bienveillant, s’imaginait qu’il venait de lui jouer la com'edie.
Voil`a que quelques phrases d’un infirmier suffisaient `a 'ebranler sa conviction…
Et Fandor, dans un 'eclair de pens'ee comprit toute l’horreur de sa situation. Ce qui arrivait en cette minute 'etait ce qui d'esormais lui arriverait toujours.
Il 'etait r'eput'e fou.
Quoi qu’il dise, on ne le croirait pas. Quoi qu’il pr'etende, on le nierait et ce gardien, et d’autres gardiens, et tous les gardiens auraient toujours raison devant lui, et il ne sortirait jamais de l’asile, parce qu’il 'etait fou, aux dires de la science, et que tout ce que fait un fou ne peut pr'evaloir contre l’affirmation d’un homme sain d’esprit, cet homme f^ut-il la plus inf^ame des crapules.
Alors, une col`ere terrible envahit soudain le journaliste.
— Docteur, docteur, hurla Fandor, c’est inf^ame. Cet homme ment. Ce n’est pas moi qui ai jet'e le cr^ane par la fen^etre, c’est lui. Je vous ai dit la v'erit'e. Je ne suis pas fou. Non, non, je ne suis pas fou, je vous dis…
Mais le docteur ne l’'ecoutait plus. Il s’'etait retourn'e vers l’infirmier et lui disait :
— Georges, je vous rends justice. Que voulez-vous, ce malheureux m’avait impressionn'e. Il semblait, tout `a l’heure, si calme…
L’infirmier, d’un geste, d'esignait Fandor qui, les poings serr'es, semblait pr^et `a se jeter en avant :
— Monsieur le directeur, remarquait-il, vous le voyez maintenant ?…
— Nom de Dieu, hurla Fandor, est-ce que je peux rester calme aussi ?
Le directeur, tourn'e vers lui, ordonna :
— Tais-toi, tais-toi, n’est-ce pas ? ou je te fais conduire `a la douche…
Et comme Fandor, mat'e par la menace, faisait silence, G'erard Herbone continua :
— Oui, j’allais commettre une injustice… ma foi, Georges, ce malheureux m’avait roul'e, il avait parfaitement jou'e sa com'edie… Je m’en souviendrai `a l’'etablissement des gratifications, et puis, n’est-ce pas, n’en tirez pas vengeance ? Continuez `a ^etre bon pour lui ?… Il n’est pas responsable.
Georges, l’infirmier, s’inclina, calm'e, lui :
— Oh ! monsieur le directeur, vous pouvez ^etre tranquille…
— Seulement, la nuit, poursuivait le m'edecin-chef, puisque c’est surtout la nuit qu’il a des crises, prenez donc la pr'ecaution de l’attacher sur son lit.
***
Dans la petite chambre que Fandor continuait d’habiter au second 'etage, il faisait une obscurit'e compl`ete. Minuit venait de sonner, nul bruit ne s’entendait dans l’asile livr'e tout entier au silence du sommeil, nul bruit, `a part, de temps `a autre, l’exclamation d’un gardien donnant des ordres `a un agit'e.