La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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Apr`es la p'eriode d’excitation tr`es r'eelle qu’il avait subie au sortir de sa caisse, apr`es l’effroi compr'ehensible qu’il avait ressenti lorsqu’il s’'etait vu entra^in'e par les soldats et conduit `a l’asile d’ali'en'es, il 'eprouvait quelque peine `a se ressaisir, `a rentrer en possession de son habituelle lucidit'e.
Fandor avait v'ecu dans sa caisse `a la facon d’un mort. S'equestr'e, s'epar'e du monde vivant, n’ayant plus aucune relation avec ses semblables, voil`a que tout `a coup on l’avait coll'e au mur et qu’aussit^ot apr`es, on le d'eclarait fou et qu’on l’enfermait. Fandor n’'etait pas encore sorti de son 'etourdissement. Ah ! avoir dix minutes `a soi, pour faire le point. Mais non. `A son arriv'ee, un interne, sommairement, l’avait interrog'e en pr'esence de deux infirmiers, puis on avait voulu lui retirer le cr^ane qu’il portait toujours sous le bras, et comme il esquissait un geste de d'efense, le m'edecin avait dit :
— Bah, laissez-lui cela. C’est peut-^etre le moyen de le faire tenir tranquille. Mettez-le dans le quartier des
En observation !
Ce n’'etait pas sans un frisson d’angoisse que Fandor s’'etait vu emmen'e par les deux gardiens le long de l’interminable couloir qui divisait l’h^opital en deux tranches 'egales.
On l’avait conduit dans une chambre `a deux lits et l’un des infirmiers qui le convoyaient lui avait ordonn'e brutalement :
— D'eshabille-toi et fais vite. Tu vas coucher l`a et, tu sais, pas de b^etises. Au premier mouvement, la douche !
Fandor s’'etait gard'e de protester.
— Apr`es tout, s’'etait-il dit, ces gens-l`a me donnent une chambre, me mettent `a l’abri, vont me nourrir, profitons de l’aventure pour prendre quelque repos. Demain nous verrons `a protester de notre jugeotte.
D'ej`a philosophe, Fandor s’'etait h^at'e de se glisser dans son lit.
— Et ton cr^ane, demanda le gardien ; tu le gardes avec toi ?
En entendant le gardien lui reparler de cette t^ete de mort, Fandor ne put s’emp^echer de sourire et de contempler avec curiosit'e sa trouvaille qu’il venait de poser sur son lit.
— C’est ton amoureuse ? demandait l’infirmier avec un gros rire, tu veux coucher avec ?
— Ma foi oui, dit Fandor.
Nouvel 'eclat de rire de l’infirmier, mais qu’est-ce que ca pouvait bien faire `a Fandor. Puisqu’il 'etait fou !
***
Fandor avait pass'e une mauvaise nuit.
`A sept heures, on le secoua, et Fandor, encore tout engourdi de sommeil, se demandait avec une stup'efaction voisine d’un r'eel affolement, quel 'etait l’individu, v^etu d’un uniforme bleu qui lui ordonnait brutalement :
— L`eve-toi. Mets ta chemise. Ton pantalon. Et `a la douche.
De nouveau les couloirs dall'es, tout suintants d’humidit'e, une courte promenade. `A la suite de son guide, il p'en'etrait dans une petite salle remplie d’appareils `a douches, deux hommes le prirent par les 'epaules, le boucl`erent par les bras et les jambes `a la muraille. On ouvrit un jet, Fandor eut peine `a retenir un hurlement…
Comme tout le monde, il avait lu la description des supplices auxquels on soumet les fous, que douchent des infirmiers brutaux. Mais jamais il n’avait imagin'e la torture que pouvait ^etre ces douches. L’eau froide lui arrivait avec une force qui lui rompait les os. Elle 'etait glaciale, au point de produire une impression de br^ulure, de le laisser haletant, `a demi 'etouff'e. Et cela durait des minutes qui lui semblaient des si`ecles.
Quand, enfin, les infirmiers arr^et`erent le jet, Fandor, d'eboucl'e, s’entendit commander :
— Au trot. Retourne t’habiller. Tu vas aller au jardin maintenant.
Il crut, tant il 'etait bris'e, qu’il lui serait impossible de faire un pas. Mais c’est `a coups de poings qu’on le forca `a se relever, qu’on le conduisit `a sa chambre :
— Marche… allez, ta veste, tes souliers.
Fandor s’abstint de r'epondre. Il ne voulait pas discuter avec les gardiens.
De la chambre, sit^ot qu’il fut pr^et, on le conduisit au jardin. Fandor s’attendait `a y rencontrer d’autres fous, mais lorsqu’il descendit sur la pelouse qui constituait la cour de l’'etablissement – une cour entour'ee de partout par de hauts murs, une cour qu’'egayaient `a peine quelques maigres arbres dont le tronc 'etait ceintur'e de matelas `a hauteur d’homme – le d'esert s’'etendait autour de lui.
— Prom`ene-toi, ordonna le gardien. Il y a « visite » aujourd’hui et les camarades ne sortiront pas. On te les pr'esentera `a midi.
Fandor s’'etait promen'e.
'Etrange promenade dans ce jardin sinistre, entre ces murs matelass'es et ces arbres entour'es de capiton.
Le gardien, nonchalant, s’'etait 'etendu sur l’herbe et lisait son journal. Fandor avait pu r'efl'echir `a sa situation.
— Qu’est-ce que tout cela veut dire ? s’'etait-il demand'e. Est-ce `a l’intervention de Fant^omas, du sinistre, du terrible Fant^omas, qu’il faut attribuer l’incendie des docks ? Qu’est-ce que c’est que ce Teddy qui m’a sauv'e ?
Pourquoi portait-il ce coffret o`u se trouvait un cr^ane ? Et puis, comment vais-je sortir d’ici ?
`A midi, Fandor n’avait encore pris aucune d'ecision sur la conduite qu’il devait tenir, lorsque l’infirmier, qui, paresseusement, 'etait demeur'e toute la matin'ee 'etendu sous son arbre, feuilletant sa gazette, sommeillant, l’appela :
— H'e ! l`a-bas ! Tu n’entends pas la cloche ? non ? Viens qu’on te pr'esente `a la soci'et'e.
***
Le r'efectoire 'etait une grande pi`ece partag'ee dans son milieu par deux longues tables plac'ees parall`element et recouvertes d’une 'etrange vaisselle.
Devant chaque fou, en effet, se trouvait une sorte d’assiette en bois, v'eritable 'ecuelle qu’une cha^inette enfonc'ee dans le rebord rivait `a la table. Pas de couteaux, pas de fourchettes. Un gobelet en bois fix'e `a la table par une cha^inette.
Lorsque Fandor p'en'etra dans la pi`ece, pouss'e d’une bourrade par le gardien, il regarda ceux qui allaient ^etre ses compagnons :